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Naissance d’un mythe

C’est, je l’avoue, avec une certaine jubilation que j’ai consacré cinq années à l’écriture d’un film sur une actrice, il faut l’avouer, encore fort peu connue. Une démarche similaire avec une actrice telle que Monica Bellucci, Linda Fiorentino ou Sharon Stone – également « actrices fatales » – eut été pour moi beaucoup moins originale, car beaucoup plus logique étant donné leur notoriété 67.

Il est possible de faire une comparaison avec le travail de maîtrise 68 que j’ai réalisé en 2002

« avec » l’image de Marilyn Monroe : une suite de neuf installations pouvant se définir comme les manifestations de neuf qualités issues de l’actrice et de son mythe : la dualité, le mystère, l’obsession, le rêve, la création, le contact, le baiser, l’éternité, l’inaccessibilité. Ce qui rapproche dans un premier temps ma pratique actuelle de celle de ma maîtrise, c’est qu’elle se constitue de nouveau en relation avec l’image d’une actrice. Cependant, la différence fondamentale avec Marilyn Monroe, c’est qu’aucun mythe ne se rattache au nom de « Françoise Yip ». Aucune histoire ne lui correspond, aucun livre écrit, aucun site dédié. L’actrice demeure encore relativement anonyme et son image, en ce sens, encore « vierge », disponible à toute écriture. En consé-quence, mon intérêt est déplacé. Il ne s’agit plus pour moi de travailler en aval d’un mythe déjà reconnu tel que j’ai pu le faire avec Marilyn Monroe. Il s’agit de travailler en amont d’un mythe à venir : c’était bien, si l’on y repense, le but recherché du projet promotionnel 69 à l’origine du Cinquième fantasme. Il s’agit donc non pas directement de créer un mythe, ex nihilo, mais de rassembler toutes les qualités et substances susceptibles de donner naissance à ce mythe – les rassembler, mais également les mettre en valeur, les cultiver, leur offrir une structure afin qu’elles puissent au mieux s’exprimer.

« Donner naissance à un mythe », qu’est-ce à dire ? Selon Roland Barthes, « le mythe est un langage 70 », autrement dit tout le contraire d’un objet fini : c’est un processus. « Le mythe est un système de communication. C’est un message. On voit par là que le mythe ne saurait être un objet, un concept ou une idée : c’est un mode de signification, c’est une forme 71 ». Disons même

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72. « Le rapport qui unit le concept du mythe au sens est essentiellement un rapport de déformation ». Ibid., p. 195.

– Barthes le précise plus loin dans son livre 72 – qu’il est une déformation.

« Donner naissance à un mythe », ce n’est jamais partir de rien, mais au contraire (re)partir d’une matière préexistante que l’on déforme pour créer son sens propre. Cette matière du Cinquième fantasme, c’est naturellement l’« image » de Françoise Yip telle qu’on l’a décrite, notamment au travers de son personnage fatal, Cailyn, qu’elle interprète dans Black Mask. Nous avons parlé à ce propos d’« aura imaginaire », expression plus à même de suggérer tout ce qui constitue cette

« image ». En effet, pour produire ce discours autour de Cailyn, il a fallu le nourrir d’éléments aussi hétérogènes que les origines et connotations de son nom, sa physionomie, ses accessoires, son comportement, son univers diégétique, etc. Il ne s’agit pas d’une simple image, comme une photographie, par exemple, qu’on peut tenir en main, mais de quelque chose de plus évanescent, de beaucoup plus vaste et qui englobe en fin de compte tout ce qui tourne autour de l’actrice et qui la détermine aux yeux du spectateur, par l’intermédiaire de ses films et de ses personnages.

La différence dans mon cas, entre la matière du mythe (l’image de Françoise Yip et en parti-culier celle issue de Black Mask) et le mythe lui-même (Le Cinquième fantasme), c’est essentiel-lement la position seconde de ce dernier – position qui se ressent avant tout dans la distanciation critique, esthétique, symbolique… du personnage de la femme fatale. Dans Black Mask, la femme fatale est motivée dans le personnage d’une tueuse qui s’intègre pleinement à l’intrigue – le caricatural de cette tueuse, il faut l’avouer, lui confère déjà une légère consonance mythique.

