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2. Bases neurobiologiques de la récompense

2.3 Études de la localisation et des propriétés physico-chimiques des fibres qu

2.3.3 Les études de lésion

Tel que mentionné précédemment, les résultats des études de cartographie ont révélé un continuum de sites positifs entre le mésencéphale, le diencéphale et le prosencéphale. Ceci permet d’émettre l’hypothèse de l’existence d’un circuit unique de fibres de récompenses qui relie l’ensemble de ces régions ou de plusieurs circuits inhérents à chacune des régions mais fonctionnellement reliés l’un avec l’autre. Une des méthodes utilisées pour tester chacune de ces hypothèses est la méthode de lésions. Cette méthode consiste à induire un comportement d’ASI par la stimulation d’un site et d’étudier l’impact d’une lésion d’un site distant, connu pour contenir des fibres de récompenses, sur ce comportement d’ASI. Diverses méthodes ont été employées pour effectuer des lésions parmi lesquelles on retrouve les lésions mécaniques, électrolytiques et les lésions chimiques.

Un grand nombre d’études ont été réalisées chez des animaux porteurs d’une électrode de stimulation dans le faisceau médian prosencéphalique (FMP). Les études de cartographie ont montré que la stimulation électrique du FMP, entre l’ATV et l’hypothalamus antérieur induit un comportement d’ASI peu contaminé par d’autres effets comportementaux. Il s’agit d’une voie nerveuse qui comprend plus d’une cinquantaine de types de fibres de passage ascendantes et descendantes qui relient principalement des régions du prosencéphale à celles du mésencéphale (Figure 9) dont le CPF, le NAc, l’ATV, le noyau du raphé dorsal et d’autres régions caudales tel que le noyau pédunculopontin tegmentaire (PPTg). Une grande inconsistance ressort des études dans lesquelles une lésion a été effectuée au niveau d’une région dont les efférences et/ou les afférences font partie du FMP ou au niveau du FMP lui- même. En effet, la destruction des structures du prosencéphale par des lésions

mécaniques (Stellar et coll., 1982), du septum, de la bande diagonale et de l’aire préoptique antérieure (Waraczynski, 1988), par des lésions électrolytiques ou excitotoxiques de l’amygdale (Bielajew et coll., 2002), du noyau hypothalamique dorsomédian (Waraczynski et coll., 1992), de l’hypothalamus latéral (HL) (Stellar et coll., 1991; Simmons et coll., 1998; Sprick et coll., 1985), du noyau parabrachial (Waraczynski et Shizgal, 1995), du pallidum ventral et de l’ATV (Tehrani et Stellar, 1992), du raphé dorsal et de la substance grise périaqueductale (Waraczynski et coll., 1998), du raphé médian, de la décussation des pédoncules cérébelleux supérieurs ou du noyau interpédonculaire (Waraczynski et coll., 1999) ainsi que des noyaux cholinergiques pontiques (Waraczynski et Perkins, 1998) n’ont peu ou pas d’effet à long terme sur la récompense (indice M50) induite par la stimulation du FMP, lorsque les lésions sont faites du côté ipsilatéral au site d’ASI. Toutefois, certaines études ont rapporté des résultats positifs. Par exemple, Murray et Shizgal (1996) ont effectué des lésions électrolytiques de l’hypothalamus antérieur et observé, chez certains rats, des augmentations persistantes et de grandes amplitudes du seuil de récompense induit par la stimulation du FMP (postérieure à la lésion) et de l’ATV ipsilatéral. À la suite d’une analyse détaillée des résultats des études de lésion, Malette et Miliaressis (1995) ont émis l’hypothèse que le circuit de la récompense est constitué de projections et de liens synaptiques inter-hémisphériques, des caractéristiques qui font en sorte qu’un dommage localisé au niveau ipsilatéral a peu d’impact sur le fonctionnement du circuit. De plus, les auteurs de ces études n’ont pas tenté de vérifier s’il n’existait un lien fonctionnel entre le site de stimulation et le site de lésion.

Figure 9. Le faisceau médian prosencéphalique (FMP). Le FMP est une voie neuronale où passent les fibres de passage descendantes et ascendantes qui relient les régions cérébrales antérieures aux régions postérieures. Amyg = amygdale; ATV = aire tegmentaire ventrale; CPF = cortex préfrontal; NAc = noyau accumbens; NR = noyaux du raphé; PPTg = noyau pédunculopontin tegmentaire; Sep = Septum.

