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5. La schizophrénie, une maladie associée à un système de récompense

5.5. Potentiel antipsychotique d’un agoniste partiel aux récepteurs D2

Tel que mentionné à la section 5.2, l’hyperactivité de la voie mésolimbique serait à l’origine des symptômes positifs de la schizophrénie alors que l’hypoactivité de la voie mésocorticale serait à l’origine des symptômes négatifs et cognitifs (Carlsson, 1978a; Grace, 1991). Les médicaments antipsychotiques actuellement disponibles ont tous une activité antagoniste aux récepteurs D2. Les antipsychotiques typiques possèdent une forte affinité pour ces récepteurs et ont une forte propension à induire des effets moteurs handicapants. Les antipsychotiques atypiques ont un profil d’action pharmacologique différent. Ils possèdent une plus faible affinité pour les récepteurs D2 et une grande affinité pour les récepteurs 5-HT2a; ils interagissent également avec plusieurs autres récepteurs pour lesquels ils possèdent une affinité plus ou moins élevée. Ce profil pharmacologique semble expliquer la faible propension des antipsychotiques atypiques à induire des effets moteurs ce qui en fait des médicaments de premier choix. Toutefois, ils ne sont pas dépourvus d’effets indésirables. Ils peuvent par exemple induire un gain pondérable important souvent accompagné d’hyperglycémie et d’hypercholestérolémie; certains patients peuvent développer une tolérance à l’insuline ce qui entraîne l’apparition du diabète de type 2. Ces effets indésirables ont un impact important sur la qualité de vie du patient et sur leur espérance de vie. Dans ce contexte, il devient impératif de développer de nouvelles molécules antipsychotiques exemptes d’effets néfastes.

Le groupe de Carlsson (2004) a suggéré d’utiliser des molécules qui agissent de façon sélective sur la neurotransmission dopaminergique mais d’une manière différente des médicaments actuels. Certaines d’entre elles, tel que l’OSU-6162 et l’ACR16, semblent agir comme «stabilisateurs dopaminergiques». Elles augmentent la neurotransmission dopaminergique lorsque celle-ci est faible et la réduisent lorsqu’elle est élevée. Selon les hypothèses énoncées précédemment, ces molécules auraient pour effet d’atténuer l’activité de la voie mésolimbique et d’augmenter celle de la voie mésocorticale réduisant par le fait même les symptômes positifs et les symptômes négatifs. Des données pré-cliniques supportent l’hypothèse d’une stabilisation de la neurotransmission dopaminergique. Par exemple, l’OSU-6162 atténue l’activité locomotrice lorsque la neurotransmission dopaminergique est augmentée soit par l’exposition à un nouvel environnement soit par l’administration de d-amphétamine (Natesan et coll., 2006; Rung et coll., 2008). À l’opposé, elle augmente l’activité locomotrice chez des animaux qui présentent un faible niveau d’activité spontanée parce qu’ils ont été habitués ou sur-exposés à l’environnement (Natesan et coll., 2006; Rung et coll., 2008). Chez les primates atteints de parkinsonisme expérimental, la l-DOPA réduit les anomalies motrices, mais elle produit de la dyskinésie qui résulte d’une trop grande stimulation dopaminergique. Or, chez ces animaux, l’OSU-6162, réduit la dyskinésie sans atténuer l’effet antiparkinsonnien de la l-DOPA (Hadj Tahar et coll., 2001).

