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CHAPITRE 1 : CONTEXTE DE L’ETUDE

D. Contraintes d’origine anthropique

2. Pollution chimique

Les activités humaines sont également souvent à l‟origine du déversement de molécules dans le milieu aquatique soit directement, soit après percolation des eaux dans les sols ou par retombée de particules diffusées dans l‟air. Un agent polluant est une molécule pouvant exercer des influences perturbatrices sur l‟environnement. Si ces agents présentent des teneurs supérieures aux teneurs naturelles, on parle de contamination. Lorsque ces teneurs excessives sont à l‟origine des effets néfastes sur les organismes biologiques, les agents sont considérés comme toxiques (Van Coillie et Parent, 2011).

On distingue la pollution chronique, diffusée dans l‟environnement sur une longue période, de la pollution accidentelle, diffusée ponctuellement mais souvent avec une plus grande intensité.

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a) Propriétés des xénobiotiques dans l’eau, définitions

Figure 4 Sources et devenir des polluants dans les estuaires.

Le devenir des xénobiotiques dans l‟eau est régi par différents mécanismes, plus ou moins favorisés suivant leurs propriétés physico-chimiques (figure 4):

-la volatilisation : passage de l‟état dissous dans l‟eau à l‟état gazeux dans l‟atmosphère. Elle est décrite par la constante de Henry (Cste H en Pa.m3.mol-1). Plus cette constante est élevée, plus le polluant sera retrouvé dans l‟atmosphère. Cependant, cette valeur n‟étant calculée que pour des molécules en solution dans de l‟eau pure, elle ne représente qu‟une approximation de ce qui se passe en condition environnementale.

Activités industrielles Activités agricoles

Urbanisation

Bassin versant Bassin versant

Fleuve Compartiment atmosphérique Sediments Urbanisation Turbidité Sédimentation Précipitations dépots atmosphériques Emissions

Volatilisation des polluants Emissions

Volatilisation des polluants

Remise en suspension Activités agricoles Activités industrielles Accumulation et dégradation transport Infiltrations/ ruissellements Infiltrations/ ruissellements Infiltrations/ ruissellement s Infiltrations / ruisselleme nts Estuaire excrétion absorption Dégradation, spéciation, adsorption aux particules

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- la solubilité dans l‟eau : elle mesure la capacité de passage d‟une substance solide ou gazeuse à l‟état dissous dans l‟eau. Plus une substance est soluble dans l‟eau, plus elle sera entrainée par les précipitations par exemple. Les polluants organiques sont en général peu solubles dans l‟eau. Le coefficient de partage octanol-eau (Kow) permet de mesurer l‟affinité d‟une substance dans l‟eau (caractère hydrophile) ou dans les phases organiques non miscibles à l‟eau (caractère hydrophobe ou lipophile). Plus le Kow est fort, plus la substance est hydrophobe.

Ces paramètres déterminent le compartiment dans lequel les polluants vont être transférés et donc leur capacité à intégrer le compartiment biologique (biodisponibilité). -la sorption divisée en :

- l‟adsorption : passage d‟une substance de l‟état dissous dans l‟eau à l‟état fixé à la surface d‟une phase solide. Elle peut favoriser la dégradation ou la modification des composés en les mettant en contact avec d‟autres molécules ou microorganismes avec lesquels elle réagit,

-l‟absorption : ingestion ou intégration par les cellules ou organismes d‟une substance dissoute dans l‟eau.

Certains composés auront une affinité particulière pour la matière organique en suspension et les sédiments (mesuré par le coefficient de partage carbone organique-eau, Koc). Ils peuvent également avoir tendance à s‟accumuler dans les êtres vivants à une teneur supérieure à ce qu‟on retrouve dans l‟environnement c‟est-à-dire avoir un facteur de bioaccumulation élevé. La bioaccumulation d‟une substance dans un organisme peut se faire à partir de son milieu (eau, air, sol…) par bioconcentration et/ou à partir son alimentation par biotransfert. Lorsque la concentration de la substance augmente au long de la chaine trophique, la substance est dite bioamplifiée (biomagnification en anglais).

