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Partie II. Interactions entre stress perçu et PCS sur le risque cardio-métabolique :

II.3.2. Matériels et méthodes

II.3.3.3. Analyses de sensibilité

Plusieurs analyses de sensibilité ont été réalisées. Premièrement, si la fréquence cardiaque ou la présence d'une hypercholestérolémie étaient ajoutées au modèle 4, les résultats étaient sensiblement identiques avec une tendance ou une association positive parmi les individus de PCS basse (OR : 1,35 ; 95% IC : 0,98-1,86 ; p=0,06 et OR : 1,37 ; 95% IC : 1,01-1,87 ; p<0,05, respectivement) et une association négative parmi ceux de PCS élevée (OR : 0,61 ; 95% IC : 0,41-0,89 ; p=0,01 et OR : 0,60 ; 95% IC : 0,41-0,87 ; p=0,01, respectivement).

En second lieu, en incluant les participants sous traitements psychotropes à la première visite, les résultats obtenus dans le modèle 4 étaient à nouveau comparables avec une association positive parmi les individus de PCS basse (OR : 1,37 ; 95% IC : 1,01-1,85 ; p=0,04) et une association négative parmi ceux de PCS élevée (OR : 0,70 ; 95% IC : 0,50-0,99 ; p=0,04).

Troisièmement, si les participants dont la PCS avait changé entre la première et la seconde visite étaient exclus, les résultats du modèle 4 étaient également comparables : l’interaction entre stress perçu et PCS était significative (p=0,001) avec une tendance pour une association positive parmi les individus de PCS basse (OR : 1,62 ; 95% IC : 0,95-2,76 ; p=0,08) et une association négative parmi ceux de PCS élevée (OR : 0,46 ; 95% IC : 0,26-0,83 ; p=0,01).

Quatrièmement, si la présence d'un diabète à la deuxième visite était définie uniquement par la prise d’un traitement antidiabétique, une association positive similaire était retrouvée parmi les participants de PCS basse (OR : 1,69 ; 95% IC : 1,01-2,82 ; p<0,05). Parmi ceux de PCS élevée, l’association négative n’était plus significative (OR : 0,94 ; 95% IC : 0,51-1,71 ; p=0,84).

Enfin, si les participants à la retraite étaient inclus et regroupés dans une catégorie, aucune association n’était retrouvée (OR : 1,12 ; 95% IC : 0,75-1,66 ; p=0,58).

II.3.4. Discussion

II.3.4.1. Résumé des principaux résultats

Le but de cette étude était d’explorer le rôle de la PCS comme facteur modérateur de l’association entre stress perçu et diabète incident. Tandis qu’une telle association semblait ne pas exister dans la population entière, l’interaction entre stress perçu et PCS était significative. Dans des analyses stratifiées par PCS, conformément à nos hypothèses a priori, le stress perçu était positivement lié à un diabète incident pour les participants de PCS basse alors que l’association était négative parmi les participants de PCS élevée. Les ajustements successifs sur toutes les covariables considérées ne changeaient pas ces associations, ce qui suppose que ni les variables socio-démographiques, ni les facteurs de risque comportementaux ou biomédicaux n’avaient de rôle confondant ou médiateur important. Des analyses post hoc allaient dans le sens d’une relation graduelle selon le niveau de stress perçu dans les deux cas. Cependant, des analyses de sensibilité montraient que l’association attendue et positive retrouvée parmi les participants de PCS basse était plus robuste que celle non attendue et négative parmi ceux de PCS élevée.

II.3.4.2. Forces et limites

Outre le caractère prospectif de cette étude, ses forces résident dans la relative importance de la taille d’échantillon permettant une stratification par PCS ainsi que la grande variété des variables confondantes potentielles considérées. De plus, les associations de ces dernières avec le diabète incident étaient en accord avec la littérature [495], ce qui renforce la validité externe de ces résultats. Enfin, le stress perçu a été mesuré avec une échelle reconnue et validée [415].

Certaines limites doivent toutefois être reconnues. Premièrement, la mesure du stress perçu ne permettait pas de faire la distinction entre stress aigu et stress chronique. Toutefois, des études précédentes ont montré des associations longitudinales entre stress perçu recueilli une seule fois et diabète [154,181,185,186], ce qui suggère que cette mesure ponctuelle capture en partie une exposition durable. De plus, la PSS-4 ne fournit pas d’information sur la nature des stresseurs rencontrés.

