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CHAPITRE 1 : CONTEXTE DE L’ETUDE

C. Mécanismes d’action et de réponse

1. Mécanisme général de la réponse au stress

a) Au niveau physiologique : L’axe corticotrope

En cas de stress, l‟organisme adopte une réponse médiée notamment au niveau hormonal afin de maintenir l‟équilibre (Selye, 1976). Chez les vertébrés, cette réponse au stress est décrite en trois phases (figure 8) : réponse primaire hormonale et notamment corticotrope, réponse secondaire métabolique (augmentation du rythme cardiaque, modification du métabolisme énergétique), et une réponse tertiaire pouvant impliquer différentes fonctions comme le système immunitaire ou la reproduction. Elle correspond donc au premier mécanisme de régulation des compromis entre survie et reproduction notamment dans l‟allocation des ressources énergétiques.

Les hormones corticostéroïdes, associées aux catécholamines (adrénaline et noradrénaline) sont les effecteurs de la réponse à court terme au stress. La sérotonine (5-HT) joue un rôle important dans la régulation de la production de cortisol, par l‟intermédiaire du cortisol releasing factor (CRF) ou de l‟adrenocorticotropine pituitaire (ACTH), et son précurseur pro-opiomelanocortine (POMC) (Bhattacharya, 2001).

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Di-Poï et al. (2007) ont montré chez le bar Dicentrarchus labrax une corrélation entre un stress social (densité de poissons dans les bacs) et un niveau élevé de cortisol circulant, et un rapport 5HIAA/5-HT élevé (ou 5HIAA est l‟acide 5-hydroxyindolacétique, métabolite de la sérotonine 5-HT). De même, on observe une augmentation de cortisol circulant en réponse à un stress de capture, thermique, hypoxique ou le pH (Portz et al, 2006).

Une exposition à court terme des poissons à une grande variété de contaminants tels que les métaux (Teles et al., 2005), les effluents d‟usine à papier (Teles et al., 2003), des PAH (Oliveira et al., 2007) ou des fractions solubles de pétroles (Thomas et Rice, 1987) peuvent entrainer une augmentation du taux de cortisol plasmatique. Gesto et al. (2009) ont montré une augmentation des ratios 5HIAA/5HT et DOPAC/DA (ou DOPAC est l‟acide 3,4-dihydroxyphenylacetic, métabolite de la dopamine DA) suite à une exposition au  -naphtoflavone après 72 heures d‟exposition.

Au contraire, une diminution de la concentration plasmatique en cortisol a été observée à très court terme en réponse à des expositions à des résines acides et au naphtalène (Teles et al., 2003), ou aux particules solubles du pétrole (Pacheco et Santos, 2001). Dans ces études, néanmoins la concentration plasmatique en cortisol augmente après 48 h ou 6 jours, respectivement, de même que les concentrations plasmatiques en glucose et en lactate, marquant une modification du métabolisme. Ce phénomène pourrait s‟expliquer par une perturbation directe du système endocrine par le polluant. Aprés un temps d‟acclimatation, une réponse au stress engendrée par la dérégulation de l‟homéostasie du poisson (mécanismes de détoxification,…) pourrait alors avoir lieu.

Par ailleurs, la capacité à augmenter le cortisol en réponse à un stress ponctuel (stress de capture) est utilisée comme un marqueur de la compétence physiologique. Hontela et al. (1995) ont montré, chez le grand brochet Esox lucius et la perchaude P. flavescens, que les individus ayant subi une contamination chronique environnementale à long terme présentent des faibles taux de cortisol plasmatique et une incapacité à répondre par une augmentation de ce cortisol plasmatique à un stress de capture. Cette incapacité est corrélée à des modifications histologiques (large noyau et larges espaces intercellulaires) des cellules stéroïdogéniques pituitaires. De plus, des résultats similaires ont été observés chez la salamandre Necturus

maculosus soumise à une pollution chronique dans plusieurs sites du fleuve St Laurent (PCB

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n‟entraine pas d‟augmentation du cortisol plasmatique chez la salamandre (Gendron et al 1997), ou chez l‟amphibien Bufo terrestris soumis à une pollution chronique de produits de combustion (Hopkins et al., 1999).

Ainsi, la pollution chronique pourrait être à l‟origine d‟un disfonctionnement du système de réponse au stress corticotrope, soit par une sur-stimulation et un épuisement de ce système à long terme, soit par une perturbation endocrine directe sur les différentes cellules et mécanismes impliquées (Hontela, 1998).

