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Poser un diagnostic de maladie vient parfois après un long parcours et est vécu comme une

4. RÉSULTATS

4.4. Catégories émergentes

4.4.1. Poser un diagnostic de maladie vient parfois après un long parcours et est vécu comme une

4.4.1.1. L’entrée dans la maladie est une rupture avec l’état d’ « être en bonne

santé ».

Tout a cédé. J’ai cédé… j’ai plié et j’ai rompu. D’un coup sec. J’ai craqué pour la première fois… Et pour longtemps

– Chute libre p. 10

Parfois tout commence… quand tout s’arrête. Pour moi tout s’est arrêté un matin d’automne. – Le cycle d’Inari p. 5 Mon enfance s’est arrêtée le jour de mes 14 ans. Le jour où j’ai eu ma première vraie crise. – Psychotique p. 43

Entrer dans la maladie, c’est entrer dans un monde anormal, déconcertant, incertain. La maladie était représentée comme une forêt dans J’peux pas j’ai chimio (la « planète cancer »), où l’on pouvait se perdre et où l’on avait besoin d’un guide. Le sous-titre de Jambon d’épaule, « 18 mois en capsulite » évoquait également cette idée d’un autre monde.

Avant, j’avais l’impression de contrôler ma vie, de la connaître. Il y avait bien sûr des imprévus, des surprises… Mais cela restait toujours familier, relativement sûr. Maintenant je me sens débordée, agressée, submergée

– Globules et conséquences p.66

C’était devenu MA NORMALITE – Carnet de santé foireuse p.14 La vie n’est pas un parcours de santé. C’est une forêt dense qui fait parfois peur selon ce qu’on traverse. – Moi en double p. 74 Un monde de VIDE, d’une violence inouïe. Vous ne maîtrisez plus rien, surtout pas vos émotions, d’ailleurs vous n’avez plus d’émotions. C’est effrayant. Il n’y a plus RIEN.

– Chute libre p. 83

L’impression d’être tombée dans le terrier du lapin d’Alice au pays des merveilles.

– Globules et conséquences p. 52

4.4.1.2. On peut être malade sans diagnostic : être malade c’est subir des

symptômes gênants et les limitations qu’ils imposent.

Ces symptômes pouvaient être liés à la maladie ou à son traitement, les deux étaient indifférenciés dans l’esprit des patients.

Je ne souffre pas, je n’ai pas l’impression d’être malade en fait. Ce sont les médicaments qui me rendent malade. La maladie en elle-même je ne la ressens pas. – Globules et conséquences p. 86 C’est le jour où j’ai commencé à me soigner que je me suis vraiment sentie malade – L’année du crabe p. 20

Ils étaient illustrés dans tous les ouvrages avec plus ou moins de détails, insistant fréquemment sur les limitations qui en résultaient. Le signe le plus représenté était la douleur physique.

Plus on sombre dans la panique, plus la douleur est décuplée. Tant que la douleur est active, le cycle continue. Et ça peut durer des plombes

– Carnet de santé foireuse p. 166

Image 3 : Carnet de santé foireuse, Pozla © Editions Delcourt

Image 4 : Des fourmis dans les jambes © Renaud Penelle

Image 6 : Sclérose en plaques, Mattt Konture © Mattt Konture

& L'Association Image 7 : Jambon d’épaule – 18 mois en capsulite, Fanny Benoit © Des ronds dans l’O

C’est comme si ma chair était transpercée par des milliers d’oursins. C’est n’importe quoi. – Le cycle d’Inari p. 43 La douleur est extensible, baladeuse. On prend des cachets de toutes sortes, on raffole des relaxants musculaires, on scrute la différence entre antalgique et analgésique, on développe des tests d’efficacité. Par exemple, on ne prend rien de toute la journée pour voir si ça fait la différence. La nuit c’est pire. […] Il n’y a rien de plus difficile que de changer de position. La nuit aime la douleur et inversement. –

Jambon d’épaule p. 37-38

J’avais l’impression d’expier ma faiblesse, ma maladie, toutes ces fois où j’ai mangé pour ne pas souffrir. Comme si j’avais remisé ma souffrance pour ce jour, où, en me réveillant les entrailles tordues, je devais l’affronter face à face. – Moi en double p. 99

Ces symptômes étaient d’abord inexpliqués, jusqu’au diagnostic. Celui-ci était précédé d’une phase d’attente, une période difficile d’incertitude où l’auteur cherchait une réponse en espérant trouver une solution radicale (voir 4.4.3.1 p. 101).

L’auteur de Carnet de santé foireuse représentait cette période comme un voyage en bateau avec sa femme, soumis aux caprices de la mer, finissant par s’échouer devant le CHU où il trouvera réponse à ses maux.

4.4.1.3. La phase pré-diagnostic chez les patients symptomatiques est une période

d’incertitude, teintée parfois de colère liée à la frustration.

C’est DINGUE ! Je vous pose tous la même question et chacun me donne une réponse différente […] J’ai assez perdu mon temps. Et je ne vaux plus rien entendre qui commence par « psy » – Goupil ou face p.30

Sept ans à subir ces attaques, huit spécialistes incapables de s’accorder pour un diagnostic, et je ne savais toujours pas ce qui me tourmentait

– Goupil ou face p.35

Image 8 : J’peux, pas j’ai chimio, Alexandra Brijatoff & Camille Hoppenot © Marabulles

Le risque d’errance était renforcé par certains mécanismes : le déni, entre autres. Mattt Konture décrivait le retard de consultation liée au déni, à la minimisation des symptômes, à leur régression périodique de ceux-ci, au nomadisme, à la peur d’un diagnostic grave.

