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6.5 Des extensions galoisiennes de Q : les corps cyclotomiques

6.5.2 Polynômes cyclotomiques

Considérons le polynômeP =Xn−1considéré comme un polynôme deQ[X]. Son corps de décomposition est Q[ξ1,· · ·, ξn−1]. Dans cette extensionQ[ξ1,· · ·, ξn−1],P s’écrit

P = (X−1)(X−ξ1)· · ·(X−ξn−1).

Comme Q[ξ1,· · · , ξn−1]est un corps de décomposition d’un polynôme irréductible séparable deQ[X], c’est une extension galoisienne de Qet

|Gal(Q[ξ1,· · · , ξn−1]/Q)|=n.

En effet, comme pour tout k, 2≤k≤n−1, on a ξk1k, alors Q[ξ1,· · ·, ξn−1] =Q[ξ1] et le polynôme minimal dans Qde ξ1 est P.

Nous allons à présent nous intéresser à une autre extension associée aux racines primitives.

Définition 44 On appelle polynôme cyclotomique d’indice n sur Q, le polynôme de C[X] (ou de Q[ξ1,· · · , ξn−1][X])

Φn= Y

ξ∈UnP r

(X−ξ).

Par exemple si nest premier, alors Unpr=Un−1 et donc Φn= (X−ξ1)· · ·(X−ξn−1) = Xn−1

X−1 =Xn−1+Xn−2+· · ·+X+ 1.

6.5. DES EXTENSIONS GALOISIENNES DEQ: LES CORPS CYCLOTOMIQUES 87 Nous voyons sur cet exemple que, sin est premier, alors

Xn−1 = (X−1)Φn(X).

Cette identité admet une généralisation pourn quelconque.

Proposition 59 Pour tout entiern≥1, on a

Xn−1 =Y

d|n

Φd(X)

où d|nveut dire que d est un diviseur den.

Démonstration.En effet, on a

Xn−1 = (X−1)(X−ξ1)· · ·(X−ξn−1) = (X−ξ1)· · ·(X−ξn−1)(X−ξn)

avecξn= 1. Soitξ une racine primitive n-ième de1. Alors les racines de l’unté sont ξ, ξ2,· · · , ξn et on a Xn−1 = Y

k=1,···,n

(X−ξk).

Pour tout entierk= 1,· · ·, n, il existe un diviseur dde net un entierr premier avec dtels que P P CM(k, n) =kd=nr.

AinsiX−ξk=X−ξndr oùdest un diviseur de n.On peut donc écrire Xn−1 =Y

d|n

Y

r=1,···n,P GCD(r,d)=1

(X−ξndr).

Mais si d divise n, on a ξndd = 1 et donc ξnd est une racine d-ième de l’unité. Comme ξ est une racine primitiven-ième, ξnd est une racine primitived-ième et donc

Φd(X) = (X−ξnd)(X−(ξnd)2)· · ·(X−(ξnd)d).

On en déduit

Xn−1 =Y

d|n

Φd(X).

Remarque. Nous avons défini Φn comme le polynôme dont les racines sont simples et données par les racines primitivesn-ième de1. Au cours de la démonstration ci-dessus nous avons vu queQn pouvait être défini à partir d’une racine primitive quelconque ξ par

Φn= Y

r=1,···,n,P GCD(r,n)=1

(X−ξk).

Proposition 60 Tout polynôme cyclotomique sur Qest à coefficients dans Zet irréductible sur Q.

88 CHAPITRE 6. EXTENSIONS GALOISIENNES Démonstration. Montrons par récurrence surnqueΦn∈Z[X]. Sin= 1, alors

Φ1=X−1∈Z[X].

Supposons que pour tout entier k,2≤k≤n−1, le polynômeΦk soit dans Z[X]. Nous avons vu que Xn−1 =Y

d|n

Φd(X).

Nous pouvons écrire cette identité sous la forme Xn−1 = ( Y

d|n,d6=n

Φd(X))Φn.

