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CHAPITRE I : ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE

3. L’ingénierie tissulaire du ligament

3.1. Les matériaux des matrices de régénération

3.1.3. Polymères synthétiques biorésorbables

L’intérêt des polymères synthétiques biorésorbables réside dans la grande liberté de développement qu’ils offrent. Il est en effet possible de moduler leurs propriétés en jouant sur leur composition chimique et leur structure, par exemple en choisissant une masse molaire ou une cristallinité particulières ou en associant deux polymères aux caractéristiques différentes. D’autre part, ces polymères sont pour la plupart peu coûteux, peuvent être produits en grande quantité de manière industrielle et sont des polymères thermoplastiques, ce qui rend leur mise en forme aisée et permet le développement d’une grande variété de structures différentes.

Dans cette catégorie de matériaux, les polymères les plus utilisés dans l’ingénierie tissulaire du ligament sont tout simplement ceux qui sont les plus populaires dans les applications biomédicales temporaires, c’est-à-dire les polyesters aliphatiques comme le PLA, le PGA et la PCL, que ce soit sous forme d’homopolymères ou de copolymères (Tableau I–

5).

Le PLA est le plus répandu des polymères dégradables dans des applications biomédicales et la régénération ligamentaire ne déroge pas à la règle. L’une de ses particularités réside dans sa stéréochimie qui offre la possibilité de faire varier sa cristallinité et par conséquent ses propriétés mécaniques et sa cinétique de dégradation. Le groupe dirigé par Laurencin (Charlottesville – Etats-Unis) a par exemple fourni les principaux travaux avec le PLA [152-155]. Des architectures textiles ont en effet été développées à partir de fibres de PLLA (ou PLA100) commerciales et éventuellement de dépôt de fibronectine. Les matrices obtenues ont non seulement montré une très bonne biocompatibilité avec des fibroblastes primaires qui ont proliféré, adopté une morphologie normale, sécrété de la MEC et exprimé certains gènes (collagène, fibronectine) mais étaient aussi dotées de propriétés mécaniques approchant celles du LCA. La matrice privilégiée par les auteurs [153] présentait cependant des valeurs de module d’Young et de contrainte de rupture élevées (82 MPa et 740 MPa respectivement). Il serait intéressant d’étudier l’évolution de ces propriétés au fur et à mesure de la dégradation de la structure et de vérifier que ces valeurs initiales élevées ne risquent pas de causer de phénomène de stress shielding. Les résultats des différents travaux de Laurencin et al. ont par ailleurs conduit à la création en 2008 de la société Soft Tissue Regeneration et une prothèse ligamentaire biorésorbable, le L-C Ligament®, est actuellement évalué dans le cadre d’essais cliniques chez l’homme.

De nombreuses autres études ont été menées sur des structures en PLA [156-162], la plupart reposant également sur une mise en forme textile à partir de fibres ou de microfibres (obtenues par exemple par electrospinning). Certaines d’entre elles ont mis en évidence les différences qui résultaient des variations de cristallinité du PLA. Le PLLA est par exemple moins favorable à l’adhésion et à la prolifération cellulaire que le PDLLA, sa cristallinité plus importante lui conférant un caractère hydrophobe plus prononcé comme le montrent les mesures d’angle de contact [156]. En revanche, la présence de blocs cristallins de PLLA au sein d’un copolymère de PLLA et PDLLA et par conséquent de zones plus hydrophobes permet de ralentir la dégradation du matériau et la perte de ses propriétés mécaniques en comparaison avec un PDLLA classique [160].

Les deux autres polymères biorésorbables très courants dans le domaine de la santé que sont la PCL et le PGA ont également fait l’objet de recherches pour des applications ligamentaires. Comme le PLA, c’est souvent sous une mise en forme textile qu’ils sont employés dans ce domaine. Ils sont en revanche beaucoup moins utilisés que ce dernier sous forme d’homopolymère en raison de leurs propriétés moins adaptables. On estime par exemple le temps de dégradation du PGA entre 6 et 12 mois contre 12 à 24 mois pour le PLA. De plus, si le risque de stress shielding peut déjà survenir avec le PLA, le problème est exacerbé avec le PGA qui possède des propriétés mécaniques encore plus élevées, notamment le module d’Young qui peut dépasser 6,9 GPa [163]. Le PGA est donc actuellement très peu exploité dans les applications ligamentaires malgré sa bonne biocompatibilité [152, 156, 164, 165]. La PCL pourrait en revanche être un bon candidat puisqu’elle est moins rigide que le PLA et possède un domaine d’élasticité plus étendu, sa cinétique de dégradation est également plus lente, en partie grâce à sa nature très cristalline [108, 163]. Malgré cela, les exemples restent rares [144, 145, 156, 158, 165, 166].

En revanche, il existe de nombreuses études effectuées sur des copolymères de PLA, PGA et PCL, notamment les ε-caprolactone) (PLCL) et poly(lactide-co-glycolide). Cette stratégie permet de combiner les qualités de plusieurs polymères et d’obtenir des caractéristiques intermédiaires. Le PLCL est surtout employé par l’une des rares équipes françaises (LEMTA - Nancy) travaillant sur l’ingénierie tissulaire du ligament [129, 132]. L’association du PLA et de la PCL a permis d’obtenir des structures textiles dotées de propriétés mécaniques de l’ordre de 150 à 200 MPa, c’est-à-dire proches de celles d’un LCA humain. Ce copolymère semble également constituer un bon support de culture cellulaire [129, 167]. Néanmoins, l’utilisation de ces matrices est encore limitée par leurs forces de rupture relativement faibles.

Des matrices textiles de PLGA ont également été développées par Laurencin et al. qui leur ont préféré le PLA et ses meilleures propriétés mécaniques et de cytocompatibilité [152, 168]. Le PLGA textile utilisé seul ne semble en effet pas adapté à la culture cellulaire [169, 170]. Dans la plupart des autres travaux, le PLGA est employé sous forme de textile dans des structures hybrides où il est associé à d’autres types de produits (soie, collagène) et de mise en forme (microéponge, electrospinning) [129, 143, 156, 171, 172].

On peut également mentionner l’utilisation d’autres polymères dégradables comme la polydioxanone qui perd rapidement ses propriétés mécaniques pendant la dégradation [151, 173], deux polymères développés par Kohn et al., le poly(DTD DD) [174] et le poly(DTE carbonate) dont les propriétés mécaniques sont supérieures à celles du PLLA et préservées plus longtemps après dégradation dans du PBS [108, 175], ou encore de poly(éthylène glycol diacrylate) utilisé sous forme d’hydrogel pour améliorer les propriétés viscoélastiques d’une matrice textile de PLA.

En conclusion, de nombreux choix s’offrent aux chercheurs pour le développement de matrices ligamentaires en particulier parmi les polymères, qu’ils soient synthétiques ou d’origine naturelle. Toute la difficulté dans le choix du matériau réside dans le besoin d’avoir à la fois des propriétés mécaniques semblables à celles d’un ligament natif, une biocompatibilité suffisante pour que les cellules adhérent et puissent régénérer les tissus et une cinétique de dégradation adaptée à la régénération tissulaire. Dans cette optique, les résultats les plus prometteurs semblent aujourd’hui être issus des travaux sur la soie et le PLLA. Cependant, ces résultats et particulièrement les propriétés mécaniques dépendent fortement de la mise en forme de la matrice. Les mises en forme existantes sont le sujet de la prochaine section.

3.2. Les architectures des matrices de régénération