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Une position doublement incertaine ? Le recrutement spécifique des commissions et

CHAPITRE 2 : « Faire ses commissions » Formation et recrutement des groupes

II. Une position doublement incertaine ? Le recrutement spécifique des commissions et

A) La fabrication réciproque de la commission et de ses militants

1) Au PCF, des passeurs décisifs : le cas de Jean Guimier

La multipositionnalité des membres de la commission sport nationale du PCF, à toutes les époques depuis son origine, apparaît comme l’un des principaux traits qui la distinguent de son homologue cégétiste. Pour tenter d’en percevoir les facteurs comme les implications sur le fonctionnement concret de ces groupes et leurs productions idéologiques, il nous faut nous arrêter plus précisément sur leurs trajectoires socio- biographiques, en commençant par le plus emblématique d’entre eux, à savoir Jean Guimier. Erigé en « père fondateur » de la commission sport par ses militants les plus actifs jusqu’à aujourd’hui, il incarne surtout la figure archétypale du militant communiste de par sa trajectoire sociale et son appartenance à différents réseaux.

Né en 1913, ce fils d'un charron-forgeron et d'une aide-ménagère de la Sarthe est reçu en 1933 au concours d'entrée de la première promotion de l’École Nationale d’Éducation Physique (ENEP) dont les effectifs restreints (14 jeunes hommes et 14 jeunes femmes) ajoutés à la condition d'interne confèrent à l'institution sinon un caractère « total » (Goffman 1968), du moins une importante force socialisatrice.

Cependant, doté d'une expérience de dirigeant sportif à l’École normale d'instituteurs du Mans et d'un tempérament déjà frondeur, Guimier arrive à l'école du 15e arrondissement parisien avec certaines idées sur l'encadrement (Couturier 2001:11). Dans la capitale, il va du reste subir d'autres influences intellectuelles et militantes, en fréquentant notamment Paul Langevin, Henri Wallon258 et surtout Maurice Baquet259. Il adhère

également dès 1933 au PCF (Ibid : 13) et se lance alors dans des « actions revendicatives visant à améliorer la formation du tout nouveau corps des professeurs d'EPS » (Ibid : 15260, puis adhère à la FST au début de

l'année 1934. Contrairement à Auguste Delaune qui y représente la FSGT, Jean Guimier ne prend pas part aux travaux du Conseil supérieur du sport mis en place par le gouvernement de Front Populaire (Terfous 2010), faute d'y avoir été nommé. Mobilisé en 1939, il est fait prisonnier lors de l'offensive des Ardennes le 18 mai 1940 et interné au Stalag 8C à Sagan, en Basse-Silésie. Là, il revendique une amélioration des conditions de vie pour les prisonniers et organise pour eux des activités sportives et, avec son camarade Jean- Pierre Bauer261, crée même un club omnisports qu'ils baptisent « Stade français ». Cette expérience, très

souvent relatée par les enquêtés les plus anciens, participe ainsi d’une mythification de Jean Guimier, et au- delà des origines de la commission sport, elle contribue également à légitimer la cause du sport en même temps qu’elle illustre la passion sportive et la force de conviction qui anime alors ces militants sportifs communistes.

Rapatrié en France après avoir été faussement diagnostiqué syphilitiquepar un médecin complaisant, il est fiché « P.R. » (Présumé révolutionnaire) par les Allemands et emprisonné trois mois à Fresnes. L'inspecteur général Coulon le nomme alors enseignant au lycée de Beauvais puis directeur adjoint du Centre

258 Professeurs communistes au Collège de France - respectivement en physique et psychologie, et notamment maîtres

d’œuvre de la Commission ministérielle pour la réforme de l’enseignement créée en novembre 1944 et qui devait produire un grand plan de réforme générale de l’enseignement, connu sous le nom de « plan Langevin-Wallon » (quoique Paul Langevin mourût (décembre 1946) avant la fin de ses travaux). Sur le plan, voir Pierre Boutan, Etya Sorel (dir.), Le Plan Langevin-Wallon, une utopie vivante. Actes des rencontres Langevin-Wallon, 6-7 juin 1997 organisées à l’initiative de La Pensée, Paris, PUF, coll. « Éducation et formation. Pédagogie théorique et critique », 1998.

