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1.2.1. Modification du concept de maladie

Comme le souligne la définition de la santé adoptée en 1946 par l’OMS, celle-ci doit être considérée comme « un état de complet bien-être physique, mental et social », et ne consiste pas seulement en « une absence de maladie ou d'infirmité ».

Il existe d’ailleurs en anglais deux mots désignant la maladie permettant une meilleure appréhension de ses deux facettes et explicitant la nuance soulignée par l’OMS : « disease » désignant la maladie en tant qu’entité biologique et « illness », le mal-être inhérent à la maladie.

Les avancées thérapeutiques ont mené à une amélioration des prises en charge de maladies qui autrefois étaient fatales (cancer, diabète, VIH…). Sans pour autant toutes les guérir, les traitements permettent une rémission et un maintien en santé des patients atteints.

On assiste donc à une augmentation de la proportion de malades chroniques, qui vivent à long terme avec leur maladie et le traitement inhérent. La maladie devient un statut, une part de l’identité. Cette nouvelle approche induit un besoin d’intégration des éléments bio-psycho-sociaux qui permettront de maintenir cet état de rémission, tout en offrant une qualité de vie correcte au patient.

1.2.2. La place du patient

1.2.2.1. Information : patient éclairé

Le rôle traditionnel du patient a été décrit par Talcott Parsons (46). Ce statut comprend selon lui des droits et des obligations : le droit d’exemption des tâches sociales, familiales, professionnelles, (que l’on dénommera bénéfices secondaires) associé à une obligation d’essayer de guérir, de rechercher l’aide d’un expert, et de se soumettre aux prescriptions médicales.

Le statut de malade chronique sous-entend une participation centrale du patient à sa prise en charge. L’un des piliers de son implication est l’information, qui devient de plus en plus accessible par différents biais.

Sur le plan technologique, l’accès aux informations médicales est simplifié par le développement d’Internet. Le patient peut s’informer lui-même en ligne pour comprendre ou compléter les explications médicales fournies, prendre contact avec des associations de malades ou des particuliers sur les forums. Ce médium, même si son usage peut être problématique (nous le verrons plus loin dans la thèse), est un outil d’autonomisation et d’empowerment.

Sur le plan juridique, de nouvelles lois ont été publiées pour encourager l’accès à l’information. La loi Kouchner du 4 mars 2002 reconnaît à toute personne le droit d’être informée sur son état de santé et d’avoir accès à l’ensemble des informations concernant sa santé. Elle soutient également un renforcement des associations dans la représentation des usagers.

La loi HSPT de 2009 inscrit dans le parcours de soin une notion fondamentale : l’éducation thérapeutique. Celle-ci, avec des informations orientées et claires, a pour objectif une plus grande autonomie du patient et une amélioration de sa qualité de vie.

La HAS explore également la place de la « décision médicale partagée » (47). En octobre 2013, elle publie un état des lieux visant à promouvoir l’association du patient à la qualité et la sécurité des soins. Cette publication fait l’état des lieux des connaissances et des recherches sur la décision médicale partagée, ainsi que des outils d’aide à la décision destinés au patient. L’association du patient à la décision de soin est associée à une meilleure satisfaction et à une diminution de la prévalence des effets indésirables (47). Les outils disponibles sont hétérogènes (livrets, vidéos…) et concernent principalement le respect de la personne et de l’autonomie, le dépistage, le mésusage du soin et les situations à prévalence élevée (grossesse, cancer, maladies de l’appareil locomoteur…). Le médecin joue un rôle dans l’aide à la formulation d’un choix éclairé, par l’encouragement au partage bilatéral de l’information et le soutien à l’expression des préférences thérapeutiques. Ce mode d’entretien reposant sur une acceptation mutuelle des conditions de prise en soin est détaillé dans la partie 1.2.2.3 Impact sur la relation de soin p.33. Le sentiment d’implication du patient dans la décision de soin a été ajouté aux questionnaires de satisfaction de sortie d’hospitalisation, preuve de l’évolution des pratiques vers le partage de la décision médicale.

1.2.2.2. Formation : patient expert

L’expérience vécue (en anglais : ecological momentary assessment) par le patient, dans la maladie ou le handicap, est reconnue comme une source d’information riche, utilisée notamment dans l’amélioration de certains services de santé par retour d’expérience (feed-back) (48).

Des initiatives éclosent, comme l’Université des Patients, ouverte à la Sorbonne par Mme Catherine Tourette-Turgis (49). Cette formation reconnait le vécu de la maladie comme un mode

légitime d’acquisition de connaissances. Cette expérience, développée par les mécanismes que le patient met en œuvre pour gérer et contrer la maladie, mène à une forme d’expertise.