NAc CPF NR FMP Amyg PPTg CPF Sep ATV

Selon Malette et Miliaressis, cela pourrait expliquer le grand nombre de résultats négatifs. Tenant compte de ces limites, ils ont étudié l’effet d’une lésion du FMP au niveau de l’HL sur la stimulation de l’ATV ipsilatéral et contralatéral. Ils ont également utilisé des électrodes de stimulation mobiles et ont effectué au préalable des tests avec la technique de double stimulation. Cette technique permet de déterminer si les fibres de récompense stimulées à un site passent dans le champ de stimulation supraliminaire de l’électrode d’un autre site (voir Shizgal et Murray, 1989 pour l’explication du test de collision). En appliquant ces méthodes, ils ont montré que les fibres de récompense relient des sites inter-hémisphériques. Il est intéressant de noter que malgré cette méthodologie rigoureuse, Malette et Miliaressis n’ont pas eu beaucoup plus de succès que leurs prédécesseurs; c’est-à-dire que les effets atténuateurs des lésions qu’ils ont pratiquées à plusieurs sites ipsi- et contralatéraux à l’électrode de stimulation n’étaient pas très grands et étaient observés chez un petit nombre d’animaux. Ceci suggère que le circuit de la récompense est ramifié, complexe et résilient. Pour Gallistel et collaborateurs (1996) la localisation du site lésé par rapport au site de stimulation sur le plan rostro-caudal est un facteur important. Ils ont donc mesuré l’effet d’une lésion électrolytique ou mécanique sur la récompense induite par la stimulation du FMP lorsqu’elle est pratiquée dans la partie du FMP rostrale ou caudale à l’électrode de stimulation. Cette expérience a montré qu’une lésion rostrale ne change pas l’effet de récompense alors qu’une lésion caudale atténue de manière significative la récompense induite par la stimulation du FMP. Les résultats obtenus par Gallistel et collaborateurs montrent que l’on peut atténuer la récompense induite par la stimulation du FMP et que le signal induit par cette stimulation se propage dans la direction rostro-caudale. Il est intéressant de

noter que le nombre d’animaux présentant un effet atténuateur était, tout comme dans les autres études, très petit et qu’il n’y avait pas de corrélation significative (parmi l’ensemble des animaux) entre l’effet de la lésion, le site de stimulation, le site de lésion, et l’étendue de la lésion.

2.3.3.1 Lésions chimiques

Vers la fin des années 70s, Wise a proposé, sur la base d’un grand nombre d’études pharmacologiques que les neurones dopaminergiques localisés dans l’ATV constituent un important élément du circuit de la récompense (voir Wise, 1978 et section 3.3.1 de cette thèse). Ainsi, Fibiger et collaborateurs (1987) ont étudié l’impact d’une lésion neurochimique des neurones dopaminergiques sur la récompense induite par la stimulation de l’ATV. Il existe en effet une toxine, la 6- hydroxydopamine (6-OHDA) qui détruit de façon sélective les neurones catécholaminergiques (dopamine (DA) et noradrénaline); il est possible de détruire sélectivement les neurones dopaminergiques en traitant les animaux avec un bloqueur du site de recapture de la noradrénaline. Utilisant cette technique, Fibiger et collaborateurs (1987) ont observé une augmentation du seuil de récompense lorsque l’électrode de stimulation est située du côté ipsilatéral à la lésion mais aucun changement dans les seuils de récompense lorsque l’électrode de stimulation se trouve du côté contralatéral. Ces observations indiquent donc que les neurones dopaminergiques constituent des éléments importants du circuit de récompense. Puisque ces lésions ont atténué que partiellement l’effet de récompense, on peut émettre l’hypothèse que d’autres types de neurones, non sensibles à cette toxine sont impliqués. Colle et Wise (1987) se sont aussi intéressés au rôle de la DA dans la

récompense. Mais au lieu d’utiliser la toxine spécifique ils ont plutôt choisi d’effectuer une ablation unilatérale des noyaux du système limbique qui reçoivent une innervation dopaminergique issue des neurones de l’ATV, soit le cortex frontal, le striatum dorsal, le NAc, le septum et le tubercule olfactif. Ils ont observé une augmentation des seuils de récompense d’environ 30% lorsque l’électrode de stimulation se trouvait du côté ipsilatéral à l’ablation; fait intéressant, la grandeur de l’effet atténuateur était proportionnelle à la taille de la lésion (du tissu prélevé). Aussi, ils ont observé une disparition de l’effet après quelques semaines, ce qui suggère que le circuit de récompense est résilient, voire plastique, et lorsque lésé, enclenche des mécanismes compensatoires qui permettent de rétablir un niveau fonctionnel de base. Cette caractéristique pourrait expliquer les résultats obtenus au moyen d’autres types de lésion (voir ci-haut).