259 Après la Première guerre mondiale, où il est mobilisé, Maurice Baquet (1897-1965) participe aux Jeux Inter-alliés

dans plusieurs disciplines en 1919 et devient l'année suivante adjudant-moniteur à l'école supérieure d'Education physique de Joinville-le-Pont. Il est ensuite détaché à la mission militaire en Pologne pour y « réorganiser » le sport national et revient en France en 1926 pour faire partie de diverses équipes universitaires d'athlétisme puis enseigner au lycée. Par la suite il entraînera notamment l'équipe de France d'athlétisme lors des Jeux olympiques de Berlin de 1936, avant de devenir l'année suivante directeur technique de l'ENEP. Il développe une conception particulière de l'éducation physique qu'il développe notamment dans Éducation sportive. Initiation et entraînement publié en 1942, qui rompt avec l'hébertisme promu par Vichy. Après-guerre, il adhère à la FSGT en 1945 où il s'investit plus particulièrement dans la formation, et est également nommé directeur-adjoint de l'Institut national des sports jusqu'en 1960. C'est pour lui rendre hommage que Robert Mérand, alors directeur du Conseil pédagogique et scientifique de la FSGT nommera les fameux stages organisés par la fédération entre 1966 et 1975 (voir Goirand et alii (2004)). Sur la biographie de Maurice Baquet, on peut confronter la préface rédigée par René Moustard, qui a été l'un de ses élèves et proches, lors de la réédition de son ouvrage de 1942 (Baquet, Moustard, 2008) et la vision beaucoup plus noire de Fabien Ollier (2003 : 237 et suiv.) qui y voit un militariste coupable d'accointances avec le fascisme et l'un des pionniers de la « sportivisation de l'EPS » (Ibid : 240). A noter en tous les cas que si Maurice Baquet apparaît comme la matrice des acteurs au croisement de la FSGT et du PCF, qu'il aura comme étudiants à l'ENEP pour la plupart, comme Jean Guimier, Robert Mérand, René Deleplace ou René Moustard notamment, la socialisation semble bien s'être opérée aussi et peut-être plus encore de manière « ascendante » concernant le premier nommé, qui a adhéré à la FSGT bien avant lui et semble avoir plus influencé sa conception du sport que l'inverse.

260 Rappelons que le Syndicat national de l'éducation physique (SNEP) ne naît, au sein de la défunte Fédération de

l'Education Nationale (FEN) qu'en décembre 1944 (Attali et Caritey, 2005).

261 A ne pas confondre avec Jean-Claude Bauer, jeune médecin résistant qui a donné son nom au stade dans lequel

régional d'éducation générale et sportive (CREGS) de Haute-Barde, en Bretagne. C'est à ce moment-là qu'il va rejoindre le réseau de résistance « Sport libre » et être notamment mandaté par ce dernier pour le représenter auprès du Commissariat général au sport lors de la Libération de Paris en août 1944, comme l'attestent plusieurs pièces reproduites par Gérard Couturier dans son ouvrage biographique (2001 : 24-27). Cela lui permet de prendre part aux travaux du Conseil national de la Résistance (CNR) aux cotés de René Rousseau, Maurice Baquet, Paul Langevin et Henri Wallon portant sur une « esquisse de réforme de l’enseignement », et d’y défendre la place de l’EPS à l’école dans une note intitulée « la croisade pour le sport » publiée dans le bulletin de la commission sport du CNR de mai 1946262. Jean Guimier est également à

ce moment-là l'un des initiateurs des « États généraux pour le sport », organisés au niveau départemental dans une grande partie du pays. Une formule rassembleuse qui illustre la volonté d'ouverture d'un PCF qui jouit alors d'une aura sans pareille, et qui constitue également un nouvel élément du répertoire d'action collective du Parti particulièrement utilisé jusqu’à aujourd’hui dans le domaine des APS.