Mais j’ai trop peur du diagnostic pour me montrer à un doktor

– Sclérose en plaques p. 21

J’ai vu des tas de psys, je leur ai fait confiance. C’est difficile d’évaluer à quel point on est différent des autres… Et puis… Je me suis aussi pas mal voilé la face.

– La différence invisible p. 101

Et merde ! comme j’allais bien, je n’ai pas parlé au neurologue de ces douleurs que je n’avais plus tellement

– Sclérose en plaques p. 19

Cyclothymie […] J’avais cru comprendre que c’était un euphémisme pour ne pas dire bipolaire comme aveugle/non voyant, vieux/troisième âge, gros / personne en surpoids. J’avais lu des articles, des livres, des témoignages de personnes bipolaires. Je ne leur ressemblais pas.

– Goupil ou face p.19 Image 9 : Goupil ou face, Lou Lubie © Warum Editions >>

4.4.1.4. Le diagnostic est un élément important de la construction du statut de

malade.

Lorsque la personne ne se sentait pas malade, principalement dans les cancers, le diagnostic était un choc. Mettre un mot sur la pathologie était très lourd de sens. Le diagnostic était représenté comme un poids qui s’abattait sur le patient, il bousculait, il renversait, il noyait, il écrasait. Il était responsable de tristesse, de panique, de colère.

Image 10 : Globules et conséquences, Catherine Pioli © Glénat Image 11 : J’peux, pas j’ai chimio, Alexandra Brijatoff & Camille Hoppenot © Marabulles

Merde merde merde merde // Vous avez une Leucémie (dans une bulle noire)

– Globules et conséquences p. 27-28

Je ne réalise toujours pas ce qui est en train de se passer. Je suis hébétée, passive. Un vrai ficus qu’on trimballe.

– Globules et conséquences p.30

L’impression d’être tombée dans le terrier du lapin d’Alice au pays des merveilles

– Globules et conséquences p. 52 Représentation d’elle-même se prenant un pot de fleurs sur la tête

– J’peux pas j’ai chimio p. 50

Je viens de me prendre un 38 tonnes dans la tronche – J’peux pas j’ai chimio p. 52 L’engueuler m’a fait redescendre sur terre, me sentir plus forte et prête à affronter ce qui venait ensuite.

Image 12 : J’peux, pas j’ai chimio, Alexandra Brijatoff & Camille Hoppenot ©

Marabulles

Image 13 : Chute libre, Mademoiselle Caroline © Editions Delcourt

Pour les patients depuis longtemps symptomatiques, le diagnostic était un soulagement. Il rassurait quant à la véracité de la symptomatologie et à la possibilité d’un traitement. Il représentait une reconnaissance de la souffrance du patient.

Voilà. C’était dit. Un gros mot. Un énorme mot. LE mot. Ecrasant Malgré tout, j’étais hyper contente de savoir que mon malaise, mal-être, mal partout, avait un nom. Je me disais que si ça avait un nom ça pouvait se guérir – Chute libre p. 29 Les étiquettes ça pèse un poids terrible parce qu’elles enferment. Elles stigmatisent. Mais elles définissent aussi, elles ouvrent des possibles. – Goupil ou face p.136 Enfin, j’étais pas un mytho. Un mot est posé sur mes MAUX. – Carnet de santé foireuse p.24

J’étais soulagée que mon problème ait un nom. – Goupil ou face p.4 Enfin, quelqu’un venait d’allumer la lumière. – Goupil ou face p.35 Autiste, oui. Mais pour Marguerite, ça n’est pas péjoratif. Son identité est enfin complète. Sa fatigue constante, ses difficultés à saisir le second degré ou l’implicite, à nouer des relations, tout cela s’explique en fait parfaitement. – La différence invisible p. 123 Moi je n’ai pas été aussi surpris car depuis bien longtemps je savais que je n’allais pas bien. Par contre sans savoir ce que j’avais. Alors quand enfin je l’ai enfin su, ce que j’avais, en fait j’ai été content ! De savoir ? Maintenant je sais ce que c’est et c’est déjà ça

– Sclérose en plaques p. 30

Maintenant que je connais le nom de la maladie, comment on guérit ? – Goupil ou face p.40

Le diagnostic déculpabilisait : être malade c’était ne pas être responsable de ses symptômes (voir 4.4.2.1 p. 68).

Avant mon diagnostic, j’avais une image de moi très instable, fragile. […] Le jour où j’ai compris que j’étais cyclothymique, j’ai compris que je m’étais trompée. Je ne suis pas le haut ou le bas. Je suis le mouvement. – Goupil ou face p. 137 C’est normal que je sois anormale, c’est génial ! – La différence invisible p. 123 Je savais que la dépression était une maladie, mais je n’avais pas compris que moi j’étais malade ! C’était le premier à me le dire. Et toute cette culpabilité qui s’envole : ce n’est pas de ma faute ! Youpi ! Pas de ma faute, je suis MALADE ! Pas de ma faute !!! –

Cette reconnaissance aidait à l’acceptation des limitations.

Et maintenant que je sais CE QUE je suis… Je peux choisir QUI je suis. – Goupil ou face p. 140 Ça me semble positif… Je me suis réconciliée avec moi-même. Je ne suis pas folle, je suis différente.

– La différence invisible p. 128

Je vais apprendre à me respecter, à écouter mes limites, c’est comme si j’avais le droit ! – La différence invisible p. 124

4.4.2. La maladie est une expérience qui bouleverse l’intimité et le chemin