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La cohorte des consultants des centres d'examens de santé (CONSTANCES) est une cohorte en population générale constituée d'un échantillon représentatif des Français affiliés au régime général de la Sécurité Sociale et âgés de 18 à 69 ans à l’inclusion [520]. Son objectif est de fournir des connaissances longitudinales sur les déterminants de santé personnels, sociaux et environnementaux, de contribuer au développement de la recherche et de la surveillance épidémiologique et d’obtenir des informations utiles pour la santé publique. Pour ce faire, les participants tirés au sort sont invités à participer à un EPS (voir section II.1.1.1) dans un des 22 centres d'examens de santé répartis sur tout le territoire. Le suivi longitudinal se compose notamment d'un questionnaire annuel et d'une convocation tous les 5 ans à un autre EPS.

Les données disponibles au moment de l'analyse correspondaient aux informations recueillies pour 80 017 participants. Cependant, compte-tenu des objectifs de cette étude, la population a été restreinte aux individus occupant actuellement un emploi. Les autres critères d'inclusion appliqués étaient l’absence de données manquantes pour les variables sélectionnées et l'absence d’un antécédent personnel de maladie CV. En effet, le critère de jugement choisi était le risque de premier événement coronarien et le score utilisé n'était pas validé dans une population avec un tel antécédent. De plus, les symptômes dépressifs mesurés auraient pu être causés partiellement par une telle pathologie.

III.1.2. Variables utilisées

III.1.2.1. Symptomatologie dépressive

Un examen clinique de la dépression n'étant pas disponible dans la cohorte CONSTANCES, l'échelle de symptomatologie dépressive CES-D a été utilisée. Toutefois, comme il a déjà été mentionné (voir section I.2.4.1), l'utilisation d'échelles de symptômes

dépressifs est courante en épidémiologie et a permis d'observer des associations entre de tels symptômes et la survenue d'événements CV.

La CES-D a été développée en 1977 par Radloff et coll. pour évaluer la symptomatologie dépressive en population générale et particulièrement dans les études épidémiologiques. Basée sur des items appartenant à des échelles de dépression déjà validées (par ex. Beck Depression Inventory ou Zung Depression Rating Scale), elle comprend 20 questions (voir Annexe K) qui mesurent l'humeur dépressive mais également d'autres composants de la symptomatologie dépressive telles que des sentiments de culpabilité, de dévalorisation, d'impuissance ou de désespoir ainsi qu'un ralentissement psychomoteur, une perte d'appétit ou des troubles du sommeil [521]. Quatre sous-dimensions ont pu être fréquemment retrouvées [522,523], en particulier dans l'étude récente de Morin et coll. [524] qui vérifiait les propriétés psychométriques de la version française de l'échelle traduite par Fuhrer et coll. [525] : affects dépressifs, affects positifs, plaintes somatiques et relations interpersonnelles perturbées. Toutefois, l'utilisation du score global de l'échelle, comme cela est retrouvé le plus souvent dans les études épidémiologiques, a été validée [523,524].

De fait, l'échelle possède des propriétés psychométriques satisfaisantes [524,526]. En particulier sa cohérence interne est jugée bonne (α de Cronbach >0,80) dans de nombreuses études [521,523,527]. De plus, elle a été associée à de nombreux critères de jugements, tant psychologiques (par ex. autres échelles de dépression [526]), que somatiques (par ex. mortalité CV [528] ou obésité [529])

Chaque item est côté de 0 à 3 selon la fréquence de survenue des symptômes au cours de la semaine écoulée (0 point pour jamais ou très rarement, c'est-à-dire moins d'un jour ; 3 points pour fréquemment ou tout le temps, c'est-à-dire pour 5 à 7 jours) et le score total s’échelonne de 0 à 60. La question d'un seuil au-delà duquel la symptomatologie est sévère et donc la dépression probable pose encore problème. Alors que Radloff et coll. considérait initialement un seuil de 16, Fuhrer et coll. proposait celui de 17 pour les hommes et de 23 pour les femmes. Cependant, l'étude de Morin et coll. a également examiné cette question et conclu que les meilleurs compromis entre sensibilité et spécificité étaient des seuils de 19 en population mixte et de respectivement 16 et 20 pour les hommes et les femmes. De ce fait, le seuil choisi en première intention dans la présente recherche était de 19 mais l'échelle était également considérée comme une variable continue.

