que nous avons observŽs (cf. chapitre XI).
Dans la m•me perspective, la gestion des itinŽraires peut contribuer ˆ lÕefficacitŽ du
dŽplacement. LorsquÕil Žvoque les itinŽraires de voyage, B. Lahire (2001) montre quÕils
peuvent •tre planifiŽs. Notons quÕen dehors du fait que la prŽparation des trajets permet un
gain de temps, cela peut aussi •tre un moyen dÕanticiper dÕŽventuels imprŽvus. Le chercheur
souligne que Ç les itinŽraires les plus rigides et systŽmatiquement suivis sont ceux qui sont
b‰tis par rapport ˆ lÕexpŽrience pratique passŽe È (p. 237). LÕusage de lÕŽcrit pour Žtablir une
feuille de route peut donc •tre enrichi par lÕexpŽrience des situations vŽcues. Lˆ aussi, la
rŽgularitŽ permet de relever des irrŽgularitŽs et dÕamŽliorer lÕaction.
Conclusion partielle
Retenons que la mesure et la gestion du temps donnent lieu ˆ des variations.
Certaines pratiques sont issues de savoir-faire empiriques, dÕautres rel•vent de la raison
graphique et se rapprochent de lÕusage de lÕŽcrit. Ainsi, la gestion du temps peut donner lieu ˆ
lÕusage de lÕŽcrit comme les agendas et trouver sa source dans des habitudes issues de la
tradition orale. DÕautres moyens peuvent •tre mobilisŽs en dehors de lÕŽcrit, comme
lÕinstauration de la rŽgularitŽ dans les actes.
Il existe peu de travaux sur le lien entre la gestion de lÕespace et l'Žcriture. Notons
quÕil est possible dÕŽtablir un lien entre lÕamŽnagement de lÕespace et la raison graphique. De
m•me que dans lÕespace graphique dÕune page dÕŽcriture, les locaux entretenus par les
tŽmoins que nous avons rencontrŽs pour notre Žtude, sont marquŽs par la linŽaritŽ. Leurs
dŽplacements sont rŽcurrents et il existe une forme de rationalitŽ dans leurs dŽplacements.
4. CompŽtences empiriques ignorŽes
Nous consacrons cette derni•re partie aux compŽtences qui ne sont ni mise au jour,
ni valorisŽes par la norme scolaire. Il sÕagit des compŽtences et des savoirs personnels,
construits en dehors des apprentissages formels.
4.1.ƒlaboration de savoirs personnels en dehors dÕun cadre formel d'apprentissage
Des compŽtences scripturales peuvent •tre observŽes, en dehors du cadre de
l'apprentissage formel de l'Žcole. Dans une approche de type ethnographique, rŽalisŽe avec
Internet et au cas par cas, en milieu scolaire (Žcole, coll•ge et lycŽe), M.-C. Penloup (2007)
dŽcrit les pratiques scripturales extra-scolaires des Žl•ves. Elle montre que les Žcrits spontanŽs
(rŽcits, journaux intimes, textes de rap), reposent sur des Ç connaissances ignorŽes È des
Žl•ves (p. 18). Il sÕagit notamment de compŽtences de planification, dÕorganisation textuelles
et mŽta discursives, mobilisŽes dans des textes non scolaires. Ces savoirs sont en partie acquis
dans le cadre scolaire. Comme lÕexplique le chercheur, ceux qui sont mobilisŽs dans l'Žcriture
des journaux intimes tenus par de jeunes enfants, ne sont manifestement pas construits dans
ce contexte. Ç Les jeunes enfants "bricolent", ˆ partir dÕun genre de lÕoral comme la
confidence, empruntent ˆ lÕŽcrit scolaire, inventent partiellement È (p. 35). Ces pratiques
scripturales extrascolaires ouvrent des pistes didactiques et peuvent constituer un tremplin aux
apprentissages scolaires.
Dans la m•me perspective, M. Morisse (2008) montre que des adultes dits Ç en
difficultŽ È avec lÕŽcrit, dŽveloppent des pratiques scripturales personnelles. Ils produisent des
Ç Žcrits pour soi È tels que le journal intime et des courriers personnels (p. 139). Ces Žcrits
diff•rent de ceux de la sph•re publique en ce quÕils sont spontanŽs et sans contrainte. M.
