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Il est notable que cet angle ne dépend pas du rayon des grains, comme constaté ex- périmentalement. Dans le cadre de nos expériences, contrairement aux approches précé- dentes [BWR87, SMN+06], l’angle de contact est mesuré directement sur les grains utilisés

(paragraphe 4.2.1). En outre, les grains sont amenés en contact avec le liquide hors de tout confinement. Ce protocole expérimental permet de détecter l’imprégnation dès qu’elle a lieu à l’échelle d’une seule couche de grains, augmentant grandement la précision de la mesure de l’angle de contact critique. Expérimentalement, une déviation apparaît lorsque R est supérieur à 100 μm, mettant en évidence l’effet de la gravité négligé dans le modèle. Toutefois, les angles de contact critiques que l’on mesure (voir tableau 4.8) sont proches de la valeur théorique θ⋆

0, quoique toujours un peu supérieurs.

Différentes hypothèses peuvent être proposées pour expliquer cet écart petit (mais systé- matique) :

– L’imprégnation est repérée par le détachement du premier grain. Si l’angle critique réel θ⋆ diffère localement de θ

0, il n’est possible de mesurer expérimentalement que

le plus grand des angles critiques sur tout le tas.

– Il est clair dans la figure 4.4(c) que le diamètre des grains n’est pas parfaitement fixé. Une petite polydispersité subsiste donc, ce qui correspond aux déviations standards indiquées dans le tableau 4.8. Des grains de tailles différentes altèrent la géométrie dans le tas, ce qui peut changer la valeur de l’angle critique θ⋆. Cet effet est discuté

plus en détail dans la section suivante, où un cas élémentaire de polydispersité est étudié.

– L’interface liquide-air a été supposée plane, ce qui n’est plus le cas si la différence de pression lorsqu’on la traverse n’est pas négligeable. L’interface courbée qui apparait alors modifie l’imprégnation, et la section 4.4 décrit cet effet dans le cas d’un tas de grains d’épaisseur comparable à la longueur capillaire.

– Le calcul de la valeur de θ⋆

0 repose sur un empilement compact de grains sphériques.

Comme présenté dans la partie 4.5, si la compacité de la pile est inférieure, ou si les particules ne sont pas parfaitement sphériques, des défauts dans l’empilement apparaissent, perturbant la transition d’imprégnation.

4.3

Polydispersité

4.3.1

Exemple élémentaire de polydispersité

Il existe une certaine dispersion dans le rayon des billes, bien visible sur la figure 4.4(c). Bán et al. ont prédit théoriquement que l’imprégnation devrait être facilitée dans le cas polydisperse (ce qui revient à dire que θ⋆ devrait être plus élevé), sans toutefois réussir à

le mettre en évidence expérimentalement [BWR87]. Plutôt que d’étudier le cas complexe d’une poudre polydisperse où toutes sortes de taille coexistent, intéressons-nous à deux tas élémentaires : un grain de rayon plus petit (figure 4.12(a)) ou plus grand (figure 4.12(b)) que ses voisins est placé dans la situation critique où se produit tout juste l’imprégnation. La position critique de l’interface, tangente au grain supérieur, dépend directement de la taille de celui-ci et diffère du cas monodisperse (en pointillés). Dans le premier cas, l’angle critique θ⋆ aura augmenté, rendant l’imprégnation plus facile, alors qu’il sera au contraire

plus faible dans le second. Dans le cas plus général d’une poudre bidisperse, ces deux états coexistent. Ainsi, si l’on veut être certain que l’on va imprégner cette poudre, l’angle de contact du liquide doit être inférieur à l’angle critique pour imprégner le tas (b). Toutefois,

108 CHAPITRE 4. CONDITIONS D’IMPRÉGNATION D’UNE POUDRE

(a) θ⋆> θ

0 (b) θ⋆< θ0⋆

Figure4.12 – Effet qualitatif de la polydispersité sur l’angle de contact critique. Suivant la différence de taille entre le grain supérieur et ceux de la couche sous-jacente, l’angle critique θ⋆ augmente (a) ou diminue (b) par rapport au cas monodisperse (en pointillés).

cette condition est trop contraignante : en effet, un liquide parvenant à imprégner le tas (a) peut réussir par percolation à envahir toute la poudre, facilitant ainsi l’imprégnation par rapport au cas monodisperse, ce qui revient à dire que θ⋆ > θ

0. De plus, cette dernière

situation étant la situation la plus favorable à l’imprégnation, elle doit diriger le chemin emprunté par le liquide dans le cas général d’une poudre polydisperse.