III.1.2.2. Professions et catégories socioprofessionnelles (PCS)

Comme dans les études précédentes, les participants ont rapporté leur situation professionnelle ainsi que leur profession actuelle (ou leur dernière profession) qui a été codée selon la classification française PCS. Compte tenu du recrutement de la cohorte CONSTANCES, certains groupes n’étaient pas représentés (par ex. agriculteurs). Afin d’atteindre une puissance statistique suffisante pour réaliser des tests d’interaction et des stratifications par PCS, trois catégories ont été créées :

– élevée (par ex. cadres ou professions libérales) ; – moyenne (par ex. employés ou contremaîtres) ;

– basse (par ex. conducteurs d’engin ou agents d'entretien).

III.1.2.3. Score de risque cardiovasculaire

Les autres variables correspondaient à celles utilisées pour calculer le score de risque CV qui prend en compte le sexe, l'âge, la PA systolique, le cholestérol total et le HDL cholestérol, le statut tabagique et la présence d'un diabète. Le recueil de données a été effectué dans les mêmes conditions que pour les études de la partie II : la PA a été mesurée trois fois après une période de repos de 10 minutes chez le sujet allongé et les prélèvements biologiques étaient pratiqués à jeun. La présence d'un diabète était définie par une glycémie à jeun ≥7 mmol/L (126 mg/dL) ou la prise d’un traitement antidiabétique. Le statut tabagique était considéré de façon binaire (fumeur/non-fumeur). L'âge, la PA systolique, le cholestérol total et le HDL cholestérol étaient considérés comme continus.

Le score utilisé indique la probabilité de survenue de maladie coronarienne à 10 ans. Il correspond à l'adaptation de la fonction de risque de Framingham dans la population française [530]. En effet, des études ont montré que l'équation de Framingham original pouvait surestimer le risque calculé dans certains pays, dont la France [531].

Les variables étaient centrées sur leur niveau moyen dans la population et les variables continues log-transformées. Une interaction entre le sexe et l'âge était également considérée. L'équation correspondante était donc :

% de risque de maladie coronaire à 10 ans=1-[S0(10)]exp{Σβ(z-z)}avec : – S0 correspondant à l'estimation de la survie de base à 10 ans ;

– β correspondant aux coefficients de régressions pour chaque facteur de risque considéré ;

– z correspondant à la valeur moyenne d'un facteur de risque dans la population.

L'équation est ainsi : % de risque de maladie coronaire à 10 ans=1-(0,97832exp(c)) avec c = 6,53*(log(Age) - moyenne) + 15,04*(Sexe - moyenne) - 3,28*(Sexe*log(Age) - moyenne) + 0,51*(Fumeur - moyenne) + 1,03*(Diabète - moyenne) + 1,87*(log(PA systolique) - moyenne) + 2,02*(log(Cholestérol total) - moyenne) - 1,21*(log(HDL cholestérol) - moyenne).

III.1.3. Analyses statistiques

Cette étude était transversale, ce qui ne permet pas de tirer des conclusions sur la temporalité des associations recherchées. Toutefois, par souci de clarté, et conformément au but de l’étude (c’est-à-dire analyser l’effet de la PCS sur l'association entre dépression et score de risque de maladie coronarienne), la variable dépendante était le score de risque tandis que la présence de symptômes dépressifs était la variable indépendante.

En premier lieu, les valeurs moyennes de chaque paramètre de l'équation étaient calculées dans la population afin de pouvoir calculer cette dernière. Puis l'association entre symptomatologie dépressive et score de risque de maladie coronarienne était examinée par régression linéaire pour chaque sexe séparément, compte tenu de l'écart de risque prédit par l'équation chez les hommes et les femmes. De plus, la symptomatologie dépressive pourrait avoir un effet différent selon le sexe sur le risque CV comme le montre par exemple une étude sur détresse psychologique et prédiction du risque CV [532]. Enfin, compte tenu de nos hypothèses, les analyses étaient également stratifiées à priori sur la PCS avant de tester une éventuelle interaction entre dépression et PCS sur le risque de maladie coronarienne.

III.2. Résultats