Le(s) mécanisme(s) par lequel (lesquels) l’OSU-6162 et l’ACR16 maintiennent l’homéostasie du système dopaminergique n’est (sont) que partiellement compris. Ces molécules possèdent une spécificité et une sélectivité pour les récepteurs D2 et des études in vitro montrent qu’elles agissent comme

agonistes partiels à ces mêmes récepteurs (Sonesson et coll., 1994, Natesan et coll., 2006; Lahti et coll., 2007; Seeman et Guan, 2007; Seeman et coll., 2009). Il a été proposé que l’OSU-6162 et l’ACR16 agissent de manière préférentielle au niveau des autorécepteurs D2 qui seraient plus affins que les récepteurs post-synaptiques (Carlsson et coll., 2004). À ce jour, le concept de stabilisateurs dopaminergiques n’a été étudié que dans des modèles comportementaux qui mesurent leur impact sur la motricité. De fait, aucune étude n’a été effectuée afin de déterminer l’effet de l’OSU- 6162 sur d’autres comportements dopamino-dépendants qui dépendent des voies dopaminergiques qui contrôlent la motivation et les émotions, tel que le comportement d’ASI.

HYPOTHÈSES ET OBJECTIFS DE RECHERCHE

L’ASI est un modèle animal qui permet d’étudier les circuits neuronaux de la récompense et qui est sensible aux manipulations dopaminergiques.

Les antipsychotiques atypiques, qui présentent une faible affinité pour les récepteurs de type D2 et une forte affinité pour les récepteurs 5-HT2a atténuent la récompense induite par la stimulation mais moins fortement que les antipsychotiques classiques. Les antipsychotiques atypiques présentant une affinité pour un grand nombre de récepteurs autres que les récepteurs 5-HT2a et D2, il est difficile de tirer des conclusions quant au rôle des récepteurs 5-HT2a dans leur efficacité à atténuer la récompense induite par la stimulation du FMP. De plus, les études qui ont étudié l’effet du M100907 sur le comportement d’ASI, n’ont pas évalué l’effet de l’antagoniste des récepteurs 5-HT2a lorsque la neurotransmission dopaminergique est atténuée et ont utilisé une méthodologie qui ne respecte pas un postulat fondamental du paradigme de déplacement de la courbe. Le but du premier article publié dans Neuropsychopharmacology était donc d’évaluer, à l’aide du M100907, le rôle des récepteurs 5-HT2a dans l’effet atténuateur des antipsychotiques atypiques sur la récompense. L’hypothèse était que l’atténuation de la récompense induite par l’ajout du M100907 à l’halopéridole était similaire à celle induite par la clozapine. Pour ce faire, les effets sur la récompense et sur la capacité motrice du M100907 ont été comparés à ceux produits par l’halopéridol et par la clozapine. Par la suite, l’effet du M100907 sur une dose sous et supraliminale d’halopéridole a été évalué afin de vérifier si le blocage des récepteurs 5-HT2a potentialise ou inhibe l’effet d’un antagoniste aux récepteurs de type D2.

L’objectif du second article publié dans European Neuropsychopharmacology était de caractériser l’effet d’un agoniste partiel aux récepteurs D2, l’OSU-6162, sur la récompense induite par la stimulation du FMP. Dans une seconde étape, l’effet de l’OSU-6162 sur l’effet inhibiteur et facilitateur du quinpirole a été caractérisé à l’aide du comportement d’ASI et de l’activité locomotrice induite par la nouveauté. L’OSU-6162 étant un agoniste partiel des récepteurs D2, son effet dépend de l’état d’activation du système dopaminergique. La première hypothèse était que l’OSU- 6162 allait induire une augmentation du seuil de récompense puisque la stimulation du FMP induit une augmentation de la neurotransmission dopaminergique. La seconde hypothèse était que l’OSU-6162 allait atténuer l’augmentation et la diminution du seuil de récompense induites par le quinpirole. De même, l’OSU-6162 allait renverser la diminution et l’augmentation de l’activité locomotrice induites par le quinpirole. Les données obtenues à l’aide de l’OSU-6162 ont été comparées à celles observées suite à l’administration d’halopéridole seul ou en combinaison avec le quinpirole. Cette deuxième étude a permis de mieux caractériser le rôle des récepteurs D2 pré et post-synaptiques dans la récompense en elle-même et lorsque l’homéostasie du système dopaminergique est altérée par un agoniste des récepteurs de type D2.

RÉSULTATS