En second lieu, les antécédents de diabète n’étant pas systématiquement recueillis, la présence d’un diabète à l’inclusion ne pouvait être identifiée que par une glycémie à jeun anormale ou la présence d’un traitement antidiabétique. Il n’était donc pas possible d’exclure les participants avec un antécédent personnel de diabète à l’inclusion mais qui auraient normalisé leur glycémie par des mesures hygiéno-diététiques seules. Ces sujets pourraient avoir été à plus grand risque de glycémie ≥7 mmol/L ou de prise d’un antidiabétique au cours du suivi. De plus, ils pourraient, à cause de leur pathologie, présenter un niveau de stress accru. Cependant, les analyses ont été ajustées sur l’état de santé perçu (modèle 4), un simple mais puissant indicateur de santé globale qui diminue le risque de causalité inverse, c'est-à-dire le risque que les résultats obtenus soient uniquement dus à un niveau de stress perçu plus important chez des participants déjà malades.

Troisièmement, aucune donnée rétrospective sur l’emploi n’était disponible et certains facteurs de confusion potentiels, tels que l’alimentation ou l’ethnicité, n'étaient pas mesurés. En effet, comme on l’a déjà évoqué, en utilisant le pays de naissance des participants comme proxy de l’origine ethnique, des recherches ont retrouvé, en France, que les individus nés en Afrique et Afrique du Nord avaient davantage de facteurs de risque cardio-métabolique, dont une prévalence de diabète plus élevée (voir section II.2.4.2).

Quatrièmement, comme cela a également été déjà mentionné pour la précédente étude, les participants venus au centre IPC ne sont pas représentatifs de la population générale en France, ce qui limite potentiellement la généralisation de nos résultats. De plus, les individus ont été sélectionnés sur l’absence, à l’inclusion, d’un diabète, de la prise d’un

traitement psychotrope ou d’une donnée manquante et présentaient donc moins de facteurs de risque cardio-métabolique et des niveaux de stress perçu plus bas. Bien qu’il ne soit pas possible de l’affirmer, il est possible que les associations retrouvées aient donc été sous-estimées. Enfin, les sujets inclus appartenaient uniquement à la population active. Cependant, à nouveau, puisque cette étude reposait sur l'examen de relations entre variables, cette limite était moins problématique que dans des études principalement descriptives [467]. Toutefois, tous les participants étaient à la recherche d’un examen médical préventif et montraient donc probablement un intérêt accru pour leur santé. Ce dernier point pourrait avoir réduit les différences dans les comportements de santé selon les PCS et expliquer partiellement pourquoi l’ajustement sur ces comportements ne changeaient pas nos résultats.

II.3.4.3. Hypothèses explicatives

Puisque l’association négative entre stress perçu et diabète chez les individus de PCS élevée n’était ni attendue ni robuste dans les analyses de sensibilité, les hypothèses développées ci-dessous porteront essentiellement sur l’association robuste et positive chez les participants de PCS basse. Cependant, il est à noter que d’autres études récentes entre facteurs psychologiques et risque cardio-métabolique ont retrouvé une association négative chez des individus de PSE favorisée. En particulier, Hagger-Johnson et coll. [391] ont retrouvé que le névrosisme chez les femmes de PSE plus élevée était lié à une mortalité CV moindre. De même, l'étude [405] transversale de notre groupe sur stress et PA élevée indiquait un risque diminué chez les individus les plus stressés de PCS favorisée. Toutefois, dans l’étude présente, l'association entre stress et diabète incident disparaissait lorsque la présence de celui-ci était définie exclusivement sur la base de la prise d’un médicament antidiabétique, ce qui apparaît comme une mesure plus spécifique de l’événement considéré puisqu’elle est basée sur le diagnostic d’un médecin. Au contraire, l’association positive parmi les individus de basse PCS restait significative dans les analyses de sensibilité, avec même un OR potentiellement plus grand (1,69 contre 1,39).