Ceci montre queΦn est obtenu par division euclidienne des polynômesXn−1 et( Y

d|n,d6=n

Φd(X)). Comme par hypothèse ces deux polynômes sont dansZ[X], le quotientΦnest un polynôme deQ[X]. Mais ces deux polynômes sont aussi unitaires. AinsiΦn, obtenu par division, est à coefficients entiers.

Montrons queΦnest irréductible surQ.Soitξune racine nième de l’unité et soitPξ∈Q[X]le polynôme minimal de ξ. CommeΦn admetξ comme racine, Pξ divise Φn. Il existe donc un ensembleI d’entiers plus petit ou égal àn tels que

Pξ =Y

k∈I

(X−ξk).

En effet, nous avons vu que si ξ est une racine primitive n-ième de 1, alors toute racine primitive n-ième de 1 est une puissanceξk de cette racine aveck premier avecnet que

Φn= Y

k premier avec n

(X−ξk).

Plus précisément, ces racines primitives peuvent être obtenues en considérant toutes les puissancesξklorsque kest premier et ne divise pasn. Soitkun tel entier. Montrons que pour cet entier,Pξk) = 0.On sait que Pξ divise Xn−1. Posons

Xn−1 =PξR

avecR∈Q[X]. Comme les polynômesXn−1etPξappartiennent àZ[X]est sont unitaires, alorsR ∈Z[X].

Il est clair que ξk est aussi racine deXn−1. Ainsi

k)n−1 = 0 =Pξk)R(ξk).

Supposons Pξk)6= 0.AlorsR(ξk) = 0.Soitρk le polynôme deQ[X]défini par ρk=Xk.

AlorsR1=R(ρ) vérifie R1(ξ) =R(ξk) = 0.DoncPξ diviseR1 dansQ[X]. On a donc R1 =PξR2.

Mais Pξ et R1 sont dans Z[X] et unitaires. On en déduit que R2 ∈ Z[X]. Réduisons modulo k l’égalité précédente et notons, pour un polynôme P ∈ Z[X], parP le polynôme correspondant dans Z/kZ[X]. On obtient :

R1 =PξR2.

6.5. DES EXTENSIONS GALOISIENNES DEQ: LES CORPS CYCLOTOMIQUES 89 MaisR1=R(ρk). On en déduit

R1= (R)k.

On en déduit que tout facteur irréductibleP1 de Pξ divise(R)k et donc diviseR dansZ/kZ[X]. Or Xn−1 =PξR

dansQ[X]. On en déduit

Xn−¯1 =PξR

dans Z/kZ[X]. Ainsi (P1)2 est un facteur de Xn−1 dansZ/kZ[X]. Mais le théorème de Bezout montre queXn−1 et sa dérivée formellenXn−1 sont premier entre eux. En effet on a

nXn−1(n−1X)−(Xn−¯1) = ¯1.

DoncP1 ne peut être facteur d’ordre2deXn−¯1et donc l’hypothèsePξk)6= 0mène à une contradiction.

Ainsi pour tout kpremier ne divisant pasn,

Pξk) = 0.

Ainsi toutes les racines primitives sont racines de Pξ et donc Pξ est de degré supérieur ou égal à ϕ(n) le nombre de racines primitives. OrPξ divise Φn qui est de degréϕ(n). Donc

Φn=Pξ. CommePξ est irréductible sur Q, il en est de même de Φn.

Définition 45 Soitnun entier positif. On appelle corps cyclotomiqueCn, le corps de décomposition du polynôme cyclotomiqueΦn.

Si ξ est une racine primitive n-ième de l’unité, alors son polynôme minimal coïncide avec le polynôme cyclotomique Φn. Or toutes les racines de P hin sont des puissance de ξ. On en déduit que le corps de décomposition de /P hin est égale à l’extensionQ[ξ]de Q. Ainsi

Cn=Q[ξ].

CommeΦn est séparable et ses racines sont distinctes, alors l’extension Q⊂Cn

est galoisienne et on a

|Gal(Cn, /Q)|=φ(n).

Proposition 61 Soitn un entier positif. Alors l’extension de Q Q⊂Cn

par le corps cyclotomique d’indicen est galoisienne. De plus son groupe de Galois est abélien.