Morisse note que ces pratiques dÕŽcriture dŽveloppent une distanciation par rapport au vŽcu et
une capacitŽ rŽflexive, ce qui a pour consŽquence une nouvelle lecture des Ç ŽvŽnements
significatifs È (p. 141). Ne pourrait-on pas faire de m•me dans le cadre de la formation des
adultes : partir de situations d'Žcriture Ç libres È issues de contextes variŽs, pour construire des
savoirs, en prendre conscience et les gŽnŽraliser, en les complŽtant, selon les besoins ?
M. de Certeau oppose les Ç stratŽgies È aux Ç tactiques È (1990, p. XLVI). Les deux
termes sont issus de la logique guerri•re. Ils Žvoquent l'emprise sur l'environnement, dans une
visŽe de domination. Les stratŽgies s'appuient sur un raisonnement et une ma”trise du temps
(anticipation) pour atteindre un objectif. Elles sont propres aux dŽcideurs qui les utilisent pour
imposer un fonctionnement aux plus Ç faibles È. Les tactiques, elles, se rapprochent des
opportunitŽs, car elles sont mises en Ïuvre sur le moment, ne faisant pas l'objet de calculs
prŽalables comme les stratŽgies. Inscrites dans l'immŽdiatetŽ, elles n'ont pas pour but de
capitaliser le profit obtenu par l'action, contrairement aux stratŽgies. Les tactiques sont
utilisŽes pour agir sur le syst•me. Elles sont une mani•re de profiter des failles du syst•me
pour rŽsister, sans sortir de ses fronti•res. A l'instar de M. de Certeau, nous pensons que ces
tactiques, Ç tours de main È, Ç mani•res de faire È ou Ç astuces È constituent une mani•re de
contourner ce qui est imposŽ par d'autres personnes, au moyen de stratŽgies. Ces termes
Žvoquent une logique mise en Ïuvre dans les actes du quotidien, au travail comme dans la vie
personnelle. Nos observations en situation professionnelle relatent des gestes qui permettent
aux agents de nettoyage de gagner du temps, d'anticiper un surcro”t d'activitŽ ou d'agir avec
efficacitŽ. Ainsi, un employŽ prŽcise au cours dÕune observation, qu'il n'applique pas les
consignes apprises au cours d'une formation technique, parce qu'il n'aurait pas le temps
d'effectuer la totalitŽ des t‰ches demandŽes et parce que cela n'a pas d'incidence sur la qualitŽ
de son travail (cf. cas dÕAtika, chapitre X).
Dans la m•me perspective, et ˆ propos du dŽveloppement de la capacitŽ ˆ rendre les
apprentissages plus autonomes, C. Castela (2007), montre que des savoir-faire spŽcifiques
sont ŽlaborŽs en-dehors de la classe. Dans le cadre dÕune Žtude menŽe aupr•s dÕŽl•ves de
terminale S, lÕauteure constate que lÕautonomie nÕest pas prise en charge dans le cadre
scolaire, notamment du fait de la grande quantitŽ de notions ˆ enseigner. Elle a rŽalisŽ des
entretiens individuels semi-directifs selon la mŽthodologie de lÕentretien dÕexplicitation. Or,
la rŽussite des Žl•ves dŽpend de lÕautonomie. Celle-ci se traduit par la nŽcessitŽ de complŽter
les savoirs thŽoriques dispensŽs durant les cours de mathŽmatiques par un travail de rŽvision
personnel. Certains Žl•ves dŽveloppent donc des stratŽgies, en dehors du cadre scolaire, ils
construisent un Ç curriculum clandestin È (p. 174). Ce curriculum clandestin est composŽ de
stratŽgies, au sens de M. de Certeau. C. Castela souligne quÕil sÕagit pour les Žl•ves de puiser
dans la rŽsolution de probl•mes antŽrieurs, donc dans leur expŽrience, pour faire face ˆ une
nouvelle situation. Il sÕagit aussi de repŽrer ce qui peut •tre extrait du contexte pour le
gŽnŽraliser et lÕappliquer ˆ dÕautres situations. Enfin, lÕauteure conclut en invoquant la
confiance en soi nŽcessitŽe par la mise en place de telles pratiques qui requi•rent parfois la
remise en question dÕune mani•re dÕagir. Ces pratiques puisŽes dans lÕexpŽrience, efficaces
dans un contexte scolaire, peuvent •tre mises en relation avec celles que lÕon rencontre dans le
milieu professionnel. Nos observations de terrain sont menŽes aupr•s dÕemployŽs qui
travaillent dans un secteur dÕactivitŽ o• le temps est comptŽ et rŽduit pour effectuer les t‰ches.
