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encore l’angle de contact critique, ce qui peut être dû à des défauts dans l’empilement (voir section 4.5). Dans tous les cas, cette expérience met en évidence le rôle critique que joue la géométrie dans l’imprégnation d’un tas de grains. Pour revenir aux expériences "mo- nodisperses" précédentes (section 4.2), la (faible) polydispersité des grains utilisés modifie donc l’angle de contact critique. La dispersion de rayons (tableau 4.8) donne un rapport de rayons qui vaut typiquement r ≈ 1.1. A l’aide de l’équation (4.17), on en déduit un angle de contact critique θ⋆ ≈ 52◦, légèrement plus proche de la valeur mesurée expérimentalement :

la polydispersité des poudres utilisées peut expliquer une partie de la différence constatée entre données expérimentales du tableau 4.8 et valeur théorique θ⋆

0 de l’équation (4.13).

4.4

Forçage hydrostatique

4.4.1

Observations expérimentales

Dans les expériences précédentes de la partie 4.2, nous préparons le tas initialement sec pour qu’il soit aussi fin que possible (typiquement quelques couches de grains). Toutefois, si les grains sont trop gros, ou si on augmente l’épaisseur h, cette dernière peut devenir com- parable à la longueur capillaire a et l’on s’attend alors à observer des effets de la pression hydrostatique dans le fluide : la forme de l’interface liquide-air entre les billes est modifiée, ainsi que la condition limite pour l’imprégnation.

L’expérience présentée à la figure 4.16 illustre cet effet de l’épaisseur de la pile. Sur une monocouche monodisperse placée à la surface d’un bain qui ne l’imprègne pas (θ > θ⋆

0),

nous ajoutons progressivement des grains pour augmenter l’épaisseur du tas. En dessous d’une épaisseur seuil h⋆, le tas reste sec (figure 4.16(a)). Puis, lorsque l’épaisseur dépasse

h⋆, des grains se détachent (figure 4.16(c)). Si le tas est épais (h > h), le détachement des

grains réduit donc son épaisseur jusqu’à ce que h = h⋆. En pratique, ce retour nécessite

beaucoup de temps (de l’ordre de l’heure). Pour mesurer h⋆, il est donc préférable de re-

lever l’épaisseur à laquelle les premiers grains commencent à tomber (figure 4.16(b)). La référence h = 0 correspond au point le plus bas du ménisque du bain, juste avant que des grains ne soient ajoutés.

(a) h < h⋆ (b) h = h(c) h > h

Figure4.16 – Imprégnation forcée pour un angle de contact de θ = 80± 5◦, en changeant

l’épaisseur du tas de grains h. Lorsque h dépasse une valeur critique h⋆, l’impregnation du

112 CHAPITRE 4. CONDITIONS D’IMPRÉGNATION D’UNE POUDRE 50 55 60 65 70 75 80 0 2 4 6 8 10 impr´egnation spontann´ee poudre s`eche

θ

(

)

h

(m

m

)

Figure4.17 – Diagramme de phase : épaisseur de grains h en fonction de l’angle de contact θ. Les points correspondent aux mesures de la hauteur critique h⋆ en fonction de l’angle

de contact θ (> θ⋆

0), pour des billes de verre dont le rayon est R = 52 μm. Une régression

linéaire est tracée, de pente 30 mm/rad.

Les résultats font l’objet de la figure 4.17, sous forme d’un diagramme (θ,h) où les valeurs h⋆ indiquent la limite entre l’état "sec" et l’état "imprégné". Pour un tas d’épaisseur

h donnée, l’imprégnation n’a lieu que si θ est en dessous d’une valeur critique θ⋆, qui

augmente avec h. Les deux domaines sont séparés par une droite de pente 30 mm/s pour R = 52 μm.

4.4.2

Un peu de théorie

Présentons maintenant un modèle pour θ⋆, dans le cas général où il existe une différence

de pression ∆P entre l’air et le liquide. Que cette pression provienne de l’épaisseur du tas ou non, l’interface est courbée entre les grains, comme l’illustre la figure 4.18. La différence de pression ∆P est compensée par la pression de Laplace associée à cette courbure. Le rayon de courbure du ménisque à l’équilibre est donné par γ/∆P (où γ est la tension de surface du liquide). Le signe de cette courbure est le signe de la différence de pression : une plus grande pression dans le liquide facilite l’imprégnation, en élevant le point le plus haut du ménisque (figure 4.18). L’expression de δ change, mais l’équation (4.9) reste valable. En appelant β l’angle entre la tangente du ménisque au point de contact et le plan équatorial, on obtient :

