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de cas et séries historiques.

2.1. Introduction du chapitre 2

Plusieurs graves crues ont affecté le Nordeste brésilien depuis les années 2000 (ex : Pernambuco, Alagoas, janvier 2010). Celle du Rio Granjeiro, qui a provoqué d’importants dommages dans le centre-ville, le 28 janvier 2011, est un exemple de ces événements brutaux qui menacent de plus en plus les biens, les infrastructures et les personnes. Malgré la répétition récente de telles catastrophes, ici et dans d’autres régions du Brésil (par exemple dans l’État de Rio de Janeiro, janvier 2010 et 2011), il n’existe guère de « culture » (Glastron, 2003) ou même d’appréhension locale des risques, ni aucune réelle expression de cette problématique dans l’aménagement et la planification urbaine (Magalhães et al., 2010). Dans la littérature scientifique, il n’existait jusque récemment que quelques travaux sur des crues et des mouvements de terrain de petite taille affectant les systèmes de vallées et d’interfluves qui forment le site urbain (Ribeiro et Guerra, 2003 ; Soares, 2006 ; Carvalho et Ribeiro, 2007).

La connaissance des aléas a commencé à s’étendre avec l’identification de grands mouvements de masse ayant affecté l’escarpement (glissements) et les fonds de vallées (coulées de débris), probablement avec des temps de récurrence assez longs pour que ces événements soient jusqu’alors restés ignorés (Peulvast et al., 2011). En revanche, les crues et, en particulier, les crues-éclair, sont beaucoup plus fréquentes. Elles restent pourtant mal étudiées et gérées, en dépit des nombreuses annonces faites après chaque inondation.

Un des objectifs de ce chapitre est donc de contribuer à combler cette lacune, tout d’abord à partir d’une étude de cas portant sur la crue éclair et l’inondation du 28 janvier 2011 à Crato. Cette étude reprend en grande partie un article déjà publié (Magalhães et Peulvast, 2013). Après une présentation des méthodes utilisées, elle décrit cette crue, ses causes, son déroulement et ses conséquences, puis analyse les facteurs naturels et anthropiques en cause, reprenant en partie une démarche systémique suivie, entre autres, dans une étude menée par Menad et al., (2012) sur l’inondation de 2001 à Bab-el-Oued (Alger, Algérie). Accompagnée d’une mise en perspective historique sur les dernières décennies, à Crato et dans la commune voisine de Barbalha, elle aboutit à une réflexion sur le caractère de moins en moins exceptionnel de tels événements dans le contexte d’une urbanisation mal contrôlée qui modifie la formation et les modalités des écoulements, tout en aggravant les menaces sur les biens et les personnes.

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2.2. Crues éclair et inondations : l’épisode du 28 janvier 2011 à Crato

2.2.1. Contexte et aspects méthodologiques

Non vécu directement, l’événement a été décrit à partir de recherches bibliographiques, principalement dans la presse écrite (Jornal do Cariri, Diário do Nordeste, O Povo). Il a aussi été analysé à partir de documents audiovisuels (télévision, vidéos amateur, reportages photographiques, blogs), complétés par la collecte de données d’ordre météorologique et hydrologique issues de stations locales. Des documents sur la gestion de la catastrophe ont été obtenus de différents organismes d’État (Fundação Cearense de Meteorologia – FUNCEME, Companhia de Gerenciamento de Recursos Hídricos do Ceará – COGERH, Instituto Nacional de Meteorologia - INEMET, Coordenadoria Estadual de Defesa Civil – CEDEC, Corps de Pompiers militaires, etc.) ainsi que de la mairie (Prefeitura Municipal do Crato : Secretaria Municipal do Meio Ambiente). Le « Plano Diretor do Município do Crato » (Governo do Estado do Ceará, 2000) a aussi été consulté ainsi que divers documents cartographiques et données officielles.