90 CHAPITRE 6. EXTENSIONS GALOISIENNES Démonstration. Il nous reste à prouver que le groupe de Galois de cette extension est abélien. Si λ ∈ Gal(Cn/Q), alors comme Cn = Q[ξ], l’image de ξ par λest une racine de Φ et il existe k tel que λ(ξ)ξk avec kpremier avec n. Notons cet élément du groupe de Galois parλk. On définit ainsi une application

λk→k

du groupe de Galois dans l’ensemble des entiers inférieurs ànet premier avecn. Or cet ensemble correspond à l’ensemble des éléments inversibles de Z/nZ. On définit ainsi un isomorphisme du groupe de Galois sur le groupe des inversibles deZ/nZ. Il est abélien.

6.6. EXERCICES 91

6.6 EXERCICES

Exercice 1. Montrer que toute extension de degré2d’un corps lk est normale.

Exercice 2. Soit le polynôme P = X3 −2.Montrer que le corps de décomposition DQ(P) de P est une extension normale deQ. SoitK=Q(√3

2). Montrer queDQ(P) est une extension normale surK. Est-ce que Kest une extension normale sur Q?

Exercice 3. On considère sur Q le polynôme P1 = X2 −2. Montrer que son corps de décomposition K1 est une extension normale de Q. Soit P2 ∈ K1[X] le polynôme X2 −√

2. Montrer que son corps de décompositionK2 surK1 est une extension normale surK1. Est-ce queK2 est une extension normale deQ. Exercice 4.Soit lk⊂lk1 ⊂Kune tour d’extension telle que K soit une extension normale delk. Montrer quelk1 est une extension normale delk si et seulement si tout élémentϕ∈Gal(K/lk)vérifie ϕ(lk1) =lk1. Exercice 5. Soit le polynôme X4 −5 de Q[X]. Déterminer son groupe de Galois. Déterminer tous les sous-groupes de ce groupe.

Exercice 6.Soit Φn le polynôme cyclotomique d’indice n surQ. Déterminer son corps de décomposition et son groupe de Galois.

92 CHAPITRE 6. EXTENSIONS GALOISIENNES

Chapitre 7

Le théorème de Galois

Ce chapitre est la partie fondamentale de ce cours. On y donne le célèbre théorème de Galois montrant qu’une équation polynômiale générale de degré5ou plus ne peut être résolue par la méthode classique des radicaux utilisées pour les degrés2,3 ou 4.

Rappelons que tous les corps considérés sont commutatifs, et lorsque nous parlons de corps, celui-ci est commutatif. Nous supposerons de plus, dans tout ce chapitre, que les corps considérés sont de caractéristique 0.

7.1 Extension d’un corps par radicaux

7.1.1 Définition

Définition 46 Soit lk ⊂ K une extension de lk. On dit que c’est une extension par radicaux s’il existe une tour d’extensions simples

lk=K0 ⊂K1⊂K2 ⊂ · · · ⊂Kl=K telle que pour i= 1,· · ·, l on ait

Ki+1 =Kii] avec αi ∈Ki+1 et il existe un entierni tel que αnii ∈Ki.

On en déduit queKi=lk[α1,· · · , αi]et en particulierKest une extension de degré finiK=lk[α1,· · ·, αl].

Considérons par exemple le polynômeP =X3−2∈Q[X]. Nous avons vu au chapitre précédent que son corps de décompositionK=DQ(P)était une extension galoisienne deQpour laquelle nous avions déterminé tous les sous-corps intermédiaires. Nous avons en particulier la tour d’extension

Q⊂Q[j]⊂Q[j, 3

2] =K.

Comme j3 = 1 ∈ Q et (√3

2)3 = 2 ∈ Q[j], on en déduit que cette extension est une extension de Q par radicaux. Nous avons vu dans cet exemple que le groupe de Galois était isomorphe au groupe symétrique

93

94 CHAPITRE 7. LE THÉORÈME DE GALOIS P

3. Ce groupe a une propriété particulière qui va jouer un rôle essentiel dans la suite, il est résoluble. Avant de poursuivre, faisons un bref rappel sur cette notion.