δ = R cos(θ − β) + ∆Pγ (1 − cos β). (4.19) La distance entre les deux bords du ménisque peut s’écrire soit en fonction de β et γ/∆P , soit en fonction de θ − β et R, ce qui donne :

γ

∆P sin β = R(1 − sin(θ − β)). (4.20) Pour expliciter β, considérons une situation où le rayon de courbure est grand devant le rayon des grains, c’est-à-dire R∆P /γ ≪ 1. Cela suppose également que le ménisque est

4.4. FORÇAGE HYDROSTATIQUE 113

(a) (b)

Figure 4.18 – (a) Cas limite pour un forçage de l’imprégnation par augmentation de pression. (b) Agrandissement sur l’interface liquide-air. Du fait de la courbure du ménisque, le liquide atteint la deuxième couche de grains, alors qu’il n’y aurait pas eu d’imprégnation sans surpression, pour un même angle de contact.

presque plat (β ≪ 1). On peut simplifier l’équation (4.20) à son premier ordre : β = R∆P

γ (1 − sin θ), (4.21) L’équation (4.19) devient alors :

δ

R = cos θ + R∆P

2γ cos

2θ. (4.22)

Comme démontré au chapitre 4.2.3, l’angle critique pour un ménisque plat est donné par cos θ⋆0 = δ/R. Avec un ménisque courbé, l’angle de contact critique pour l’imprégnation

est la solution θ⋆ de l’équation du second degré (4.22) en cos θ, ce qui donne à l’ordre

dominant :

cos θ⋆ = cos θ0 R∆P 2γ cos

2θ

0. (4.23)

Si la pression ∆P est négative, ce qui correspond à une pression supérieure dans l’air, il est plus facile de garder la poudre sèche (θ⋆ < θ

0) : le liquide doit alors mouiller davantage la

surface pour pouvoir entrer en contact avec la seconde couche de grains (et par conséquent imprégner le tas). A l’opposé, s’il y a une surpression, un liquide avec un angle de contact θ supérieur à θ⋆

0 peut imprégner le tas.

Dans le cas où le rayon des grains est comparable à la longueur capillaire, la cour- bure est fixée par un équilibre entre tension de surface, poids de la sphère et poussée d’Archimède. Son signe dépend de la somme de ces deux derniers : pour des sphères plus

114 CHAPITRE 4. CONDITIONS D’IMPRÉGNATION D’UNE POUDRE

denses que le liquide, la courbure est positive. De tels tas devraient être imprégnés par des angles de contact supérieurs à θ⋆

0, ce qui correspond effectivement à la tendance observée

expérimentalement avec les plus grandes sphères, dans le tableau 4.8.

4.4.3

Comparaison avec l’expérience

Comme l’illustre la figure 4.16, la surpression peut être imposée par l’hydrostatique, ce qui donne ∆P = ρgh. Selon l’équation (4.23), on devrait avoir une relation linéaire entre cos θ⋆ et la profondeur h du point le plus bas du tas. Un liquide d’angle de contact θ > θ⋆ 0

imprègne la poudre si h est supérieur à une valeur critique h⋆ donnée par :

h⋆ = 2a 2 R cos θ⋆ 0 − cos θ cos2θ⋆ 0 , (4.24) avec cos θ⋆ 0 = q 8 3 − 1 (équation 4.13) et a 2

∼ 3.1 mm2, valeur presque constante pour les valeurs de fraction volumique d’éthanol utilisées pour l’expérience (a2 = 3.2 mm2 pour

vf = 0.4, a2 = 3.0 mm2 pour vf = 0.6).

Comme prédit par l’équation (4.24), la hauteur critique normalisée par a2/R décroit

bien linéairement lorsqu’on augmente cos θ (figure 4.19). En revanche, la valeur expérimen- tale de la pente est −0.6, ce qui est un ordre de grandeur en dessous de celle prédite par le modèle, −2/ cos2θ

0 ≈ −5. Cet écart peut être dû à des erreurs non négligeables sur h⋆

et l’angle de contact, tous deux mesurés sur un domaine de cos θ réduit. Par ailleurs, nous n’avons tenu compte dans ce modèle que d’une seule courbure (cas à 2 dimensions). Dans le cas réel, il faudrait tenir compte de la forme plus complexe de la surface liquide, ce qui modifie l’expression (4.24). 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 0 0,025 0,050 0,075 0,100 0,125

cos θ

h

R

/

a

2

Figure 4.19 – Hauteur critique normalisée en fonction du cosinus de l’angle de contact critique, pour des billes de 52 μm de rayon, et régression linéaire des points expérimentaux.