Ce dispositif a pour but l’utilisation de cette expertise pour améliorer l’activité de soin et le vécu des patients, par le partage de savoir entre soignants et patients. Il forme chaque année des patients experts afin de participer à la prise en soin de leurs pairs.

1.2.2.3. Impact sur la relation de soin

Dans ce nouveau rôle, le patient est bien plus impliqué qu’il ne l’était dans la relation traditionnelle où ses principales qualités étaient l’obéissance et la soumission aux traitements (49). Le modèle « paternaliste », adapté à la prise en charge de pathologies aiguës, est unidirectionnel. Le médecin prend des décisions fondées sur les arguments scientifiques de l’EBM que le patient applique, avec une faible implication du patient, sans adaptation à son environnement.

À ce modèle s’oppose l’approche « informative », centrée sur le patient et dérivée de la pensée du psychologue américain Carl Rogers. Dans celle-ci, le médecin a un rôle uniquement consultatif, et c’est le patient qui prend la décision et endosse toute la responsabilité de ses choix.

Il existe un troisième modèle, de type « partenariat ». Décrit par C. Charles (50), il comprend l’implication d’au moins deux personnes (le patient et le médecin) dans le processus de décision commun avec consensus sur l’option choisie, en tenant compte des préférences de traitement des deux acteurs, et centré sur le partage mutuel des informations médicales et personnelles.

Ce modèle prend en compte les données médicales mais également les valeurs du patient. Il est adapté au patient éclairé et à la prise en compte du contexte psychosocial dans les pathologies chroniques. Il présuppose une approche centrée sur le patient, telle que développée initialement par Carl Rodgers (51), avec une prise en compte multidimensionnelle comprenant la perception et l’expérience vécue de la santé et de la maladie, la globalité psychosociale…

Moira Stewart (52) propose une approche adaptée à la pratique clinique du modèle centré patient. Il expose un modèle d'entrevue médicale structurée, prenant en compte les multiples aspects de l’expérience de la maladie (53). Cette méthode explore 4 dimensions, elle :

- Explore la santé et sa perception par le patient, la maladie au sens biologique (disease : histoire de la maladie, symptômes, examen clinique, examens complémentaires), et au sens de l’expérience vécue (illness).

- Cherche à comprendre le patient dans sa globalité biopsychosociale : la personne, son contexte proche et plus distal.

- Demande de définir avec le patient le problème, les solutions, les objectifs de la prise en soin et de s’accorder sur le rôle et les responsabilités du médecin et du patient.

- Demande d’établir et développer la relation médecin-patient. Celle-ci ne peut se faire que dans un climat d’empathie, de compassion et d’écoute active, dans la compréhension du caractère unique de la situation et de la souffrance du patient (52). Elle exige une continuité et constance du soin et de la relation, et demande du médecin une bonne connaissance de soi.

Cependant, comme souligné par l’état des lieux de l’HAS sur la décision médicale partagée (47), certaines situations cliniques ne se prêtent pas à ce mode de prise en soin : l’urgence vitale ou l’existence d’une solution thérapeutique à l’efficacité nettement supérieure aux autres possibilités. Le mode relationnel est donc à adapter à la situation clinique et au souhait du patient.

En résumé, les autopathographies sont des supports intéressants pour appréhender l’expérience vécue des patients, multiplier les points de vue sur la maladie et ouvrir à la réflexion sur le soin, la maladie et ce qui en découle. Certaines existent en bande dessinée, qui est un médium accessible, prouvé efficace pour la transmission d’informations et apprécié des lecteurs (18). Il serait intéressant de l’utiliser pour communiquer des informations aux étudiants, aux patients ou à leur famille. Le groupe Graphic Medicine (34,36,54) souligne l’importance, pour pouvoir en faire usage, de répertorier les bandes dessinées utiles dans ce contexte.

En France, un catalogue de bandes dessinées en rapport avec le monde médical existe, il s’agit de BDmédicales.com de Gérald Bernardin, mais il n’est pas exclusivement centré sur les pathographies. C’est pourquoi nous nous sommes intéressés à créer un répertoire plus spécifique, détaillant le contenu des ouvrages.

Paternaliste Partenariat Informatif

Type d’échange Unidirectionnel Réciproque Unidirectionnel

Type d’information Médicale personnelle Médicale et Médicale Prise de décision Décision du médecin seul Décision partagée « Middle choice » Décision du patient seul Implication Faible implication patient Implication des deux parties Faible implication médecin Considération du