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Une méthode qualitative de type phénoménopragmatique était adaptée pour répondre à notre objectif compréhensif de l’expérience vécue (55).

La phénoménologie est un courant de pensée du XXe siècle, décrit par Husserl, qui étudie le

rapport de l’homme au monde. La phénoménologie s’intègre dans une vision constructionniste de la réalité, où la relation aux autres, le langage, les interactions ont une portée subjective selon l’essence de soi et sa relation au monde. Le phénomène est la représentation de l’objet tel que perçu par les sens, c’est-à-dire de l’objet teinté de l’expérience subjective, sans préjugés. C’est par la comparaison des différentes perceptions d’un phénomène qu’on peut se rapprocher de l’essence d’un objet, de la « réalité » de celui-ci.

Charles Sanders Peirce développe la phénoménologie sémio-pragmatique (56) qui utilise 3 catégories pour décrire l’expérience vécue : (1) La qualité ou émotion, (2) Le fait ou la relation (3) La loi ou la représentation intellectuelle. (3) présuppose (2), qui présuppose (1). Ces indices sont relevés pour créer des catégories de 1er niveau sous forme d’ensembles signifiants cohérents, puis

des catégories de 2nd niveau par analyse sémio-pragmatique. Des catégories conceptualisantes sont

formées, puis ré-analysées pour former des catégories conceptualisantes saturées. Celles-ci seront hiérarchisées puis restituées sous forme d’énoncés phénoménologiques en ordre logique. Cette méthode permet une restitution structurée de l’expérience vécue et de ses points essentiels.

L’expérimentation du vécu et sa documentation permettent de donner du sens à certaines manifestations physiques ou comportements (48). La description et le partage de l’expérience vécue ont un intérêt en pratique médicale courante, d’autant plus depuis la modification de la consommation en santé. Cette valeur est soulignée par le courant de médecine narrative.

3.1. Méthode de recueil des données

La première étape a été de rechercher les supports adéquats. Cette phase a duré d’octobre 2019 à décembre 2019. Toute bande dessinée parue après cette date n’a pas été inclue dans cette étude.

Les critères d’inclusion étaient :

1. Pathographie dessinée, c’est-à-dire : - BD ou roman graphique.

- Dont le sujet central est une pathologie physique ou mentale qui peut être rencontrée en médecine générale et figurant au registre CIM 10 (Classification internationale des maladies).

2. Centrée sur l’expérience vécue.

Les critères d’exclusion étaient en rapport avec : 1. Le format.

- Récits non autobiographiques : car nous recherchons dans ce travail à recueillir l’information la plus brute possible sur le ressenti patient, dans sa subjectivité.

- Les récits autobiographiques où l’auteur n’est pas lui-même le patient mais l’aidant ou un soignant : afin que l’information ne soit pas déformée par le spectre familial ou soignant. Ces ouvrages mettent en relief un autre ressenti qui pourra être abordé dans un autre travail.

- Absence de structure narrative : il est intéressant que le récit ait un schéma narratif clair, qui ne mène pas à trop d’interprétations possibles. Cette catégorie inclue notamment les ouvrages à composante principalement humoristique.

- Format non bande dessinée : pas de phylactères ou de cartouches.

- Autoéditions et blogs non publiés : nous avons privilégié les supports issus de maisons d’édition reconnues, comme critère de qualité du travail graphique et narratif.

2. Le sujet.

- Les récits en rapport avec la gynécologie : la grossesse (qui, si elle est médicalisée, n’est pas en soi une pathologie), l’IVG et l'infertilité, qui seront le sujet d'un autre travail. - L’expérience vécue : nous avons exclu les ouvrages dans lesquels elle n’est pas un

thème central. 3. L’origine.

- Auteur non francophone : afin d’éviter les biais de traduction et biais culturel, et dans une logique de faisabilité et d’exhaustivité.

- Auteur hors France (même francophone) : pour garantir une unité du contexte culturel et pratique dans le soin, et, toujours dans une logique de faisabilité et d’exhaustivité. 4. La disponibilité à la lecture.

- Les ouvrages qui n’ont pas pu être lus car impossibles à trouver en librairie ou par internet.

Pour la recherche des ouvrages, en premier lieu, nous avons demandé conseil auprès des libraires d’ Azimuts, librairie spécialisée en bande dessinée à Montpellier. Ils nous ont orientés vers le site

BDgest et nous ont remis un fascicule édité par la chaîne de librairies Canal BD sur le thème de la

santé : le Guide découverte Maux et savoirs. Ce guide nous a dirigés vers d’autres titres.

La recherche a ensuite été poursuivie sur Internet. Nous avons commencé par le niveau zéro : chercher le thème principal sur le moteur de recherche Google®, à savoir : « bandes dessinées médicales », « BD médicales ». Cette recherche très aspécifique nous a permis de découvrir trois supports prolifiques : le site BDmedicales.com (41), le site de la bibliothèque santé de l’Université de Montréal (57) et un article de la bibliothèque municipale de Lyon sur les pathographies (58), datant de 2013, mis à jour en 2016.

