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3. Conduite à tenir/ Recommandations

4.2 Population à risque cardiovasculaire

Nous avons déjà évoqué le fait que les patients atteints de schizophrénie présentent une mortalité cardiovasculaire plus élevée. La cause en est multifactorielle et comprend des facteurs génétiques (intrinsèques à la maladie), des aspects liés au style de vie et des facteurs d’ordre thérapeutique (prescription de psychotropes, en particulier d’antipsychotiques).

En d’autres termes, on remarque donc qu’il existe une réelle susceptibilité à l’apparition de troubles métaboliques, avant même l’introduction des antipsychotiques. Ces facteurs de risques cardiovasculaires sont d’abord associés à la maladie et peuvent en outre être influencés négativement par un traitement dirigé contre celle-ci.

4.2.1. Cause génétique

Une des causes semble donc être intrinsèque à la maladie. Il existerait une vulnérabilité d’origine génétique chez les patients schizophrènes. Avant même l’introduction des antipsychotiques et en début de maladie, on note déjà des diabètes de type II plus fréquents (57). Il semblerait que les sujets schizophrènes présenteraient des anomalies du métabolisme glucidique ainsi qu’une diminution de sensibilité à l’insuline (58).

De plus, le polymorphisme du gène codant pour la sous-unité β3 des protéines G a été associé à la survenue d’une obésité dans différents groupes ethniques et à la prise de poids au cours de la grossesse (59). Dans une méta-analyse de 2008, les auteurs n’ont néanmoins pas réussi à démontrer une association significative entre l’allèle 825T et le risque d’apparition d’une prise de poids sous antipsychotiques, en raison notamment de la faiblesse méthodologique des études évaluées (60). D’autres études ont suivi et se sont penchées sur la question. Van Winkel a pu mettre en évidence une association significative entre les polymorphismes C677T et A1298C de la MTHFR (Méthylène Tetrahydrofolate réductase) et le risque d’apparition d’un syndrome métabolique (61, 62).

4.2.2. Mode de vie

Une des autres causes concerne le mode de vie des patients schizophrènes. En effet, il favorise fortement les troubles métaboliques. On retrouve souvent un surpoids avec une adiposité viscérale importante. Les mécanismes probables de ce surpoids sont à la fois l’hospitalisation (réduction de l’activité physique, sédation) mais également l’anxiété (hyperphagie compensatrice et anxiolytique).

Les patients schizophrènes ont un régime alimentaire particulièrement riche en graisses saturées (58), en sucres rapides (63), en sel et pauvre en fibres (64), fruits et légumes (65). Ces choix alimentaires se font en fonction de choix personnels mais aussi en prenant compte de préoccupations financières. Blouin et al. ont évoqué le fait que les patients sous antipsychotiques semblaient développer des troubles du comportement alimentaire en lien avec une perception altérée de l’appétit et une sensibilité accrue à la sensation de faim, facteur pouvant influencer la prise de poids induite par ces traitements (66).

Concernant le mode de vie, il est important de noter que le tabagisme est 1,5 fois à 3 fois plus élevé que dans la population générale (50). Par ailleurs, il est bien connu que fumer

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augmente l’insulinorésistance (67). Ainsi, fumer augmente le risque de survenue d’un syndrome métabolique ou d’un diabète (68).

La sédentarité est également conséquente (absence d’emploi, symptômes déficitaires de la maladie, isolement social, effets sédatifs des traitements). Les patients schizophrènes sont significativement plus sédentaires par rapport à la population générale (69). L’énergie totale dépensée par les sujets schizophrènes est plus de 20% plus faible que les recommandations minimales de l’American College of Sports Medicine et de l’AHA (70).

Une méta-analyse récente a démontré que l’offre d’activités physiques dans les soins standards entraînait une plus forte baisse des symptômes négatifs que les seuls soins standards (71). En effet, les schizophrénies déficitaires, accompagnées de symptômes négatifs, sont associées à une obésité plus importante ainsi qu’à une fréquence plus élevée de syndrome métabolique (72, 73). Les symptômes négatifs sont associés à un mode de vie sédentaire (74, 75).