Dans l‟environnement, tous les polluants sont susceptibles de subir des transformations chimiques ou biologiques modifiant leurs propriétés physico-chimiques. Ils peuvent être dégradés ou métabolisés chimiquement ou biologiquement (c‟est alors la biotransformation). On retrouve les métaux chimiquement modifiés sous différentes espèces (oxydée, complexée…) après la spéciation alors que les polluants organiques sont biotransformés par les organismes vivants dans le milieu. Les métabolites (produits de dégradation) peuvent parfois s‟avérer plus toxiques que les molécules parentes et doivent

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donc être pris en compte comme polluants à part entière. Certaines molécules, comme beaucoup de métaux, ont la capacité de s‟ioniser (mesuré par leur constante de dissociation) et deviennent alors particulièrement solubles dans l‟eau. Au contraire, elles peuvent également se complexer avec d‟autres éléments comme la matière organique, devenir insolubles et se déposer dans les sédiments. La complexation peut aussi parfois limiter les capacités de précipitation d‟une molécule (passage de l‟état dissous à l‟état solide dans l‟eau) et favoriser sa solubilité. Par ailleurs, l‟eau entre en jeu dans les mécanismes d‟oxydoréduction (transfert d‟électrons d‟un réducteur à un oxydant). La solubilité dans l‟eau des composés dépend de leur état réduit ou oxydé. Un milieu oxygéné comme les eaux de surface est plutôt oxydant alors qu‟un milieu pauvre en dioxygène dissous comme les eaux proches des sédiments représente plutôt un milieu réducteur. Ainsi, une même molécule peut être présente à différents états et présenter des propriétés différentes de solubilité (et donc de biodisponibilité) en fonction de sa répartition dans la colonne d‟eau et de l‟oxygénation des eaux.

Au contraire, un polluant non biodégradable, se concentrant dans les sédiments, est dit rémanent. Sa désorption peut avoir lieu lors de la remise en suspension des sédiments et être la source d‟un pic de pollution ponctuel. La durée nécessaire pour que la teneur en une substance soit divisée par deux grâce aux mécanismes de transformation ou de dégradation par exemple est la demi-vie (t1/2).

b) Métaux

Les métaux sont des composés ayant une origine naturelle mais dont la concentration peut artificiellement augmenter suite à l‟activité humaine. La pollution métallique est très ancienne et provient d‟activités telles que les extractions minières, la production industrielle, l‟usage des piles et batteries, les peintures et colorants. Certains métaux peuvent également provenir de sources plus spécifiques comme le cadmium présent dans certains engrais phosphorés. Les métaux les plus toxiques pour l‟environnement sont le mercure, le cadmium, le zinc, le cuivre et le nickel. Cependant, d‟autres métaux comme le fer et le manganèse peuvent être utilisés comme traceurs et indicateurs des autres métaux (Bryan, 1971).

Ces dernières années la concentration en métaux a diminué dans les estuaires grâce à la mise en place de politiques environnementales mais une quantité significative peut encore être retrouvée dans les tissus de certains animaux (Dobson 2000 ; Harmens et al., 2007,2008 ; Maes et al., 2008).

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De plus, certains métaux ont une rémanence importante dans l‟écosystème. Ils ne sont pas biodégradables et se concentrent dans les sédiments. Ils sont absorbés par les organismes et on observe une bioamplification importante le long de la chaine trophique. Cette propriété a abouti à des catastrophes sanitaires sur des populations humaines comme au Japon lors de la catastrophe de Minamata (Ekinoa et al., 2007).

c) Les Hydrocarbures

Les hydrocarbures sont les produits pétroliers (pétroles bruts ou raffinés…) et des produits de base de la synthèse organique industrielle. Ils sont souvent la source d‟une pollution accidentelle par déversement direct dans les eaux, qui peut être très spectaculaire par son ampleur et ses effets sur les écosystèmes comme dans le cas de marées noires, par exemple. Ils font alors l‟objet d‟études spécifiques qui n‟entrent pas dans le cadre de cette étude.

Les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAPs) résultent de la combustion des hydrocarbures et de leurs dérivés. Ils sont parmi les seuls contaminants, avec les métaux, à avoir une source naturelle comme anthropique. Les feux de forêts, des fuites de nappes de pétroles… entrainent une présence naturelle de HAP dans les écosystèmes mais en très faible quantité. Au contraire, ces composes toxiques sont produits en quantité importantes par les activités humaines (moteurs automobiles, chauffages, industries…) ce qui rend la contamination par ces substances préoccupante. La contamination des milieux aquatiques par les HAP se fait donc majoritairement par voie atmosphérique, transfert air/eau et est souvent chronique. Ces molécules sont majoritairement hydrophobes et se fixent sur les particules organiques du milieu aquatique. Leur dispersion est donc très liée à la dynamique sédimentaire. Ils peuvent par exemple être remis en suspension lors d‟épisodes de brassage des sédiments, l‟estuaire lui-même devenant alors une source de pollution par les HAP.

Les HAP étant souvent émis sous forme de mélange, le suivi d‟un seul d‟entre eux permet d‟avoir une idée de l‟importance de la contamination des écosystèmes.