Ces « états généraux » aboutissent à l'organisation d'un « Congrès national du Sport et du Plein air » qui se tient du 19 au 23 juin 1946 et dont Guimier est nommé secrétaire général Ledit congrès comprend deux journées de débats au théâtre de la Mutualité à Paris consacrées aux perspectives d'enseignement de la pratique sportive, encadrées par une journée d'ouverture au Palais de Chaillot et une autre de clôture à la Sorbonne en présence du ministre de l'Éducation, Marcel-Edmond Naegelen, le tout agrémenté de manifestations artistiques (concours de photographie, littérature et architecture sportives) et sportives (épreuves cyclistes, tournois de sports collectifs, démonstrations de danses folkloriques), rassemblant plusieurs milliers de participants (Couturier 2001 : 30-33). On peut noter la symbolique des lieux et la présence du Ministre, marquant notamment l'ambition des communistes d'imposer un cadrage culturel et éducatif des APS afin de grandir cette cause, mais aussi et surtout la capacité du Parti à imposer alors au plus haut niveau de l’État un format événementiel particulier visant à associer politisation de l'enjeu sportif et manifestations populaires peu compétitives263.

Un tel coup de force ne peut se comprendre sans avoir en tête l’aura sociale et politique qu’exercent alors le PCF et ses organisations satellites. Le parti double ainsi pratiquement son score de 1936 aux élections législatives avec 26% des suffrages exprimés en octobre 1945 et 28,6% en juin 1946, devenant la première force politique du pays, et revendique près de 800 000 adhérents à la fin de la même année. Plus encore, le parti participe aux différents gouvernements qui se succèdent de septembre 1944 à mai 1947 en comptant jusqu’à cinq portefeuilles parmi les plus stratégiques, tel celui de la Fonction publique occupé par Maurice Thorez lui-même. Cette participation assumée, même si le parti revendique la présidence du Conseil, s’accompagne également d’une pénétration des communistes dans l’appareil administratif. Cela va leur permettre de diffuser leur doctrine du sport au sein de l’administration. Jean Guimier bénéficie alors, parmi d’autres, de cette dynamique d’ouverture. Dès 1945, celui-ci est nommé Inspecteur assurant les fonctions de conseiller technique au Ministère des sports et d'Inspecteur technique des centres de formation

262 Bulletin de la commission sport du PCF préparant les Assises nationales du Sport de novembre 2013, p.2

263 Format lui-même « hérité » en partie du sport bourgeois, mais approprié progressivement par les Communistes. On

rappellera que le mélange entre compétitions sportives et culturelles (au sens étroit du terme) était en effet déjà présent dans les premières éditions des Jeux Olympiques (Clastres 2008)

(Couturier 2001 : 29). Il participe ainsi plus particulièrement à la mise en place des Centres Régionaux d’Éducation Physique et Sportive (CREPS), qui prennent la suite des Centres régionaux d'éducation générale et sportive (CREGS) créés par Jean Borotra sous le gouvernement de Vichy (Callède 2000 : 78-79)264, et est

chargé plus spécifiquement des questions d'équipement, ce qui renforça certainement sa préoccupation particulière pour cette question.

Suite à la déclaration de la guerre d'Indochine et au départ des ministres communistes du gouvernement en mai 1947, il est muté « pour raisons de service » à la direction départementale de la jeunesse et des sports de Seine-et-Oise, puis démissionne trois ans plus tard de ses fonctions d'inspecteur de la jeunesse et des sports en invoquant le fait qu'« on ne [lui] donne pas les moyens de remplir sa mission » (Couturier 2001 : 121). Il réintègre alors l'enseignement et est nommé dans un centre d'apprentissage, puis, l'année suivante, au collège et futur lycée Turgot à Paris. Là, il initie notamment une longue mobilisation afin d'améliorer les installations sportives de l'établissement, impliquant à la fois l'Association de Parents d'élèves, celle des Anciens élèves, mais aussi le relais de plusieurs élus communistes à la municipalité et à l'Assemblée, qui interviennent spécifiquement sur ce dossier (Couturier 2001:100).

