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La portée de l’adaptation des statuts

Dans le document Le transfert international de siège social (Page 184-188)

transfert international de siège social

SECTION 2: La reconnaissance de la personnalité morale de la société migrante

A- La portée de l’adaptation des statuts

229. En général, la lex societatis d’une entreprise est compétente pour régir l’ensemble

des problèmes concernant la société283. Elle est compétente pour régir la constitution, les

pouvoirs des associés et le fonctionnement de la société selon ses statuts ainsi que la

282 Yvon Loussouarn, Les conflits de lois en matière de sociétés, Rennes, 1949, n°125 283 Lamy Sociétés Commerciales 2005, n°98

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dissolution de celle-ci. Au cours d’un transfert international de siège social, la loi de l’Etat d’origine de la société, lex societatis primaire, s’applique à toutes les questions relatives à la constitution de la société ainsi qu’au fonctionnement et aux pouvoirs des dirigeants de l’entreprise selon les statuts de la société rédigés en conformité avec cette loi. Quant à la législation de l’Etat d’accueil, en tant que nouvelle loi de l’entreprise, elle s’applique au fonctionnement de la société et aux pouvoirs de ses dirigeants une fois que les statuts de la société sont mis en conformité avec ses dispositions et elle est également compétente si une dissolution de la société devait intervenir. Il en découle que l’adaptation des statuts de la société migrante à la loi qui lui sera applicable doit tenir compte des dispositions impératives relatives au fonctionnement et aux pouvoirs des dirigeants dans d’une société dans l’Etat où l’entreprise décide de s’établir. Pour beaucoup, les dispositions impératives sont relatives à l’équilibre entre l’intérêt des associés de l’entreprise qui sont de nature particulière et la protection des tiers à l’entreprise. La méthode de modification et d’adaptation des statuts d’une société étrangère venant s’établir dans un nouveau pays, tel que la France, doit prendre ce point en compte.

230. La doctrine française préconise l’adaptation concrète des statuts de la société à la loi française. Il ne s’agit pas d’une modification totale et complète qui reviendrait à doter l’entreprise de nouveaux statuts correspondant à une application mécanique et rigoureuse de

la loi française284. Il s’agit uniquement d’apporter les modifications nécessaires à l’adaptation

de la société aux exigences de la législation française. La loi nouvellement applicable se doit de préciser l’étendue et la portée de l’adaptation pour que les statuts de la société migrante

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soient mis en conformité avec elle285. L’idée qui sous-tend cette conception est « qu’il ne

s’agit pas de constituer à nouveau la société en France, ce qui serait méconnaître son

existence antérieure à l’étranger, mais d’adapter la société à la loi française pour l’avenir »286.

Cette opinion s’inscrit en toute logique à la suite de la doctrine qui considère que la personnalité morale de la société survie au cours du transfert international du siège social de l’entreprise à savoir qu’un transfert de siège n’implique pas la dissolution puis la reconstitution de la société migrante.

231. Au sein de la législation ou de la jurisprudence française, il n’y a pas de disposition ou d’arrêt venant clairement résoudre cette question. Par contre, il est possible de trouver une décision rendue par la Cour de cassation belge relative au transfert du siège social d’une société anglaise en Belgique. Il s’agit d’un arrêt déjà précité dans cette étude et rendu par la Haute juridiction belge en date du 12 novembre 1965 opposant la Société Lamot à Willy

Lamot287. Le transfert du siège social de cette société anglaise en Belgique a conduit la Cour

de cassation belge à répondre à la question relative à l’adaptation des statuts d’une société étrangère, constituée dans un pays d’incorporation, venant s’installer dans un pays de siège social. Ainsi, la Cour dispose « Qu’en effet, rien ne s’oppose à ce que cette société subsiste, dès lors qu’en raison de ses statuts originaires, éventuellement adaptés aux exigences du droit belge, sans toutefois que ses caractères essentiels s’en trouvent modifiés, elle remplit les conditions pour pouvoir, au titre de société reconnue par le droit belge, jouir de la capacité juridique résultant de sa personnalité juridique ».

285 Yvon Loussouarn, « La condition des personnes morales en droit international des sociétés », Rec. Acad. La

Haye, 1959, I, pages 499-500

286 Jean Perroud, « Du changement de nationalité d’une société anonyme », JDI 1926, page 570 ; W. Le Bras, « Le transfert du siège social des sociétés étrangères en France », Joly Sociétés 1983, page 795

287Cour de cassation de Belgique (1er Ch.), 12 oct 1965, Soc. Lamot c. Willy Lamot, JDI 1967.140, note Leleux ;

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232. Cet attendu de l’arrêt Lamot confirme l’opinion de la doctrine française concernant la portée et l’étendue de l’adaptation des statuts d’une société qui transfert son siège dans un pays appliquant la théorie du siège social. En effet, selon cet arrêt, il ne convient pas de faire une application rigoureuse et mécanique de la loi de l’Etat d’accueil de l’entreprise pour modifier les statuts de la société, ce qui conduirait à ignorer l’existence antérieure de cette dernière. A supposer que les statuts originaires de l’entreprise répondent aux exigences du droit du pays d’accueil, aucune modification ne serait nécessaire. Si cette conséquence découle de l’attendu de l’arrêt précité, elle demeure néanmoins hypothétique. Il convient de faire une adaptation spécifique des statuts de la société afin de lui permettre d’être reconnue par sa nouvelle lex societatis en tant que personne morale.

233. Certes cet arrêt a été rendu par la Cour de cassation belge. Certes, il a été rendu relativement à un litige concernant une SA. Ceci pourrait diminuer l’intérêt de cette décision. Mais il n’en est rien. En effet, si la doctrine française a porté un intérêt particulier à cette décision, c’est que la question du transfert du siège social se pose dans les mêmes termes au sein du droit international privé belge et français. De plus, concernant l’objection relative à la nature de la société qui pourrait être formulée et le fait qu’en France le transfert de siège social d’une SA implique une certaine particularité, il suffit de lire la formulation générale de l’attendu de l’arrêt précité pour ne pas limiter sa portée au déplacement du siège d’une société anonyme. Une fois la réponse apportée à la question l’étendue et de la portée de l’adaptation des statuts de la société migrante, il convient, dans une approche concrète de se poser celle de la réalisation de cette adaptation : comment adapter les statuts de la société qui vient de transférer son siège social ? Cette question revoie au contenu de la législation nationale sur les

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sociétés, de l’Etat qui accueille l’entreprise migrante. Certaines dispositions ont un contenu plus ou moins impératif au regard du système juridique de cet Etat.

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