Dans Le Cinquième fantasme, la femme fatale apparaît tel un fantôme, complètement décalée par rapport à l’intrigue : elle n’est plus utilisée à des fins dramatiques, mais uniquement esthétiques, cet « esthétisme » intervenant aussi bien dans le récit que dans les images.

Nous venons de voir que, pour Roland Barthes, le mythe est un « système sémiologique second ».

L’auteur de Mythologies propose de schématiser le système du mythe de la manière suivante :

1. signifiant 2. signifié

3. signe = I. SIGNIFIANT II. SIGNIFIÉ III. SIGNE

Nous avons en 1., 2., 3., le système sémiologique de la langue, et en I., II., III., le système sémiologique du mythe. Barthes explique que « le signifiant peut être envisagé, dans le mythe, de deux points de vue : comme terme final du système linguistique ou comme terme initial du système mythique ; il faut donc ici deux noms : sur le plan de la langue […], j’appellerai le signifiant : sens ; sur le plan du mythe, je l’appellerai : forme. Pour le signifié, il n’y a pas

UN SYSTÈME SÉMIOLOGIQUE SECOND 49

74. Roland Barthes, Mythologies, op. cit., p. 202.

75. L’expression est à prendre littéralement dans le sens de « portrait d’une image », via une autre image.

76. « On définit souvent l’imago comme "représentation inconsciente" ; mais il faut y voir, plutôt qu’une image, un schème imaginaire acquis, un cliché statique à travers quoi le sujet vise autrui ». Jean Laplanche & Jean-Bertrand Pontalis, Vocabulaire de la psychanalyse, Paris, PUF, 1967, p. 196.

77. Jean Starobinski cité par Maurice Blanchot, in Le Livre à venir, Paris, Gallimard, 1959, p. 66.

d’ambiguïté possible : nous lui laisserons le nom de concept. Le troisième terme est la corrélation des deux premiers : dans le système de la langue, c’est le signe ; mais il n’est pas possible de reprendre ce mot sans ambiguïté puisque dans le mythe – et c’est sa particularité principale – le signifiant est déjà formé des signes de la langue. J’appellerai le troisième terme du mythe, la signification 74 ».

Si l’on actualise ce schéma par rapport au Cinquième fantasme, le système 1., 2., 3. est issu du film Black Mask avec en 1. une femme en noir, en 2. une tueuse professionnelle, et en 3.

une femme fatale. Quant au système mythique développé dans Le Cinquième fantasme, nous avons en I. la femme fatale (Cailyn), en II. soit un jeu plastique sur le couple d’opposés Éros et Thanatos, soit une réincarnation du personnage fatal pour une confrontation avec son actrice, soit tout ce que voudra bien y projeter le spectateur, et en III. une nouvelle femme fatale, trans-parente à la première, bien qu’intimement autre. En effet, le mythe s’emploie à cacher sa double logique : il n’avoue pas ouvertement sa nouvelle « forme » et fait glisser sa signification sous la première, apparemment évidente.

D’autre part, si l’on revient à l’actrice, il me faut préciser que Le Cinquième fantasme, en tant que « portrait imaginaire 75 », ne cherche pas à correspondre à la vraie Françoise Yip, l’actrice, la femme afilmique. En ce sens, ce n’est pas un documentaire mais bien une fiction.

J’ai insisté sur ce point : je m’inspire de l’image de l’actrice, une image qui ne lui correspond et ne lui appartient qu’à moitié, étant issue de ses films. Celle qui se nomme « Françoise » dans Le Cinquième fantasme, ce serait en quelque sorte un imago au sens psychanalytique du terme, c’est-à-dire un prototype inconscient 76 de l’actrice, de la femme, Françoise Yip, tel qu’il oriente la façon dont je l’appréhende – un prototype élaboré à partir de ma première relation, subjective et fantasmatique, avec l’image de l’actrice – j’avais alors seize ans – dans son film Black Mask, au travers de son personnage fatal, Cailyn.

En conséquence, le film ne manifeste pas une parole vraie, une parole conforme à la « nature » de son objet, mais ce que Starobinski appelle une parole authentique :

La parole authentique est une parole qui ne s’astreint plus à imiter une donnée préexistante, mais qui est libre de déformer et d’inventer, à condition de rester fidèle à sa propre loi. Or cette loi intérieure échappe à tout contrôle et à toute discussion.