Plusieurs mécanismes peuvent être envisagés pour comprendre la raison pour laquelle le stress perçu semble positivement associé au diabète seulement chez les individus de basse PCS. En premier lieu, le stress perçu pourrait, au moins partiellement, être lié à un stress professionnel qui est associé directement à la PCS. Ainsi, les individus qui n’appartiennent pas à la même PCS sont exposés de façon différente au stress professionnel et notamment au

job strain. Celui-ci apparaît associé à une PCS basse [365] mais également au risque de

effet sur le diabète est majoré pour les participants avec une PSE plus basse. Au-delà du job

strain, le stress perçu pourrait également témoigner d’une exposition à des stresseurs

professionnels spécifiques de certaines PCS (par ex. nuisances sonores, pollution de l’air ou produits chimiques) et qui sont associés eux-mêmes au risque de diabète [496-498].

Deuxièmement, les participants avec une PCS basse pourraient faire face au stress avec moins de comportements de santé adaptés (par ex. activité physique) et davantage de comportements délétères (par ex. consommation d’alcool élevée) [360,361]. Cependant, l’association entre stress et diabète restait de même magnitude entre les modèles 1 et 2 (ainsi que 3 et 4) alors que ce dernier était ajusté sur les facteurs de risque comportementaux. De ce fait, une hypothèse de médiation par les facteurs considérés semble peu probable. Une telle hypothèse ne peut être pas être formellement écartée en ce qui concerne d’autres facteurs non mesurés dans cette étude comme par exemple une mauvaise alimentation, qui a pu être associée à la fois au stress perçu (par ex. une attirance pour la nourriture riche en matières grasses et en sucre) [499] et à une PCS basse [500,501]. Cependant, on peut supposer que si certains comportements non mesurés, ou grossièrement comme l’activité physique, étaient médiateurs de l’association examinée dans la présente étude, au moins une partie de cet effet aurait également été capturée lors de l’ajustement soit sur d’autres comportements de santé (par ex. tabagisme), soit sur d’autres composants du syndrome métabolique tels que l’obésité et l’HTA.

Concernant d'autres mécanismes qui pourraient expliquer les résultats obtenus, les individus avec une PCS plus basse sont davantage isolés socialement [502], ce qui a été associé à un risque cardio-métabolique majoré (voir section I.3.3.2). En outre, ils sont davantage exposés à des sources de stress multiples, qu’elles soient professionnelles, familiales ou environnementales [503,504]. De plus, certaines voies biologiques non explorées pourraient être particulièrement pertinentes parmi les populations les moins favorisées. Par exemple, le cortisol est une hormone clé de la réponse au stress, qui augmente la production de glucose par le foie et rend les cellules résistances à l'action de l'insuline. Les individus avec des positions sociales dominantes semblent présenter des niveaux diminués de cortisol [505]. De plus, des études ont montré que le rang social perçu, une mesure de la PSE qui est plus basse parmi les individus de PCS moins élevée, était associé avec des différences anatomiques dans des régions cérébrales impliquées dans la réponse au stress, dont le cortex cingulaire antérieur [506]. Le fonctionnement de cette région a été impliqué dans l'association entre facteurs psychologiques et résistance à l'insuline parmi des sujets sains [507]. De ce

fait, le rôle de la PSE comme un facteur d'interaction dans l'association entre stress perçu et diabète pourrait être expliqué par des modifications associées du fonctionnement cérébral.

II.3.4.4. Conclusion

Cette étude est la première à notre connaissance qui suggère que l’association entre stress perçu et survenue d’un diabète dépend de la PCS, de sorte qu’on ne l’observe que chez les individus de basse PCS. Ces résultats pourraient expliquer les études précédentes contradictoires et de futures recherches ou méta-analyses devraient systématiquement considérer un éventuel effet d’interaction de la PSE. De plus, cette association ne semble pas être médiatisée par les facteurs de risque classiques de diabète. De ce fait, d’un point de vue clinique, les médecins devraient considérer le stress perçu comme un potentiel facteur de risque de diabète, dès lors qu’il est rapporté par des individus de basse PCS. Ces résultats pourraient également influencer des politiques de santé publique de telle sorte que des interventions ciblées (par ex. dépistage précoce ou prévention primaire accru) soient mises en place pour les individus de basse PCS qui sont confrontés à des niveaux de stress importants.