Sans qu'il soit possible d'en déterminer la part respective, ces soutiens s'avéreront en tout cas payants puisque le lycée se voit doter de deux gymnases, une piscine et une salle de gymnastique, ainsi que de vestiaires et salles de rangement rénovées. Outre qu'il illustre la capacité de Jean Guimier à mobiliser efficacement son capital social, entendu comme « l’ensemble des ressources actuelles ou potentielles qui sont liées à la possession d’un réseau durable de relations plus ou moins institutionnalisées d’interconnaissance et d’inter-reconnaissance » (Bourdieu, 1980 : 2), cet épisode marque l’inscription d’un nouvel élément au répertoire d'action collective concernant les APS, à savoir la réunion de la « communauté éducative » locale pour obtenir la construction d'équipements sportifs dans un établissement scolaire. Un élément politiquement ambigu à deux titres : d’une part car son échelle localisée peut faire obstacle à la montée en généralité, et d’autre part l'alliance improbable entre tous les acteurs du lycée, du proviseur aux parents d'élèves, tend à taire les conflits entre ces derniers. Il est également ambigu pour une troisième raison : le relatif flou concernant ses initiateurs, ce qui peut cependant justement en favoriser la diffusion. Ainsi, au lycée Turgot, Jean Guimier a-t-il agi en tant qu'enseignant d'EPS, militant syndical, de la FSGT ou communiste ? La réponse est faussement évidente, car même s'il a alors mobilisé la première de ses multiples identités à des fins stratégiques (Collovald 1988), il a ensuite contribué à diffuser ce cadrage du problème - et des « solutions » qui en découlent (Zittoun 2013)- à des degrés divers au sein de ces divers réseaux organisationnels, au-delà du milieu éducatif. C'est ce que donne en effet à penser un mouvement similaire survenu une décennie plus tard dans un autre lycée parisien, Jacques Decour, pour obtenir la construction d'une piscine en plus du seul gymnase prévu. La campagne que raconte en détail et sur trois pages le bulletin

264 D'un point de vue institutionnel, au sens large, il n'est pas inutile de rappeler la continuité d'un certain volontarisme

pour développer une politique sportive à part entière entre Vichy et le Front Populaire, puis après la Libération, en matière de structures, en dépit d'inflexions fortes bien entendu sur le plan symbolique (ainsi les CREGS ont-ils surtout changé de nom et de directeurs). La part des fausses ruptures et des vraies continuités mériterait sans doute d'être approfondie en matière sportive, à l'instar de ce que Gérard Noiriel (1999) a réalisé concernant le traitement des étrangers entre Vichy et la Troisième République, à travers l'examen simultané des structures organisationnelles, des représentations et des réseaux élitaires.

de la Commission sport du PCF en reproduisant in extenso un article du bulletin de l'Association des parents d'élèves de l'établissement265 va ainsi réunir là encore contre l’État les parents d'élèves et anciens élèves aux

côtés du proviseur et des professeurs de l'établissement.

L'Assemblée générale des parents d'élèves du 20 novembre 1965 adopte ainsi à l'unanimité la proposition que chaque famille adresse au bureau de l'Association des parents d'élèves une « lettre personnelle où elle prendrait clairement position en faveur du projet en mentionnant son nom, son adresse, et la classe à laquelle appartenait son fils. Ainsi, le groupement de tous ces documents dépasseraient266 (sic)

singulièrement la portée d'une pétition classique où sont alignées des signatures plus ou moins illisibles ». Plus de 2000 lettres sont ainsi rassemblées en un mois, et le 2 février 1966, la Section syndicale du lycée des professeurs et maîtres d’Éducation physique organise une conférence de presse organisée et présidée par le vice-président de l'Association des Parents d’Élèves, également avocat, à laquelle sont conviés les élus à côté de la presse. L'Humanité et Miroir-Sprint relaient évidemment l'« affaire », mais également Paris-Jour, le

Figaro, Combat, Le Monde, ainsi qu'Europe 1 et Radio-Luxembourg ; et même L’Équipe, qui reproduit

intégralement le communiqué de presse. Finalement, après le préfet et un conseiller technique de François Missoffe, c'est le ministre lui-même qui reçoit le proviseur, le président de l'Association des parents d'élèves et le professeur-coordinateur de l’Éducation physique le 19 avril 1966 pour les informer que la piscine était officiellement accordée et que « le programme général de l'équipement sportif du lycée ne serait pas perdu de vue ».

On voit bien ici qu'autour de cette dénonciation du déficit en équipements sportifs scolaires se sont coalisés contre l’État des publics hétérogènes, constitués par les syndicats enseignants (SNES, mais aussi Sgen-CFDT et même SNALC), qui participent à la conférence de presse évoquéemais aussi et surtout les médias, précisément parce que cette mobilisation n'a pas été perçue par ces derniers comme correspondant au programme du PCF, qui se garde d'ailleurs bien d'en revendiquer la paternité tout en appelant à en imiter l'exemple (en présentant le texte comme un « article significatif des résultats qu'ont (sic) peut obtenir par une action bien menée et coordonnée pour l'équipement d'un établissement d’État »).