Les HAP peuvent également rentrer dans les réseaux trophiques et peuvent être métabolisés par certains organismes. Il peut alors arriver que les métabolites soient plus toxiques que les molécules initiales (Salas et Burchiel, 1998). Par exemple, le Benzo(a)pyrene (B(a)P) est considéré comme l‟un des HAP les plus toxiques notamment en raison de la toxicité de l‟un de ses métabolites : le Benzo(a)Pyrene-7,8-dihydrodiol-9,10-epoxyde (PBDE).

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d) Les polychlorobiphényles (PCB)

Les polychlorobiphényles (PCB) sont des composés organiques chlorés interdits depuis 1987. Du fait de leur très grande stabilité chimique, ils étaient notamment utilisés pour leurs propriétés isolantes dans les transformateurs électriques, peintures, vernis… La disparition de tous les produits en contenant a été programmée pour fin 2010 et aucun ne devrait être produit à l‟heure actuelle. Les sources urbaines et industrielles de PCBs sont donc minoritaires aujourd‟hui. Cependant, comme les HAP, les PCB sont hydrophobes et se fixent sur les particules. Ils sont donc largement présents dans les sédiments et de récentes études ont détecté des pics de PCB dans l‟eau, montrant ainsi l‟importance de l‟estuaire lui-même comme source de contamination par remise en suspension des sédiments (Lachambre et Fisson, 2007).

Cette famille comprend 209 molécules apparentées répartis en 2 classes : les PCB dioxine like (PCB-dl) qui agissent comme les dioxines en se fixant sur le récepteur aryle (Ah) et les PCB non dioxine like (PCB-ndl) qui ne se fixent pas sur ce récepteur (voir plus loin « mécanismes de toxicité ». Les PCB étant généralement émis sous forme de mélange, il n‟est pas nécessaire de suivre chaque congénère. 7 PCB (6 PCB-ndl et 1 PCB-dl) sont considérés comme des PCB indicateurs (PCBi) et sont utilisés pour le suivi de la pollution par les PCB.

e) Les pesticides, biocides, produits phytopharmaceutiques Les pesticides, biocides et autres produits phytopharmaceutiques ne constituent pas une classe en eux-mêmes par des caractéristiques structurales mais par leur utilisation humaine. En effet, ces produits sont conçus et utilisés dans le but d‟éliminer une certaine classe d‟êtres vivants dans un cadre particulier. Les pesticides regroupent par exemple les insecticides, les fongicides et les herbicides. Outre le fait que leur utilisation a un impact direct sur les écosystèmes locaux (perturbation des chaines trophiques…), ils peuvent se retrouver dans les cours d‟eau et les estuaires par ruissellements. Certains produits biocides sont aussi directement apportés au milieu marin lors du nettoyage des circuits de refroidissement des centrales nucléaires, ou dans le cas des organoétains utilisés dans les peintures antisalissure des coques des navires, par exemple.

Ils peuvent être minéraux (cuivre de la bouillie bordelaise par exemple) ou organiques. On distingue principalement 4 familles de pesticides organiques : les organochlorés, les organophosphorés, les organoazotés (triazine) et les carbamates.

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La toxicité de certains pesticides a conduit à une réglementation des usages. Par exemple, le DDT (dichlorodiphényltrichloroéthane), pesticide organochloré, fait partie des substances répertoriées comme cancérigène par l‟IARC (Agence internationale de recherche sur le cancer). Son utilisation a été interdite lors de la convention de Stockholm.

f) Contaminants émergents

Certaines substances pharmaceutiques se retrouvent également dans les eaux des estuaires comme l‟ibuprofène, le carbamazepine et le gemfibrozil (Thomas et Hilton, 2004). Beaucoup de molécules pharmaceutiques retrouvées comme contaminants des milieux aquatiques sont des perturbateurs endocriniens et posent un important problème écologique. En effet, la reproduction est essentielle au maintien d‟une espèce. Ces composés peuvent faire partie des classes déjà citées mais beaucoup sont des hormones de synthèses produites par les industries pharmaceutiques dont les plus étudiées sont le 17-beta-oestradiol, l‟oestrone et l‟éthinyloestradiol.

Le TBT (tributylétain) est un agent biocide utilisé dans les peintures antisalissures des navires. Son utilisation a été interdite mais le contrôle du respect de cette règlementation, notamment par les petits plaisanciers, est très difficile. Ce composé est connu pour entrainer notamment une masculinisation des femelles (Imposex) chez le bigorneau perceur Nucella

lapillus. La reproduction étant alors compromise on a assisté à une disparition de cette espèce

de zones fortement contaminées comme la rade de Brest (Huet et al., 2004).

Par ailleurs, une multitude de nouvelles sources de polluants émergent au fur et à mesure des avancées technologiques. Les effets toxiques des nanoparticules par exemple, définies comme des particules de taille inférieure à 100 nm de diamètre, sont de plus en plus étudiées.