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CHAPITRE 1 : CONTEXTE DE L’ETUDE

B. Biomarqueurs

Les paramètres mesurés chez une espèce sentinelle sont les biomarqueurs, définis comme, une variation biochimique, physiologique, comportementale qui peut être mesurée dans un tissu ou un échantillon de fluide corporel, ou au niveau de l‟organisme entier, et qui démontre l‟exposition et/ou les effets de cette exposition à un ou plusieurs xénobiotiques (et/ou radiations) (Depledge, 1993).

On distingue les biomarqueurs d‟exposition des biomarqueurs d‟effets. Les premiers permettent d‟attester que l‟organisme a été soumis à un xénobiotique et regroupent la détection et la mesure des métabolites du xénobiotique ou le produit d‟une interaction de ce xénobiotique avec une molécule cible. Les seconds incluent la mesure au niveau biochimique ou physiologique, ou autre, dans les tissus ou fluides biologiques, d‟une altération par rapport aux valeurs normales pouvant refléter une dégradation de l‟état de santé ou en être précurseur (Van der Oost et al., 2003; McCarty et al., 1991).

Beaucoup de paramètres peuvent être utilisés pour décrire les effets de l‟exposition à des xénobiotiques. Ce sont des marqueurs biologiques traduisant l‟impact du xénobiotique sur une fonction physiologique. Ils peuvent constituer de bons candidats en tant que biomarqueurs de défense ou de dommage. Les premiers sont des marqueurs de la mise en place de mécanismes relevant de la toxicocinétique (absorption, distribution, métabolisation, élimination) ou des défenses anti-oxydantes pouvant donc révéler l‟exposition de l‟individu à un xénobiotique. Les seconds correspondent à tous les paramètres mesurables induits par le polluant et traduisant biochimiquement ou physiologiquement ses effets ou l‟altération des fonctions physiologiques. Le tableau 3 recense les paramètres utilisés ou suggérés classiquement comme biomarqueurs.

71 Table 3 : Principaux paramètres utilisés ou proposés comme biomarqueurs

Marqueurs moléculaires

Marqueurs

cellulaires Marqueursau niveaux des organes

Marqueurs au niveau de l’organisme Distribution Métallothionéines B iomar q u eu rs d e d éfe n se

Métabolisme phase I CYP1A, EROD, CYTb5,

Métabolisme phase II GSTs, UDPGTs, métabolites fluorescents de la bile

Elimination, phase III MXR, P-gp

Stress oxydant

CAT, SOD, GPx, GR, non Ŕenzymatique antioxidant, GSH et GSSG MDA, TBARS B iomar q u eu rs d e d omm age s

Réponse corticotrope Cortisol circulant, 5HIAA/5-HT, DOPAC/DA

Métabolisme énergétique Glycémie, lactate, charge en adenylates, LDH CCO Rythme cardiaque, consommation en

oxygène

Indices de condition, vitesse de croissance

Genotoxicité COMET, micronoyaux, adduits de l‟ADN Tumeurs

Immunotoxicité Lysosyme, TNF, C3 Phagocytose,

Perturbateurs

endocriniens VTG Intersex, imposex

Neurotoxicité AChE comportement

CYP1A : cytochrome P4501A ; EROD : Ethoxyresorufin-O-deethylase ; CYTb5: cytochrome b5; GST:gluthation S transferase; UDPGT: Uridine Diphosphate Glucuronyltransferase ; MXR : multixenobiotic resistance ; P-gp : P-glycoprotéines ; CAT : catalase ; SOD : superoxyde dismutase ; GPx, gluthation peroxydase ; GR : gluthation reductase ; GSH/GSSG : gluthation reduit/oxydé ; MDA : malondialehyde ; TBARS : thiobarbituric acid reactive substances ; 5HIAA /-HT : Acide 5-hydroxyindolacétique/serotonine ; DOPAC/DA : 3,4-Dihydroxyphenylacetic acid/ dopamine ; LDH : lactate deshydrogenase ; TNF : tumor necrosis factor ; C3 : complexe 3 du système du complement ; VTG : vitellogenine ; AChE : acetylcholine esterase ; CCO : cytochrome C oxydase

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Cependant, si la démonstration de l‟induction de ces paramètres par les polluants a souvent été faite en conditions contrôlées (voir paragraphe effets sur les organismes), il est difficile à l‟inverse de caractériser la pollution de l‟environnement par leur mesure. En effet, de nombreuses perturbations de l‟environnement (facteurs confondants) sont susceptibles d‟entrainer une modification de ces paramètres et tous ne permettent donc pas d‟attester de l‟exposition à un polluant.