L‟augmentation des corticostéroïdes est à l‟origine d‟une cascade d‟effets secondaires métaboliques, comme une augmentation de la néoglucogenèse, du catabolisme des protéines, et de la lipolyse (Pankhurst, 2011). Des effets à long terme sur le rythme cardiaque, le système immunitaire ou l‟osmorégulation peuvent également apparaitre (Hontela, 1998). La réponse au stress peut être déclenchée directement par le polluant comme facteur de stress ou indirectement, lorsque le polluant impacte une fonction physiologique précise (métabolisme énergétique, reproduction…) et déséquilibre l‟homéostasie de l‟organisme. Elle peut également subir un impact direct des polluants et être elle-même dérégulée. La connaissance fondamentale des modes d‟actions des xénobiotiques est donc nécessaire pour comprendre les effets observés sur les organismes.

b) Au niveau moléculaire : Heat shock proteins (HSP)

Au niveau cellulaire, la réponse générale au stress implique les protéines de stress, parmi lesquelles les protéines de choc thermique (HSP, « heat shock proteins ») en raison de leur découverte dans le cadre de la réponse à l‟exposition à une température subléthale chez les drosophiles (Ritossa, 1964). Les HSP sont des protéines très conservées d‟une large famille et sont regroupées en fonction de leurs poids moléculaires (HSP70 : 70 kDA, HSP90 : 90 kDa, etc.). Elles ont un rôle de chaperonnes et donc une capacité de réparer des protéines ou de favoriser leur élimination lorsque la réparation est trop coûteuse énergétiquement (Arrigo, 2005).

Parmi les protéines de cette famille certaines sont exprimées constitutivement et non spécifiquement en réponse au stress (HSC : Heat shock cognate). Lors d‟un stress, ces protéines constitutives sont recrutées et la synthèse de protéines de stress supplémentaires est induite. Ainsi, leur induction ne se limite pas à la réponse au stress thermique mais s‟étend à toute situation pouvant déstabiliser la structure des protéines parmi lesquelles l‟exposition aux xénobiotiques (Iwama et al., 1998, 1999; Monari et al., 2011).

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L‟induction des HSP est réversible mais durable dans le temps. Ainsi, une préexposition à un stress induisant une production de HSPs entraine une tolérance à des stress ultérieurs. Un prétraitement à la chaleur induit ainsi une tolérance à des doses normalement élevées de malathion chez les daphnies Daphnia magna (Bond et Bradley, 1997) ou au Cd chez la moule (Tedengren et al., 2000). Cependant, pour des espèces vivant dans des milieux soumis à de fortes variabilités des contraintes naturelles (température, salinité…) cette tolérance peut ne pas se retrouver (Amiard et Amiard-Triquet, 2008). La synthèse de HSP ne peut augmenter indéfiniment et le cout de synthèse peut dépasser le bénéfice (Eckwert et al., 1997 ; Pyza et al., 1997).

Les structures protéiques présentant des défauts de repliements sont détectées par le complexe HSP90/HSC70, protéines constitutives dans la cellule. Ce complexe libère alors le facteur de transcription HSF-1 qui est alors modifié (phosphorylé) et migre vers le noyau ou il se lie aux motifs HSE (Heat Shock Element) localisés dans la région promotrice des gènes codant pour les HSP. La grande quantité de HSP ainsi synthétisée permet de replier correctement les protéines défectueuses et d‟exercer une rétroaction négative sur HSF-1 (figure 8). D‟autres mécanismes inducteurs de HSPs sont étudiés. Cette réponse pourrait être liée à la réponse neuroendocrine au stress (Iwama et al., 1999), à des changements de potentiel redox dans la cellule (Voellmy, 1996). Les cascades de régulation impliquant les mitogen-activated protein kinases (MAPK) ainsi qu‟une augmentation de calcium intracellulaire, et la stimulation d‟enzymes comme les phospholipases C et A2 (Calderwood et

al., 1993 ; Kiang et McClain, 1993) pourraient affecter la phosphorylation de HSF1et donc la

production de HSPs (Iwama et al., 1998).

Figure 8 : Voie d’activation de la transcription des HSP (d’après Arrigo, 2005). HSE : heat shock element ; HSP :Heat shock protein ; HSF-1 : Heat shock factor.

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