La loi de l’authenticité n’interdit rien, mais n’est jamais satisfaite. Elle n’exige pas que la parole reproduise une réalité préalable, mais qu’elle produise sa propre vérité dans un développement libre et ininterrompu 77.

UN PORTRAIT IMAGINAIRE 51

78. Cf. supra : « le caractère fondamental du concept mythique, c’est d’être approprié ». Roland Barthes, Mythologies, op. cit., p. 192. Le terme « approprié » peut ici être pris dans ses deux acceptions :

1. Adéquat, qui convient : images pauvres, incomplètes (caricatures, pastiches, symboles, etc.). Cf. Ibid, p. 200.

2. Pris, emparé, détourné : un vol de langage. Cf. Ibid., p. 204.

79. Je parle depuis le début d’un « portrait imaginaire », mais c’est l’actrice, en réalité, qui, fantasmatiquement, est visée derrière cette image. D’ailleurs, tout au long du film, c’est elle, l’actrice sans rôle, qui est mise en scène, l’actrice nue diégétiquement (ce que symbolise sa robe orange). L’Homme à la Voix Grave nous offre un indice de ce désir obscénique de voir l’actrice – la femme, l’être… – sous l’image, lorsqu’il dit qu’il veut voir « la vraie Françoise ».

Seulement, existe-t-il une « vraie Françoise » en dehors de son fantasme ? 80. Cf. infra, « De la description à la narration », p. 383 sq.

81. Rappelons qu’il s’agit là également de substances cinématographiques, telles que l’énonce la fameuse sentence godardienne : « the girl » et « the gun ».

82. Que les choses soient claires à ce sujet, il faut bien distinguer, pour prendre l’exemple de la violence ou celui du sexe, ce qui se rapporte au réel et ce qui se rapporte à la sphère esthétique. Lorsque John Woo rend « belle » une scène de meurtre, par effets de ralenti, de corps qui s’envolent, d’objets qui explosent, etc., celui-ci ne prône pas la violence réelle, il constitue de toutes pièces une violence cinématographique qui est l’union cathartique entre une certaine « nature » humaine – « l’homme est un loup pour l’homme » (Hobbes) – et ce quelque chose qui tient justement l’homme à l’abri de cette « nature » et qui est l’imaginaire.

Dans L’Imaginaire, Sartre développe une réflexion très juste qui distingue l’éthique de l’esthétique : « le réel n’est jamais beau. La beauté est une valeur qui ne saurait jamais s’appliquer qu’à l’imaginaire et qui comporte la néantisation du monde dans sa structure essentielle. C’est pourquoi il est stupide de confondre la morale et l’esthétique.

Les valeurs du Bien supposent l’être-dans-le-monde, elles visent les conduites dans le réel et sont soumises d’abord à l’absurdité essentielle de l’existence. Dire que l’on "prend" devant la vie une attitude esthétique, c’est confondre constamment le réel et l’imaginaire. Il arrive cependant que nous prenions l’attitude de contemplation esthétique en face d’événements ou d’objets réels. En ce cas chacun peut constater en soi une sorte de recul par rapport à l’objet contemplé qui glisse lui-même dans le néant. C’est que, à partir de ce moment, il n’est plus perçu ; il fonctionne comme analogon de lui-même, c’est-à-dire qu’une image irréelle de ce qu’il est se manifeste pour nous à travers sa présence actuelle ». Jean-Paul Sartre, L’Imaginaire, Paris, Gallimard, 1986, pp. 371-372.

Nous sommes loin de la pensée d’Alain, selon laquelle « le rapport de l’esthétique et de la morale est en ceci que tout ce qui est honteux est laid, d’où l’on ose conclure que tout ce qui est beau est sans vice ». Alain, Les Arts et les dieux, Paris, Gallimard, 1958, p. 1056.

Gœthe emploie d’autres termes pour formuler la même idée lorsqu’il oppose la « vérité » par quoi l’artiste s’exprime – et même souvent exprime ses mensonges (ses fantasmes) – à la

« réalité » qui n’apporte qu’une plate copie de ses modèles.

Il ne s’agit pas pour moi de réaliser un portrait par imitation, mais par interprétation, mieux encore : par appropriation 78. En insufflant une part de moi-même – en creux – dans ce travail de description, je ne dépeins pas vraiment l’actrice comme elle est 79 (projet de toute manière utopique), mais comme j’entends qu’elle soit. Cette description se fait alors narration 80 car en somme, je transforme déjà l’actrice en personnage, mais à son image.

