L’approche diatopique se justifie par le sujet : une analyse, même approfondie, du
terrain principal de l’OT d’Aix et du Pays d’Aix aurait eu certaines lacunes. Il semble
nécessaire d’avoir des terrains complémentaires afin d’apporter des éclairages divers, et
de mieux cerner les phénomènes de causes et de conséquences dans l’analyse. Ce terme,
diatopique, est sciemment choisi, pour l’ensemble des acceptions qu’il possède. Il est en
effet utilisé en linguistique, afin de définir la position géographique d’une personne en
fonction de sa manière de parler, du vocabulaire qu’elle emploie et qui est propre à la
région dans laquelle elle vit. L’analyse diatopique permet ainsi de déterminer les
influences géographiques des concepteurs et des directeurs sur l’organisation spatiale et
les pratiques des conseillers en séjour. Elle admet également de jouer sur plusieurs
espaces : l’espace géographique et politicoéconomique de la destination ; l’espace
physique et circonscrit de l’office de tourisme ; et l’espace numérique via les outils mis
à disposition des usagers.
Quant à l’approche synchronique, elle est d’abord pratique : elle autorise l’étude
d’éléments contemporains, en dehors de leur évolution. En effet, lorsqu’on parle de
matérialité spatiale, il est difficile d’en aborder les évolutions si l’ancien n’a pas été
conservé. De la même manière, lorsqu’on parle de pratiques d’un espace, il semble
impossible d’élaborer des comparaisons avec un passé non vécu ou non étudié. Cette
approche synchronique est pourtant un peu mise à mal, par le fait que les conseillers en
séjour fonctionnent par comparaison avec l’ancien pour décrire le nouveau. De même,
le choix de l’OT de Vienne pourrait en partie remettre en cause cette approche, dans le
sens où il a été sélectionné pour le fait qu’il n’était pas encore ouvert au commencement
de cette recherche. Malgré tout, il s’agit bien d’un état de fait qui est analysé.
L’évolution des pratiques des conseillers est étudiée dans leur discours. L’ensemble des
offices de tourisme sélectionné a ouvert récemment, juste avant le début de l’étude (Aix
et Pays d’Aix, Vaison-Ventoux, New York, la Montérégie), et même après (Mulhouse,
Vienne, Saint-Étienne). Cette synchronie permet de fonctionner avec des contextes
international et national communs, mais combinée avec la diatopie, elle permet
d’envisager au mieux les enjeux locaux.
Puisqu’il est question de temporalité, voilà l’occasion de revenir sur la saisonnalité
évoquée précédemment. En effet, selon le point de vue international ou national, cette
étude est synchronique. Pourtant, à l’échelle de la destination, il a fallu tester la
saisonnalité, et établir les récolements à des périodes différentes en conséquence.
L’intuition laisse à penser que les pratiques de l’espace des conseillers en séjour sont
différentes en saison haute (moins de temps avec les usagers et donc moins de
médiation, d’interactions longues, de déplacements…) qu’en saison basse, qui accorde
peut-être de plus grandes prises de risques, des remises en question.
Le cadre général étant posé, un retour sur les techniques méthodologiques ayant permis
de documenter l’espace s’impose. Ces techniques ont été, pour l’essentiel, théorisées
par les SIC et la muséologie.
2. Documenter l’espace grâce aux traces de l’observation
Trois outils principaux de relevés permettent d’obtenir une trace de l’observation dont
l’analyse amène à l’identification de stratégies spatio-communicationnelles : le plan, la
description textuelle et le relevé photographique. La création d’une typologie des outils
numériques facilite quant à elle la mise en lumière, une fois cette identification faite,
des stratégies numériques mises en œuvre. Ce sont ces outils et la manière dont ils ont
été mobilisés pour cette recherche qui seront décrits dans les prochaines lignes.
2.1. Le plan et la description textuelle : représenter la matérialité de l’espace et
décrire les stratégies spatialisantes selon une visite experte
Dans son mémoire de thèse traitant du rôle de l’espace dans le musée et l’exposition,
Soumaya Gharsallah explique qu’elle met à l’œuvre « trois outils de relevés : le plan, le
texte et la photo » (2008 : 43). Sa méthode a pour vocation de comprendre le rôle de
l’espace dans l’exposition. Aussi propose-t-elle un découpage extrêmement fin, une
segmentation des unités dans un processus de déconstruction spatiale. Sans entrer dans
une démarche si fine de découpe, l’emploi de ces trois outils de relevés permet
d’amorcer ce travail de recherche.
Tout d’abord, la description de l’espace dans sa spécificité discursive nécessite
l’utilisation du plan
49comme support de représentation de sa matérialité. L’auteure
précise qu’il s’agit d’un « document primordial pour la description, l’orientation et le
repérage » (Ibid.). Cependant, au-delà de ces fonctions pratiques, le plan constitue en
outre l’outil de production d’un discours sur le dispositif représenté ainsi que la mise en
lumière de l’idéologie (Marin, 1994) sur laquelle se fonde le discours. Marin va même
plus loin en parlant de la carte d’une ville, engageant l’idée d’énonciation spatiale :
Une carte de la ville est la représentation de la production d’un discours sur la ville ou d’une série complexe d’actes de langage, i.e. précisément d’une énonciation. La carte comme tout dispositif représentatif possède deux dimensions. La première est transitive : une carte représente quelque chose – son objet. La seconde est intransitive ou réflexive : elle se (re-)présente représentant de quelque chose – son sujet. Une carte, en tant que représentation, à la fois signifie […] et montre qu’elle signifie. Cette monstration ou présentation constitue l’énonciation cartographique dont il faut rechercher les modalités spécifiques. (Ibid. : 206.)
49
Figures 10, 11 et 12, planche n°1. Pour une meilleure lisibilité, ils sont également répertoriés dans le cahier iconographique.