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Partie 2 : Les plantes médicinales classiquement présentées comme ayant une action

A) Pourquoi rédiger une synthèse méthodique en phytothérapie ?

1) Des allégations attractives pour les praticiens et leurs patients :

De nos jours, la médecine vétérinaire n’échappe pas à l’engouement général pour les médecines

naturelles et notamment pour la phytothérapie. De nombreuses allégations circulent sur la

phytothérapie :

• La prise en charge phytothérapique, via une prescription magistrale notamment, permettrait de

traiter l’ensemble des symptômes, sans effets indésirables. Elle entraînerait également une

action durable, en stimulant par exemple, les organes de détoxification de l’organisme.

• Un concept important de la phytothérapie est la notion de « totum de la plante ». On

administre à l’animal non plus un principe actif, mais un mélange de molécules naturelles. On

obtiendrait donc un effet plus global sur l’individu, avec une quantité moindre de chaque

principe actif.

• Les molécules naturelles demanderaient également moins de travail hépatique. Cette moindre

stimulation hépatique serait intéressante dans le cas d’animaux présentant des troubles

digestifs impliquant le foie.

• Il n’y a pas de spécialisation par espèce en phytothérapie. Seule la cible physiopathologique

varie. Chez les ruminants, le rumen n’est pas un problème puisqu’en vue de la taille des

molécules considérées, elles ne devraient pas être dégradées mais passer directement dans la

caillette (Váradyová et al., 2018).

Ainsi, si les propriétaires d’animaux n’hésitent pas à appliquer des informations glanées sur Internet,

parfois même à appliquer sur leurs animaux des traitements à destination humaine, les vétérinaires

phytothérapeutes se doivent de savoir justifier leur prise en charge thérapeutique (Vandeweerd et al.,

2012). Ces affirmations nécessitent donc d’être vérifiées et prouvées.

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2) Un cadre réglementaire complexe :

Pour les praticiens, le cadre réglementaire de la prescription de phytothérapie est complexe.

Selon la définition de la Pharmacopée Française (11ème édition en vigueur) : « Les plantes

médicinales sont des drogues végétales au sens de la Pharmacopée Européenne dont au moins une

partie possède des propriétés médicamenteuses. Ces plantes médicinales peuvent aussi avoir des

usages alimentaires, condimentaires ou hygiéniques ».

Le monopole des pharmaciens sur la vente et la dispensation au public des médicaments est inscrit à

l'article L. 4211-1 du code de la santé publique. Ce monopole s'applique donc également à l'ensemble

des médicaments à base de plantes. Il s'étend à la vente des plantes médicinales inscrites à la

pharmacopée française, dont la liste se décline en deux parties :

• la liste A comprend 416 plantes utilisées traditionnellement en France ou dans les médecines

traditionnelles chinoise ou Ayurvédique. 148 d'entre ellesprésentant des usages alimentaires

ou condimentaires, peuvent être vendues sans revendication possible d'une indication

thérapeutique : elles sont libérées du monopole pharmaceutique.

• la liste B (130 plantes) comprend des plantes qui peuvent être utilisées traditionnellement en

thérapeutique mais dont les effets indésirables potentiels sont supérieurs au bénéfice

thérapeutique attendu, par exemple en raison de leur toxicité. Ces plantes ne peuvent être

vendues en l'état, y compris par des pharmaciens.

Le vétérinaire peut, à l’heure actuelle, prescrire des plantes médicinales sous différentes formes :

• sous la forme d’un médicament vétérinaire à base de plante. Tous les médicaments

vétérinaires doivent faire l’objet d’une autorisation de mise sur le marché (A.M.M) selon

l’article L.5141-5 du CSP. Une A.M.M allégé est possible pour les médicaments à base de

plantes, en se basant uniquement sur les données d’innocuité et sur l’usage traditionnel. Les

démarches étant lourdes et coûteuses, très peu de médicament vétérinaire à base de plantes

sont disponibles sur le marché.

• sous la forme d’une préparation extemporanée à base de plante. Les drogues végétales et

les produits dérivés peuvent être utilisés pour la préparation de préparations magistrales dans

le cadre de l’article L. 5143-4 du CSP dit de la « cascade ». En l'absence de médicaments

appropriés, le vétérinaire peut avoir recours à cette dernière possibilité. Les substances

végétales utilisées doivent avoir la qualité de matières premières d’usage pharmaceutique au

sens de la pharmacopée européenne ou à défaut française (ANSES 2016).

• sous la forme d’un aliment diététique.

3) La nécessité d’un bilan face aux évolutions :

La prescription de phytothérapie est actuellement facilitée par l’apparition de forme standardisée, avec

notamment les extraits de plantes standardisés (EPS). Ce sont des extraits hydro-alcooliques issus d’un

processus particulier de broyage à froid et de conservation dans une solution glycérinée. Ces EPS sont

des matières premières d’usage pharmaceutique (MPUP) pouvant être utilisées pour faire des

préparations extemporanées.

Pendant longtemps, l’usage de plante médicinal n’a été justifiée que par des usages traditionnels avec

notamment le recueil et le rapport de cas cliniques. Le niveau de preuves des publications en

phytothérapie est donc réputé pour être faible. Comparativement à l’allopathie classique, on lui

reproche un manque d’efficacité reconnue ainsi qu’un déficit de connaissance des molécules

composantes ou de leurs modes d'action. Il lui est aussi fréquemment reproché de ne pas avoir de

composition qualitative et quantitative constante en principes actifs en fonction de la période de

récolte ou du lieu de culture notamment.

Cependant, depuis quelques années, les publications scientifiques dans ce domaine abondent de plus

en plus. Le nombre croissant d’articles illustre bien le questionnement actuel sur son efficacité et son

innocuité.

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D’une démarche empirique avec des usages traditionnels, on tend donc vers une prise en charge plus

standardisée et justifiée, notamment grâce à une connaissance plus fine des mécanismes d’action des

plantes et à la multiplication des formes galéniques sous lesquelles elles peuvent être prescrites

(Colalto, 2018).

Mais à l’image des publications disponibles en phytothérapie, les synthèses méthodiques dans ce

domaine sont généralement de faible qualité et se contente d’une approche qualitative basée sur le

design des articles, sans évaluer leur validité interne. Cette thèse se propose donc d’en rédiger une, à

destination des vétérinaires praticiens.

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