4.3.2

Dispositif expérimental

(a) (b) θ = 48◦± 5(c) θ = 36± 5

Figure4.13 – (a) Protocole pour les expériences bidisperses (b) Pour un angle de contact élevé (θ > θ⋆), les billes de rayon R

2 = 256 ± 13 μm restent au dessus de la monocouche

de billes de rayon R1 = 52 ± 2 μm. (c) Même expérience, mais sur un bain dont l’angle de

contact est plus faible (θ < θ⋆). Les billes R

2 traversent partiellement la monocouche, et

seuls leurs pôles supérieurs restent visibles.

4.3. POLYDISPERSITÉ 109

tèmes à deux couches, chacune formée par des billes d’une taille donnée. Des combinaisons des rayons présentés dans le tableau de la figure 4.8 sont utilisées pour obtenir divers rap- ports r = R1/R2, variant de 0.2 à 2.5. En pratique, une monocouche de billes de rayon R1

est d’abord déposée à la surface du bain (dont l’angle de contact est θ) ; dans le cas où le liquide est mouillant pour une poudre monodisperse, θ < θ⋆

0, on peut ajouter un léger excès

de grains pour s’assurer d’avoir une monocouche compacte. Puis, nous déposons une par une des billes de rayon R2 (figure 4.13(a)), le plus délicatement possible. En fonction de θ,

on observe deux régimes. Si θ > θ⋆, la bille de rayon R

2 reste au dessus de la monocouche,

et il n’y a pas d’imprégnation (figure 4.13(b)). A l’opposé, si θ < θ⋆, le grain de rayon R 2

entre en contact avec le liquide, et traverse partiellement la monocouche (figure 4.13(c)). Quelques billes de rayon R1 se détachent alors de l’interface et coulent dans le bain tandis

que seul le pôle supérieur de la sphère fraichement ajoutée reste sec. L’angle de contact critique θ⋆ est mesuré en fonction de r et les résultats sont tracés sur la figure 4.14. Le

comportement qualitatif décrit précédemment est effectivement observé : l’imprégnation est plus facile (r > 1) ou plus difficile (r < 1) en fonction de l’empilement élémentaire étudié. De plus, θ⋆ est très sensible à la bidispersité de ces tas élémentaires puisqu’il varie

de θ⋆ = 36◦ pour r = 0.2 à θ⋆ = 62◦ pour r = 2. 0 0,5 1 1,5 2 2,5 3 0 10 20 30 40 50 60 70

r

θ

(

)

impr´egnation spontann´ee poudre s`eche

Figure 4.14 – Diagramme de phase de l’imprégnation d’une poudre bidisperse, en terme d’angle de contact θ et de rapport r = R1

R2 des rayons des grains. Les points correspondent aux mesures de l’angle critique θ⋆, et la courbe noire représente l’équation (4.17). Plus r

est petit, plus la poudre s’imprègne facilement.

4.3.3

Modélisation

La détermination théorique de l’angle critique est similaire au cas monodisperse, en adaptant le modèle présenté en 4.2.3 pour la géométrie bidisperse (figure 4.15). L’équa- tion (4.8) s’écrit maintenant pour la couche inférieure :

110 CHAPITRE 4. CONDITIONS D’IMPRÉGNATION D’UNE POUDRE

Figure 4.15 – Cas limite d’imprégnation pour un tas bidisperse. Les pointillés noirs in- diquent la position des autres grains de la couche inférieure, hors du plan de la figure.

L’équation (4.9) s’écrit maintenant :

R2+ δ = (R1 + R2) cos α, (4.15)

avec α donné par :

sin α = √2 3

R1

R1+ R2

. (4.16)

En utilisant ces trois équations, on détermine la valeur de l’angle de contact critique θ⋆, en

fonction du rapport r = R1 R2 < 1 : cos θ⋆ = q 1 + 2r −r2 3 − 1 r . (4.17)

Lorsque le grain supérieur devient grand devant la couche inférieure (r → 0), l’angle critique tend vers 0◦. Il est remarquable que cette équation reste inchangée quand la bille

supérieure est la plus petite (r > 1) et qu’elle reste valide tant que la bille supérieure est suffisamment grande pour être soutenue par les billes sous-jacentes, ce qui est possible tant que r < 3 + 2√3. Dans le cas monodisperse (r → 1), l’équation (4.17) donne le même résultat que l’équation (4.13). On peut développer cette équation pour une faible polydispersité, ce qui donne au premier ordre en (r − 1) :

cos θ⋆ = cos θ⋆0+ (1 −

6

2 )(r − 1). (4.18) Le nombre 1 − √6

2 étant négatif, θ⋆ augmente avec r et devient supérieur à θ⋆0 pour de

petites sphères posées sur des plus grandes (r > 1).

L’équation (4.17) est également tracée sur la figure 4.14, et la comparaison avec les résultats expérimentaux est plutôt bonne. Toutefois, il semble que l’on sous-estime une fois