Van der Oost et al. (2003) ont proposé 6 critères d‟évaluation des forces et faiblesses des biomarqueurs candidats:

- la méthode de quantification du biomarqueur doit être fiable, relativement bon marché, et facile à mettre en œuvre

-la réponse du biomarqueur doit être sensible à l‟exposition et/ou à l‟effet d‟un polluant afin d‟être un paramètre précoce de détection

-les valeurs du biomarqueur en conditions normales doivent être connues afin de distinguer la variabilité naturelle (bruit de fond) de la réponse induite par le contaminant (signal)

- les impacts des facteurs confondants sur le biomarqueur doivent être établis

-les mécanismes sous-jacents de la relation entre l‟exposition au polluant et la réponse du biomarqueur (dose et temps de réponse) doivent être établis

- la signification toxicologique du biomarqueur, c‟est-à-dire les relations entre sa réponse et les impacts à long terme sur l‟organisme doivent être établies.

Par ailleurs, il est préférable que la mesure de ces biomarqueurs soit non invasive. Selon ces critères, il établit une évaluation de différents biomarqueurs et montre ainsi que les 2 plus performants, avec une note de 5/6, sont la mesure de l‟activité EROD et celle des métabolites dans la bile.

L‟activité EROD (ethoxyresorufine-O-deethylase) est catalysée par le cytochrome P4501A et sa mesure est couramment utilisée comme biomarqueur d‟exposition aux polluants (Burgeot et Menard, 2004). Ce test de l‟activité EROD est le premier biomarqueur à avoir fait l‟objet d‟une normalisation (norme XP Iso/TS 23893-2 décembre 2007).

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Par ailleurs, d‟autres biomarqueurs, non pris en considération dans la revue de Van der Oost et al. (2003) sont utilisés en suivi environnemental.

La mesure de l‟imposex est utilisée comme biomarqueur de la pollution au TBT sur les côtes européennes. En effet, suite à l‟interdiction de l‟utilisation de ce composé, le suivi de la contamination des eaux côtières au TBT a été mis en place. Il consiste en la mesure du développement des organes génitaux masculins chez les femelles de Nucella lapilus et notamment du stade de développement du canal défèrent par le VDSI (vas deferens sequence index) (Gibbs et al., 1987).

D‟autre part, l‟observation par une équipe de l‟INERIS de cas d‟intersex chez des goujons de la rivière Dore (France-63) a révélé la présence de perturbateurs endocriniens dans les eaux. En effet, 60% des goujons présentaient de l‟intersex en aval d‟une usine pharmaceutique contre 5% en amont. La découverte de ce phénomène a conduit les autorités locales et la direction de l‟usine à revoir le traitement des rejets des effluents de cette dernière (Sanchez et al., 2011).

Ces biomarqueurs macroscopiques présentent l‟avantage d‟être faciles à mettre en œuvre dans le cadre du suivi d‟un écosystème. Cependant, cette réponse est déjà tardive comparativement aux biomarqueurs moléculaires, de réponse beaucoup plus précoce. Afin de pallier aux biais de chaque biomarqueur potentiel, de plus en plus d‟études tendent à considérer un ensemble de biomarqueurs voire à constituer des indices de qualité à partir de ces marqueurs (« bioeffect assessment index » Broeg et al., 2005, « integrated biomarker index » Broeg et Lehtonen, 2006, « biomarker response index » Hagger et al., 2008). Des méthodes d‟analyse statistiques telles que les analyses en composantes principales (Evrard et

al, 2010a et b) ou les analyses de correspondance (Fonseca et al., 2011) permettent de mettre

en évidence les corrélations entre les réponses mesurées pour chaque biomarqueur étudié, les sites d‟études et leur profil de contamination.

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