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Partie I. Introduction générale

I.2. Facteurs psychologiques et risque cardio-métabolique

I.2.3. Stress

I.2.3.1. Définitions du stress et du coping

Le mot stress est issu à la fois de l'ancien anglais distress, signifiant une situation qui cause de l'anxiété ou de la souffrance et de l'ancien français estrece, signifiant étroitesse ou oppression. Il est ainsi un synonyme de pression ou adversité à son apparition en Angleterre, au XIVème siècle, avant de prendre le sens d'une contrainte physique exercée sur un objet matériel au siècle suivant [123]. De fait, son utilisation est ensuite plutôt réservée aux sciences physiques et à l’industrie. Toutefois, il est également utilisé par métaphore dans le monde médical et en 1910, Osler l’associe au risque d’angine de poitrine [124]. Finalement, ce sont les travaux de Cannon et surtout de Selye qui ont permis la diffusion plus large du terme dans le monde médical et au-delà [125].

A partie de la distinction effectuée au XIXème siècle par Claude Bernard entre milieu intérieur « dans lequel vivent les éléments des tissus » et milieu extérieur « dans lequel est placé l'organisme » [126], William B. Cannon développe la théorie de l'homéostasie, qui est

la capacité de l'organisme à préserver l'équilibre de son milieu intérieur, c'est-à-dire à maintenir des paramètres physiologiques comme sa glycémie ou sa température à un niveau constant [127]. Puis Hans Selye définit le stress, d'abord appelé syndrome général

d’adaptation, comme la « réponse non spécifique du corps à toute demande qui lui est faite »,

c'est-à-dire lorsque son homéostasie est menacée. Cette réponse est donc, quelle que soit la nature du stresseur, aussi bien physiologique (blessure, infection) que psychologique (situation menaçante), stéréotypée et peut être découpée en trois phases [128] :

– une réaction d’alarme dans laquelle l’individu mobilise ses ressources afin de s’adapter, par exemple en fuyant ou en combattant ;

– un stade de résistance qui témoigne de l'adaptation au stresseur ;

– un stade d'épuisement éventuel si la phase de résistance perdure trop longtemps, où réapparaissent les signes de la réaction d'alarme sans que l'individu ne puisse s'y opposer, ce qui conduit à son décès.

Un exemple fourni par Selye lui-même est celui de l'insuline. Alors que son injection entraîne une diminution de la glycémie (effet spécifique), des larges doses administrées à des animaux provoque une réaction de stress (effet non spécifique), à savoir une sécrétion accrue de catécholamines et de corticoïdes produits par des surrénales hypertrophiées, une atrophie du thymus et des ganglions lymphatiques ainsi que des ulcères gastro-duodénaux [129]. Ainsi, même si Selye ne rejette pas l'existence d'un éventuel effet spécifique à chaque stresseur, le stress repose pour lui sur l'effet non spécifique qui est déclenché.

A partir de ce premier modèle du stress, de nombreux autres, plus complexes, ont été développés tandis que les recherches apportaient des faits nouveaux. En particulier, des études ont montré qu’un même stresseur n’induisait pas chez tous les individus la même réaction stéréotypée, ce qui a mené à des définitions plus modernes du stress comme celle « d'une menace à l'homéostasie, perçue de façon consciente ou non, où la réponse [...] dépend notamment [...] de la perception du stresseur par l'organisme et de sa capacité perçue à y faire face ». Un des modèles, adapté au stress psychologique, qui rentre dans ce cadre est celui de Lazarus et Folkman [130,131]. Dans cette conception du stress dite transactionnelle (Figure 2), l’individu effectue une double évaluation : celle des causes du stress mais également des ressources dont il dispose pour y faire face. La situation ne sera considérée comme stressante que dans le cas où ces dernières apparaissent insuffisantes pour le sujet.

Lors de l'évaluation « primaire », la pertinence d'un événement est considérée selon les croyances du sujet sur le monde qui l'entoure ainsi que ses buts et ses valeurs : son

questionnement sera : « Suis-je en difficulté ou est-ce bénéfique ? Maintenant ou dans le futur ? De quelle manière ? ». Une évaluation dite « secondaire » a également lieu où le sujet se demande ce qu'il peut faire pour remédier à la situation et quels sont les conséquences envisageables. Si l'événement est jugé sans importance (1), le processus s'arrête. De même, s'il est considéré comme bénin/positif (2), c'est-à-dire s'il doit concourir au bien-être de l'individu, l'évaluation peut le plus souvent prendre fin. Dans les autres cas, l'événement est vu comme a) un préjudice (ou une perte), b) une menace ou c) un défi. La première situation correspond à un dommage qui a déjà eu lieu comme une maladie ou le décès d'un proche. La deuxième se réfère à un dommage qui peut ou doit survenir. Finalement, le défi correspond également à une anticipation mais où la situation parait plus maîtrisable et positive. Il faut noter que ces différentes catégories ne sont pas mutuellement exclusives et qu'un préjudice pourra entraîner une menace ou qu'une menace peut se transformer en défi.

Figure 2. Modèle du stress transactionnel de Lazarus et Folkman

Cette théorie a fait apparaître la notion de stress perçu qui met l’accent sur le retentissement subjectif d’un événement. Elle a également mis en lumière le concept de

coping [130,131] qui désigne les stratégies d’ajustement mises en place par l'individu pour

faire face au stress. Bien qu’il n’existe pas de classification consensuelle des stratégies de

coping, on peut distinguer classiquement celles centrées sur le problème et celles centrées sur

l’émotion. Dans le premier cas, il s’agit de réduire les exigences de la situation ou d’augmenter ses propres ressources pour l’affronter (par ex. demander un délai pour effectuer une tâche ou organiser un planning). Dans le second cas, le but est de réduire les réponses

émotionnelles provoquées par la situation, que ce soit par des moyens comportementaux aussi bien que cognitifs (par ex. consommer de l’alcool, pratiquer une activité pour se distraire ou minimiser la gravité d’un problème). Ces stratégies, qui ne s’excluent pas mutuellement, peuvent être efficaces ou non selon la situation rencontrée. Les stratégies centrées sur l’émotion sont schématiquement plus adaptées aux situations incontrôlables et celles centrées sur le problème plus adaptées aux situations contrôlables. Leur objectif commun est de réduire les émotions négatives générées par la situation stressante (par ex. annonce d’un diagnostic d’HTA), soit de façon directe (stratégies centrées sur l’émotion, par ex. déni), soit de façon indirecte (stratégies centrées sur le problème, par ex. prise d’un traitement antihypertenseur). De plus, leurs effets sur la santé, notamment CV, peuvent être bénéfiques (par ex. pratiquer une activité physique) aussi bien que délétères (par ex. évitement des consultations médicales).