La prise en charge efficace de lÕactivitŽ implique parfois la mise en place de stratŽgies
personnelles spŽcifiques.
Une Žtude menŽe aupr•s de futurs enseignants, met en lumi•re des pratiques
professionnelles spŽcifiques (Bucheton et al., 2004). Il sÕagit dÕactes langagiers et non
langagiers, mobilisŽs par les enseignants et observŽs durant le dŽbut dÕun cours, en prŽsence
des Žl•ves. Les observations sont suivies dÕun entretien menŽ avec lÕenseignant qui est en
situation Ç dÕauto-confrontation È par rapport ˆ sa pratique (p. 50). Ce dernier est invitŽ ˆ
commenter son activitŽ ˆ partir de la trace audiovisuelle. DiffŽrentes mani•res dÕenvisager la
parole de lÕenseignant sont mise au jour. D. Bucheton et al. montrent que celle-ci est
Ç socialement et culturellement construite dans lÕhistoire croisŽe des acteurs (ma”tres-Žl•ves,
acteurs divers du syst•me) et de lÕinstitution È (p. 40). Ainsi, les gestes professionnels des
enseignants se construisent dans lÕexpŽrience, en lien avec leurs reprŽsentations des divers
cadres institutionnels qui entourent la situation de classe. Les auteurs indiquent que ces cadres
peuvent •tre verbalisŽs, alors que dÕautres sont Ç enfouis dans lÕhistoire sociale et scolaire des
sujets È (p. 40). Ces mani•res dÕagir peuvent •tre Žvolutives. Cela nŽcessite donc leur mise au
jour ˆ partir du contexte dans lesquelles les cadres enfouis sont mobilisŽs.
4.2.L'entretien dÕexplicitation : un moyen pour faire Žmerger les connaissances
Dans cette perspective de transfert des connaissances acquises dans un contexte
informel, E. LederlŽ (2007), montre comment intŽgrer les savoirs et savoir-faire d'enfants
dyslexiques dans une dŽmarche de rŽŽducation. Cette approche nous intŽresse tout
particuli•rement car elle s'oppose ˆ celle qui consiste ˆ partir d'un inventaire des lacunes.
LÕauteur propose d'utiliser l'entretien d'explicitation semi-directif pour faire Žmerger les
savoirs et savoir-faire des enfants. Rappelons que lÕexplicitation consiste ˆ faire Žmerger
lÕimplicite (Vermersch, 2006). Le but est de favoriser la prise de conscience des stratŽgies
existantes ainsi que des difficultŽs rencontrŽes par les apprenants, pour ensuite se baser sur les
difficultŽs repŽrŽes et dŽvelopper de nouvelles stratŽgies permettant de les dŽpasser.
Dans cette m•me perspective d'une prise en considŽration de l'expŽrience et des
connaissances existantes, P. Freire (2000) souligne l'intŽr•t du dialogue entre le formateur et
les apprenants. Il propose de provoquer une mise en relation des savoirs empiriques avec les
contenus de formation. De m•me, selon M.-C. Penloup (2007) et P. Freire, ˆ partir d'un
Žchange sur les pratiques, un lien peut •tre Žtabli entre les Ç savoirs, bribes de savoir ou
compŽtence È dŽjˆ acquis par les apprenants, et les contenus de la formation (p. 37).
LÕentretien dÕexplicitation est Žgalement utilisŽ dans le cadre de dispositifs de
Dans le document
Contribution à la formation à l'écrit en milieu professionnel : le cas des métiers de la propreté
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