Trois « substances » essentielles

De cette « image » – une image cinématographique donc – j’ai retenu un nombre essentiel de « substances », trois en l’occurrence, que l’on vient d’évoquer à l’instant à propos de la femme fatale 81 : l’érotisme, la névrose et la violence. Ces trois substances ont été les points de départ pour l’écriture de mon scénario, un peu à la manière dont un peintre choisirait trois couleurs à partir desquelles il produirait toutes les nuances colorées du portrait – ou autre sujet – qu’il s’est donné à faire. Cette métaphore picturale est d’ailleurs significative dans le sens où l’érotisme (la nudité, le sexe, la chair…) comme la violence (…le sang, les combats, la mort) ne sont employés que pour leur valeur esthétique 82. Il n’y a rien de moral ni de politique – même si, paradoxalement, il y a là deux « substances » parmi les plus connotées moralement et politique-ment, le sexe et la violence, que j’utilise uniquement pour leur valeur esthétique. Pour poursuivre sur la même image, c’est comme si j’avais abstrait de son contexte historique/social/politique ce qui constitue chacune de ces trois substances, afin de le broyer et ainsi composer les matières auxquelles je recours, comme des pigments – notamment le rouge et noir symboliques – pour composer le film, pour en écrire le récit et en peindre les images.

Au contact de la « machine » cinéma, ces trois substances – ou « pigments » – se sont décom-posées en images, plans, séquences, actions, mouvements, dialogues, etc. Trois substances au départ mais qui, actualisées par le « travail du texte », c'est-à-dire mon imaginaire confronté aux « règles » du médium cinématographique, sont devenues trois scènes, trois séquences, trois mini-récits… puis trois courts métrages intitulés, respectivement, naissance(s), voix/es et échos.

De cette trame archaïque, le film a conservé sa structure en trois chapitres, pareillement intitulés et dont les substances sont devenues des « qualités ». Ainsi le premier chapitre est à caractère érotique (voire pornographique dans son esthétique), le second est étrange, le troisième est violent.

TROIS « SUBSTANCES » 53

83. Cf. infra, « Composition d’un "tableau" pour Le Cinquième fantasme », p. 303 sq.

84. C’est littéralement ce qui arrivera, à la fin du film, lorsque la caméra emprunte la trajectoire de la balle et s’y substitue pour pénétrer dans la tête de Françoise.

85. Au final, il ne s’agit pas pour moi de peindre cette image, mais de la dépeindre, c’est-à-dire la déconstruire (le fantasme) afin de la reconstruire (le film), mais pas avant d’être parvenu à en percer le secret. « Démontons patiemment et classons séparément les rouages de notre montre, cela serait bien surprenant si, notre travail achevé, nous ne découvrions pas l’heure qu’il est ». Gaston de Pawlowski cité par Gilbert Lascault, in Écrits timides sur le visible, Paris, 10/18, 1979.

86. Il y a un paradoxe et une sorte de défi, ici, à parler de matière, de substance ou d’essence, étant donné que l’œuvre qui porte cette question – celle d’un mystère du féminin – est cinématographique, autrement dit un regard, et ne peut par définition s’attacher qu’à l’extériorité : apparences, surfaces, etc. Mais c’est que, justement, ce regard opère sur un mode quasi-tactile : il se fait haptique, voire obscène.

87. Federico Fellini, Faire un film, Paris, Seuil, 1996, p. 204.

88. Cf. infra, « Le Regard dans le tableau », p. 327 sq. Cette idée a fait l’objet de mon mémoire de DEA : Le Fantasme ou la mise en scène d’un regard, sous la direction de Leszek Brogowski, Rennes, 2004.

89. Gilles Deleuze & Félix Guattari, Qu’est-ce que la philosophie ?, Paris, Minuit, 1991, p. 158.

Nous reviendrons plus en détail sur cette structure ternaire et la non-linéarité qu’elle implique au niveau du récit 83, l’un des grands enjeux du « récit plastique ». Parler de « substance », cela suggère aussi une volonté de ma part d’aller au plus profond de cette image, afin d’en révéler la part intime. Contrairement à mon travail avec Marilyn Monroe (la blonde) où mon regard effleura son image en surface, s’attardant sur les apparences, les voiles, la séduction, etc., avec l’image de Françoise Yip (la brune), mon regard s’attaque à la matière, il se fait haptique voire obscène.