└ BD médicales.com est un site, réalisé par Gerald Bernardin, un médecin amateur de bande dessinée, recensant des BD en rapport avec le thème de la santé. Nous avons pris contact par e-mail avec son auteur, qui nous a transmis une liste de bandes dessinées recensées sur son site correspondant à des pathographies : 56 BD.

└ Les bibliothécaires de la BU santé de Montréal ont travaillé à constituer une bédéthèque en rapport avec le soin et les maladies. 136 bandes dessinées y sont recensées.

└ L’article de la bibliothèque municipale de Lyon a permis la découverte de 18 albums. Nous avons analysé plusieurs sites internet (BDgest’, BDfugue, les sites des maisons d’édition des premiers titres trouvés) avec les mots clés « maladie », « pathologie », « biographie », « diabète », « médecine », « médecin », « psychiatrie », « autobiographie ».

Nous avons également recherché sur le site du collectif Graphic Medecine (59), qui regroupe principalement des auteurs anglo-, italo- ou hispanophones.

À partir des listes de titres des albums déjà en notre possession et de ceux recueillis auprès de

BDmédicales, de la BU de Montréal et de l’article de la bibliothèque municipale de Lyon, et sur les

différents sites cités ci-dessus, nous avons continué nos recherches par effet boule de neige sur

BDgest et Amazon.com en entrant les titres des albums et en examinant les suggestions en rapport

Nous avons noté les titres de ces ouvrages et lu au fur et à mesure les résumés sur BDGest et sur les sites des différentes maisons d’édition, afin de trier les types de bandes dessinées racontant la maladie, et d’en extraire uniquement les autopathographies dessinées, en regard des critères d’exclusions.

En cas de doute sur la nature autobiographique des ouvrages, nous nous sommes référés à des interviews des auteurs.

Cette première partie a été effectuée par un seul chercheur. Suite à la lecture des ouvrages par les deux chercheurs, certains livres ont été exclus selon les critères définis.

3.2. Analyse des données

Tous les ouvrages ont été lus par deux chercheurs, afin de réaliser une triangulation de l’analyse des données. La plupart des bandes dessinées ont été achetées pour être échangées entre les lecteurs sans limite de temps.

Nous avons effectué les lectures en 3 phases (55):

1. Une lecture « flottante » qui a permis une première approche de l’histoire et un second tri des ouvrages, et au cours de laquelle nous notions les quelques éléments de texte ou d’image les plus marquants.

2. Une lecture « analytique » page par page, à la recherche de signes et d’indices descriptifs de l’expérience vécue.

- Un premier découpage du texte en unités de sens a été effectué. Nous avons relevé les différents thèmes et les avons analysés selon la méthode sémio-pragmatique, à partir du verbatim et des images. Un classement a été effectué selon les catégories définies par C. S. Peirce :

- Priméité (impression générale et vie émotionnelle), - Secondéité (fait relationnel, expérientiel, et vie pratique) - Tercéité (loi, représentation, prédiction et vie intellectuelle).

- Nous avons réalisé un résumé issu de l’analyse phénoménologique de chaque bande dessinée et des thèmes centraux abordés dans celle-ci. Pour chaque ouvrage, nous avons reporté le verbatim dans un tableau, puis organisé selon la triade de Peirce. Les indices relevant du 3 (loi) ont été présentés en rouge, le 2 (relation) en bleu et le 1 (émotion) en vert. Les tableaux complets sont disponibles en annexe numérique. Un exemple de tableau est présenté dans la partie résultats.

3. Une lecture « graphique » de l’ensemble centrée sur les dessins évocateurs avec lecture des symboles et intégration dans les catégories issues du verbatim et dans les tableaux récapitulatifs (pages marquées par des chiffres en gras soulignés).

Ces étapes ont été réalisées en comparaison constante entre les ouvrages pour aboutir à une restitution logique du sens.

Nous avons ensuite réalisé une synthèse par comparaison des 22 ouvrages et proposé une construction de catégories phénoménologiques, à partir de notre analyse illustrée par des extraits de verbatim et des images. Nous avons corrigé certaines erreurs de classement des indices au cours de cette étape. Les propriétés des différentes catégories ont été décrites et illustrées par des extraits de verbatim ou des images, afin de se situer en profondeur dans l’expérience vécue. Les images ont été intégrées au texte dans un second temps, suite à l’analyse sémiotique. Enfin, nous avons relevé les objectifs des ouvrages à partir de notre analyse (didactique (sur le plan personnel/émotionnel ou en terme de vulgarisation médicale), revendicatif, alternatif, éco-pathographique et/ou humoristique).

3.3. Droits d’utilisation des images

Avant mise en forme et publication, nous avons pris contact avec les différentes maisons d’édition afin d’obtenir les droits de publication des images (les accords obtenus sont disponibles en annexe numérique)