L’étude repose aussi sur des travaux de terrain personnels menés dans la région depuis 2004, avant et après la crue. L’analyse de cartes (en particulier aux échelles 1/50 000 et 1/10 000) a été complétée par celle d’images 3D de Google Earth et de photographies au sol de dates variées, avant, pendant et après l’événement. Les données obtenues à partir de l’analyse des photos, vidéos et reportages ont été utilisées pour cartographier l’inondation du centre-ville, afin d’identifier les secteurs touchés et de les rapporter à la topographie ainsi qu’aux éléments permettant de caractériser la vulnérabilité (atteinte aux structures, mise hors de fonction…) des différents quartiers et installations. Enfin, la consultation des nouvelles et comptes rendus à travers les médias, celle des rapports techniques rédigés après la crue, ainsi que les contacts pris avec la population et les acteurs concernés (politiques, techniciens, représentants d’associations) à différents niveaux (Fédération, État, commune), ont permis de compléter les données et de prendre un recul critique par rapport aux informations immédiates.

2.2.2. L’événement du 28 janvier 2011 : aspects météorologiques

Généralement, les précipitations les plus importantes dans le Ceará commencent chaque année en décembre et peuvent durer jusqu’en juin, selon les conditions océaniques et atmosphériques régionales. Les pluies qui tombent en décembre et janvier sont appelées chuvas de pré-estação (pluies d’avant-saison), et se produisent principalement dans la région du Cariri. Ces pluies et celles de la saison des pluies sont influencées par les conditions locales, régionales et globales. Parmi celles-ci, les phénomènes El Niño et La Niña, la température de l’Atlantique tropical, les alizés de NE et SE, entre autres, sont considérés comme facteurs déterminants, contribuant ou non à la formation de nuages et

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de précipitations sur l’État (INPE, 2011 : voir chapitre 1). Nous décrivons ici l’événement pluvieux du 28 janvier 2011 survenu à Crato et l’inondation correspondante.

Les précipitations qui ont atteint la commune de Crato le 28 janvier 2011, provoquant le chaos, la panique et des destructions dans la ville, ont amené le maire de l’époque, Samuel Araripe, à décréter immédiatement l’état d’urgence. Selon le bulletin de la Fundação Cearense de Meteorologia e Recursos Hídricos (FUNCEME, 2011), un total de 162 mm de pluie tomba dès le petit matin, pratiquement sans interruption pendant 6 heures (Relatório dos Bombeiros/Defesa Civil ; rapport des Pompiers et de la Défense Civile). Alors que beaucoup de personnes dormaient, la pluie a provoqué une grosse crue torrentielle du Rio Granjeiro, la destruction partielle du canal qui traverse la ville et l’inondation d’une partie du centre.

Le graphique des précipitations journalières de janvier à mai 2011 sur la station de Crato, située en zone urbaine à 427 m d’altitude, montre une concentration des pics sur quelques jours de chaque mois (Fig. 2.1 A), avec des totaux mensuels de 392,8 mm en janvier, 331,4 mm en février, 192,4 mm en mars, 133,4 mm en avril et 88 mm en mai. Le pic le plus important correspond au 28 janvier 2011 (162 mm) ; ce même jour, 137 mm ont été mesurés à la station de Lameiro, plus proche de la Chapada (Fig. 2.1 B). Il avait déjà beaucoup plu les jours précédents (74,7 mm les 25 et 26 janvier), ce qui implique que le niveau des nappes avait pu s’élever, avec des saturés ou proches de la saturation. Ceci a pu diminuer l’infiltration et augmenter les coefficients de ruissellement.

Figure 2.1 - Précipitations journalières de janvier à mai 2011. A : station de Crato ; B : station de Lameiro.

(Source : FUNCEME, 2011).

La consultation des bulletins météorologiques des jours précédents montre que cet événement pluvieux n’avait pas été prévu et ne pouvait donc pas avoir été anticipé. Tout au plus, les analyses

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