Outre la FSGT et le PCF, Jean Guimier milite aussi syndicalement dès la fin de la guerre, venant par ailleurs illustrer « l'effet surgénérateur » du militantisme pointé par Daniel Gaxie (1977 : 140)267. Il participe

ainsi tout d’abord à la création du syndicat des inspecteurs Jeunesse et Sports, affilié à la CGT -structure dont la taille est forcément réduite étant donné la population concernée-, dont il devient rapidement secrétaire général. A ce poste, il se heurte cependant à la direction du jeune Syndicat national des professeurs d’éducation physique de l'enseignement public (SNPEP), constitué en décembre 1945, sur la question de la titularisation des inspecteurs jeunesse et sports. Guimier, qui en défend une approche élargie contre l'avis de la direction du SNPEP, est ainsi accusé par cette dernière de faire le jeu des anciens collaborateurs (Couturier

265 Bulletin d'information édité par la Commission de l’Éducation Physique et du Sport auprès du Comité Central du

Parti Communiste Français, n°27, décembre 1966, p.14-16

266 Les fautes d'orthographe sont sciemment laissées, comme l’indice d’un relatif déficit en capital culturel des

rédacteurs mais aussi d’un défaut de relecture suggérant un faible nombre de personnes impliquées dans la rédaction du bulletin de la commission, même durant l'« âge d'or » de cette dernière.

267 C'est-à-dire que le groupe militant « produit d'autant plus d'énergie qu'il en consomme davantage », autrement dit

que les rétributions de toutes sortes procurées par un engagement incitent le militant à s'investir davantage, non seulement dans le groupe concerné, mais aussi éventuellement dans d'autres collectifs.

2001 : 118). Cependant, l'anticommunisme des dirigeants d'alors du syndicat enseignant n'est sans doute pas étranger à l'affaire. En dépit de ces frictions, Jean Guimier n’en adhère pas moins finalement au syndicat, devenu SNEP, dans une Fédération de l’Éducation Nationale (FEN) qui s'est entre-temps autonomisée de la CGT deux ans auparavant, et cela dès son retour dans le corps enseignant, en 1950.

L'autonomisation de la FEN implique notamment la possibilité de constituer des tendances en son sein, et Guimier va lancer dès 1952 le courant « unitaire » et en devenir le meneur identifié. Il va porter, à l'instar de ce qui s'observe dans les autres syndicats de la FEN (Frajerman 2008), des positions plus exigeantes que la majorité en demandant non seulement, comme cette dernière, des moyens supplémentaires et une amélioration du statut des enseignants (augmentation des crédits d'équipement, création d'une direction de l'EPS scolaire, etc.), mais en prenant également des positions plus « politiques », en exigeant par exemple « l'octroi annuel de 50 bourses de 200 000 francs pour des voyages d'information dans différents pays, y compris l'URSS et les démocraties populaires »268 ou plus tard contre la guerre en Algérie, dénonçant

l'apolitisme affiché par la tendance majoritaire. Le courant de Guimier va ainsi présenter une motion à chaque Congrès pour finir par devenir majoritaire dans le syndicat en 1969, à l'instar du SNES deux ans plus tôt et du SNESup l'année précédente où le courant « Unité et action » a également conquis la direction. La clé de cette réussite tient sans doute moins à la radicalité de sa ligne qu'à une certaine souplesse, ainsi que le suggère Laurent Frajerman dans la description idéal-typique qu'il en esquisse :

« Pragmatique, le courant s’adapte aux rapports de forces comme aux évolutions du milieu pour favoriser son implantation. Son identité subit des inflexions permanentes, sans provoquer de ruptures décisives. Dans ce sens, elle fait preuve d’une souplesse certaine. Courant réellement syndical, il se caractérise aussi par une matrice communiste. La culture militante du courant unitaire diffère partiellement de celle de la majorité de la FEN, mais il n’incarne pas un modèle syndical alternatif, une île révolutionnaire au milieu d’une mer réformiste. En somme, le courant unitaire constitue une version musclée du modèle FEN » (Frajerman 2008 : 68)

Enfin, le dernier et non le moindre espace organisationnel où s'investit Jean Guimier est celui de la Fédération Nationale des Offices Municipaux des Sports (FNOMS). Comme souvent, la chose existe avant le mot, et des associations réunissant les acteurs du sport local existent dans certaines municipalités comme