Cette question du regard revient à plusieurs reprises au cours de ma recherche : elle se mani-feste notamment au travers des mouvements-caméra qui « dessinent » une sorte de parcours du regard. La caméra tourne autour de l’actrice de manière obsessionnelle, elle la poursuit, s’en approche jusqu’à l’effleurer puis s’en éloigne, revient, contourne, fonce… comme si elle désirait tout voir de son image, jusqu’à entrer en elle 84. De ce regard, la caméra dévoile les découvertes, mais aussi les profanations, puisque c’est d’un regard obscène dont il s’agit – en ce sens très masculin –, un regard qui désire « percer » la féminité de son image, son secret, qui ne se satisfait plus des apparences mais qui cherche à découvrir de quoi est faite cette image 85. Quelle est sa matière, sa substance, son essence 86, sa texture… son mystère ?

Totò n’avait pas besoin d’histoires. Quelle valeur pouvait avoir une histoire pour un tel personnage qui portait déjà écrites sur son visage toutes les histoires ? J’aurais plutôt aimé lui consacrer un petit essai cinématographique, un portrait en mouvement, qui dit comme il était, comment il était à l’intérieur et à l’extérieur, quelle était sa structure osseuse, quelles étaient les jointures les plus sensibles, les articulations les plus résistantes et mobiles 87.

L’idée d’un « voyage du regard dans une image 88 » est l’une des composantes de ma con-ception du fantasme : c’est ce qui m’a fait écrire à propos du Cinquième fantasme qu’il est un film écrit dans l’image de Françoise Yip, autant que sur, pour et avec elle. Tout le film n’est que la trace ou plutôt la matérialisation de mon regard dans cette image : mouvements-caméra alambiqués, longs plans fixes, circonvolutions obsessionnelles, tout ceci constitue ce que Deleuze et Guattari nomment un percept, c’est-à-dire une perception – un regard – affranchi du sujet percevant – l’artiste – et constitué en bloc de sensation : « le but de l’art, avec les moyens du matériau, c’est d’arracher le percept aux perceptions d’objet, d’arracher l’affect aux affections comme passage d’un état à un autre. Extraire un bloc de sensation, un pur être de sensation 89 » ;

« les percepts ne sont plus des perceptions, ils sont indépendants d’un état de ceux qui les

PERCER LE MYSTÈRE 55

90. Ibid., p. 154.

91. Ferdinand de Saussure, dans son Cours de linguistique générale (1916), a marqué le clivage entre la langue, le langage (comme système abstrait de signes) et la parole (comme usage concret de ce système).

82. Cf. infra, « (re)lecture », p. 631 sq.

93. Frank Capra cité par Edgar Morin, in Les Stars, Paris, Seuil, 1972, p. 116.

94. Je précise que si le film devait se faire avec une autre actrice que Françoise Yip, comme cela était a été envisagé au moment où je développais le projet dans sa forme courte, le personnage ne s’appellerait plus Françoise, mais prendrait le nom de sa nouvelle actrice, en même temps que son corps, sa voix, son image.

éprouvent 90 ». Le percept intervient donc comme objet, manipulable par la pensée au travers de la matière propre à tout art : langage, pigments, terre, lumière, etc. En ce sens, Le Cinquième fantasme n’est pas seulement un film sur l’image d’une actrice, mais aussi et surtout un film sur un-regard-sur-l’image-d’une-actrice. Ce « portrait » ne représente pas l’actrice, cela nous l’avons vu, mais mon regard comme objet sur cette actrice et son image. On peut donc déjà supposer

éprouvent 90 ». Le percept intervient donc comme objet, manipulable par la pensée au travers de la matière propre à tout art : langage, pigments, terre, lumière, etc. En ce sens, Le Cinquième fantasme n’est pas seulement un film sur l’image d’une actrice, mais aussi et surtout un film sur un-regard-sur-l’image-d’une-actrice. Ce « portrait » ne représente pas l’actrice, cela nous l’avons vu, mais mon regard comme objet sur cette actrice et son image. On peut donc déjà supposer

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