Enfin, les schizophrènes sont des grands consommateurs de soins mais de mauvaise qualité. 80 % des patients schizophrènes ont une pathologie somatique concomitante et 50% ne serait pas diagnostiqués (49).

4.2.3. Cause iatrogène

La dernière cause de syndrome métabolique concerne les traitements administrés et en particulier, les antipsychotiques.

Le traitement diminue la mortalité, le risque de suicide et le taux d’hospitalisation chez les patients atteints de schizophrénie (76). Cependant, certains traitements entraînent des effets indésirables qui peuvent accroître encore davantage le risque cardiovasculaire associé à la schizophrénie.

Il existe de nombreuses études concernant le risque de prise pondérale sous antipsychotiques. Cependant l’intensité du risque semble être différente en fonction du type d’antipsychotique. Alors que la clozapine et l’olanzapine ont tendance à faire augmenter le poids corporel (respectivement + 4,5 kgs et + 4,15 kgs), d’autres molécules comme la risperidone et la ziprasidone présentent un profil plus avantageux (respectivement + 2,10 et + 0,04 kgs) (77) (cf. figure 7).

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Figure 7 : Intervalle de confiance de la prise de poids après 10 semaines sous traitement à des doses standards (77)

On ne peut pas prédire le risque individuel de prise pondérale. Toutefois, il existe des facteurs favorisant la prise de poids (tableau 5), et il faut en tenir compte dans le choix du traitement.

Tableau 5: Facteurs prédictifs pouvant entrainer une augmentation du poids (78)

Facteurs cliniques Facteurs démographiques

Choix du neuroleptique Age plutôt jeune

Premier épisode psychotique IMC initial plutôt faible

Cycle lent Surcharge pondérale dans l’anamnèse

personnelle/familiale

Traits psychotiques Groupes ethniques non blancs

Tendance à exagérer la consommation alimentaire en situation de stress

Consommation de cannabis

Les médecins sont également amenés à prescrire des antidépresseurs ou encore des thymorégulateurs dans certains cas. Les principaux antidépresseurs pouvant entraîner une augmentation de poids sont les tricycliques, la mirtazapine et la paroxétine (79). En ce qui concerne les thymorégulateurs, une prise de poids d’au moins 5 % survient chez 1/3 à 2/3 des patients traités par lithium et dans 1/4 à 1/2 des patients traités par anticonvulsivants (acide valproïque, carbamazépine…) (80).

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Dans un essai portant sur 5209 participants de l’étude Framingham, Fontaine et coll. ont évalué l’influence de la prise pondérale après traitement antipsychotique sur la mortalité, ainsi que sur l’apparition d’hypertension ou d’anomalies de la tolérance au glucose. Les auteurs ont conclu que la clozapine peut prévenir le suicide de 492 patients schizophrènes sur 100000. En revanche, l’augmentation de poids consécutive au traitement antipsychotique entraîne 416 décès supplémentaires, ce qui remettrait en cause la pertinence du traitement (81).

Parmi les symptômes bien étudiés, on trouve également les modifications indésirables du profil lipidique sanguin sous antipsychotiques (cholestérol total, cholestérol LDL, cholestérol HDL, triglycérides). Il semble que les différents antipsychotiques n’exercent pas tous la même influence sur le cholestérol total, le cholestérol HDL et les triglycérides. Par exemple, ce sont les substances généralement associées à la prise pondérale (olanzapine, clozapine) qui exercent l’influence la plus forte sur les triglycérides. Par ailleurs, certains antipsychotiques atypiques peuvent augmenter le risque de diabète chez les patients souffrant de troubles mentaux graves (82).

Jusqu'à présent les recommandations médicales n’ont pas vraiment réussi à modifier le comportement clinique. De nos jours, il est encore bien rare qu’un patient schizophrène fasse l’objet d’examens et de traitements en rapport avec les facteurs de risque cardiovasculaire.

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