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Partie I. Introduction générale

I.3. Facteurs sociaux et risque cardio-métabolique

I.3.2. Isolement et soutien social

L'isolement social et son pendant, le soutien social, comporte de multiples dimensions qui peuvent varier selon la définition adoptée [338]. On peut ainsi classiquement distinguer le soutien structurel et le soutien fonctionnel [338]. Le premier type représente l'intégration sociale, c'est-à-dire la quantité de personnes dans l'entourage d'un individu et la fréquence des interactions avec celles-ci tandis que le second se réfère à la qualité de ces relations, c'est-à-dire le type de ressources qu'elles peuvent apporter [339]. Le soutien social fonctionnel peut être mesuré de façon subjective (soutien perçu ou disponible) ou comme celui effectivement reçu, voire comme la différence entre les deux [337,339]. Il peut également se décomposer en plusieurs catégories : soutien émotionnel (par ex. expression d'empathie), informationnel (par ex. conseil pour affronter une situation stressante), instrumental (par ex. aide matérielle) et d'appartenance (partage d'activité en commun). Enfin, les recherches peuvent s'intéresser à un niveau spécifique de soutien (par ex. celui du conjoint) [337]. A l’inverse, la notion de solitude renvoie à un sentiment d’isolement perçu, indépendamment du soutien structurel et fonctionnel effectif.

I.3.3. Facteurs sociaux et risque cardio-métabolique

I.3.3.1. Position socio-économique et risque cardio-métabolique

Hormis dans les pays en voie de développement où les résultats sont moins nombreux et plus hétérogènes [340], une PSE plus faible a généralement été associé à une morbi-mortalité CV accrue quel que soit l'indicateur utilisé [341-343]. Ainsi, niveau d'éducation [344,345], revenu [344,346] et catégorie professionnelle [346,347] ont été associés à la survenue de maladies CV. Il en va de même pour la PSE de la zone de résidence [348,349], la PSE dans l'enfance [350,351] ou, à un moindre degré, la mesure subjective de PSE [335]. Un effet de la profession a particulièrement été examiné dans les travaux issus des cohortes anglaises Whitehall et Whitehall II. Ainsi, dans la première cohorte initiée dans les années 1970 qui a suivi 17 530 fonctionnaires, la mortalité à 10 ans par maladie coronarienne était de 2,2% dans le grade le plus élevé contre 6,7% dans le grade le plus bas. Cette différence n'était

pas abolie après la prise en compte de facteurs de risque CV traditionnels [352]. Outre le fait que cette dernière catégorie ne comportait aucun participant économiquement défavorisé, les résultats montraient que les groupes de grade intermédiaire étaient également à risque intermédiaire, suggérant une relation graduelle. Ainsi, dans cette cohorte comme dans d'autres études, l'association entre PSE et maladies CV ne paraît pas uniquement due à un effet de précarité majeure [353].

Ces recherches ont conduit à tester l'ajout d'un indicateur de PSE dans des modèles prédictifs du risque CV. Ainsi, la prise en compte d'un indice composite du niveau d'éducation et du revenu a permis de diminuer le biais pour le risque de maladie coronarienne à 10 ans calculé par le score de Framingham, qui était sous-estimé pour les participants de PSE défavorisée [354]. D'autres scores ont directement intégré lors de leur création un indicateur de PSE basé sur la zone de résidence [355,356].

Une PSE plus faible a également été associée de façon robuste avec les principaux facteurs de risque biomédicaux [357]. A titre d'illustrations, deux méta-analyses récentes ont porté sur ce sujet. La première méta-analyse de Agardh et coll. [358] indiquait un effet sur le risque de diabète quelle que soit la mesurée utilisée (catégorie professionnelle, revenu ou niveau d'éducation). Dans celle de Leng et coll. [359] portant sur le risque d'HTA, l'effet de la PSE était particulièrement important avec une mesure du niveau d'éducation mais le résultat était également significatif pour la profession ainsi que pour le revenu si l'analyse était limitée aux pays à revenu moyen élevé.

Une littérature conséquente a également porté sur l'association entre PSE et facteurs de risque comportementaux [360-362]. Ainsi consommation d'alcool à risque, tabagisme ou manque d'activité physique ont été associés avec une PSE défavorisée. Cependant, comme il a déjà été mentionné, la prise en compte de ces facteurs dans les analyses ne supprime généralement pas les associations constatées.

Certains auteurs ont suggéré que les facteurs psychologiques pouvaient être médiateurs dans la relation entre PSE et santé physique, notamment CV. En effet, non seulement facteurs psychologiques et risque cardio-métabolique ont pu être liés (voir chapitre I.2) mais PSE et facteurs psychologiques ont également été associés. Ainsi, une PSE plus faible a pu être associée à des risques majorés de stress, de détresse psychologique, d'anxiété, de dépression, d'hostilité ou de colère [363-365]. Cependant, une revue de la littérature par Matthews et coll. [366] portant sur un éventuel effet médiateur des facteurs psychologiques

dans l'association entre PSE et santé physique rapporte que les résultats sont limités et hétérogènes. Une des limitations principales soulignées est « l'incapacité à considérer la non-linéarité dans les associations entre PSE, mécanismes psychosociaux et santé. En effet, les facteurs psychosociaux pourraient potentiellement avoir un impact plus grand à certains niveaux de PSE plutôt qu'à d'autres ou différents facteurs psychosociaux pourraient être importants pour déterminer la santé des PSE les moins favorisées par rapport aux plus hautes » [366]. Cette hypothèse est celle sur laquelle se sont basés les objectifs de cette thèse (voir chapitre I.6), à partir d'une revue spécifique de la littérature (voir chapitre I.4).

I.3.3.2. Autres facteurs sociaux et risque cardio-métabolique

Au-delà des expérimentations chez l'animal qui semblent montrer l'influence de l'environnement social sur le risque CV et notamment l'athérosclérose [367,368], des études épidémiologiques chez l'Homme ont recherché des relations semblables en s'intéressant au manque de support social structurel, fonctionnel ou à la solitude [367]. Deux méta-analyses récentes ont retrouvé un lien entre un manque de relations sociales et un risque accru de maladie coronarienne [369] et d'AVC [370]. Cependant, ces études ne distinguaient pas entre isolement social et solitude, ni entre les différents types de support social. Or l'effet pourrait être différent selon les facteurs. Par exemple, une revue plus ancienne indiquait une importance plus probable du manque de support social fonctionnel, par rapport au support structurel, sur le risque de maladie coronarienne [371]. Au contraire Stringhini et coll. [372] retrouvaient un risque accru de mortalité CV uniquement avec des mesures du support social structurel (statut marital et taille du réseau social) et seulement chez les hommes. L'étude de Floud et coll. confirmait un effet du statut marital sur la mortalité par maladie coronarienne et non sur l'incidence, mais cette fois dans une population féminine [373].

L'isolement social et la solitude ont également été associés à des facteurs de risque biomédicaux comme le syndrome métabolique [374,375], l'HTA [375,376] ou l'obésité [375] ainsi qu'à des comportements de santé délétères comme le tabagisme ou l'inactivité physique [377]. Certaines études ont aussi mis en exergue des dimensions spécifiques du support social fonctionnel tels que les supports émotionnel [378] ou informationnel [379]. Enfin, d'autres indicateurs plus spécifiques tels que la qualité du mariage [380] ont également été associés à la santé CV.

I.4. Interaction entre facteurs psychologiques et position