5.3 Application à l’étude de la pollution
5.3.1 La pollution atmosphérique
La pollution atmosphérique est analysée au travers de la concentration du monoxyde de
carbone (CO), espèce chimique qui n’interagit pas avec les autres composants chimiques. Cette
caractéristique en fait un traceur de l’écoulement atmosphérique particulièrement adapté pour
l’étude du transport de la pollution.
La figure 5.8 présente les séries temporelles de concentration de CO mesurées en surface à
Marseille et Aix. Les trois sites Marseille Plombières, Marseille Paradis et Marseille Rabatau
sont respectivement localisés au nord, au centre et au sud de la ville. Cette figure montre que
durant la journée du 26 juin 2001, la concentration de CO est maximale vers 06:00-07:00 TU sur
la ville de Marseille avec des valeurs de l’ordre de 2200-2300 ppb, tandis que le maximum de
concentration est de 1300 ppb vers 08:00 TU sur Aix. A Marseille Paradis et Marseille Rabatau
et au centre d’Aix, la concentration de CO diminue ensuite de manière importante et s’établie
entre 700 et 1200 ppb sur Marseille et entre 500 et 1000 ppb sur Aix pour le reste de la journée.
A Marseille Plombières, la concentration de CO diminue lentement de 2000 à 1500 ppb, puis
chute brutalement vers 18:00 TU.
Les fortes concentrations de CO observées sur la figure 5.8, sont des valeurs attendues sur
une ville, puisque ce composant chimique est émis essentiellement par la combustion liée aux
5.3 Application à l’étude de la pollution
117
activités humaines. Les pics matinaux de CO au centre et au sud de la ville de Marseille et au
centre d’Aix sont directement associés aux émissions du trafic routier. Les plus fortes
concen-trations du nord de la ville de Marseille (Marseille Plombières) et leurs relatives stabilités sont
vraisemblablement dues à la présence de zones industrielles dans ce secteur.
F
IG. 5.8:
Séries temporelles de la concentration du monoxyde de carbone (CO) mesurées le 26 juin 2001 par les stations de surface de Marseille Plombières, Marseille Paradis, Marseille Rabatau (respectivement localisées au nord, au centre et au sud de la ville) et à Aix Centre.La figure 5.9 présente des champs de CO mesurés à 800 m d’altitude par les avions ARAT et
Dornier vers respectivement 12:00 et 14:30 TU. Vers 12:00 TU, la concentration de CO mesurée
au nord de la ville de Marseille atteint 260 à 280 ppb. Des concentrations du même ordre de
grandeur sont également observées au nord-est de Saint Chamas et d’Aix-les-Milles. Vers 14:30
TU, les concentrations de CO au nord de Marseille ont diminué puisque des valeurs de 150 à
180 ppb sont mesurées. Par contre, des concentrations de CO d’environ 200 à 220 ppb persistent
au nord-est de Saint Chamas et d’Aix-les-Milles.
F
IG. 5.9:
Champs de monoxyde de carbone (CO) obtenus par la méthode de Krigg à partir des mesures du 26 juin 2001 de l’avion ARAT vers 12:00 TU (a) et Dornier vers 14:30 TU (b).la surface et 800 m d’altitude sont d’environ 7 et 3 respectivement pour le nord de Marseille
et Aix. Comme nous le verrons par la suite, ces valeurs s’expliquent par l’altitude du palier de
l’avion, qui a volé au dessus et dans la couche limite atmosphérique respectivement au nord de
Marseille et à Aix.
5.3.2 Les conditions météorologiques
Avant d’étudier le transport et la diffusion des polluants à l’aide du réseau de profileurs, une
description des conditions météorologiques de la basse atmosphère est nécessaire. La figure
5.10 présente les conditions dynamiques observées dans la zone côtière en milieu de journée.
F
IG. 5.10:
Champs de vents en surface à 12:00 TU (a) et 14:30 TU (b) d’après les stations météorologiques au sol. Champs de vents déduits de la méthode appliquée au réseau de profileurs aux altitudes de 500 (c) et 1000 m (d) à 13:00 TU.Les champs de vent de surface montrent que la zone côtière est soumise à une situation
de brise de mer. Les directions du vent relevées sur l’ensemble des stations météorologiques
sont typiques des épisodes de brises de mer de cette région (cf. Chapitre 6). La zone côtière
5.3 Application à l’étude de la pollution
119
est globalement sous l’influence d’une brise régionale de forte intensité (4-7ms
−1) de secteur
sud sur l’étang de Berre, qui tourne au secteur sud-ouest à ouest à l’est de l’étang de Berre. Sur
Marseille, la situation est plus complexe puisque le nord de la ville est soumis à une légère brise
locale de secteur ouest (2-3ms
−1), tandis que le sud de la ville est sous l’influence de la brise
régionale de secteur sud. Par ailleurs, la brise de secteur ouest, qui souffle au centre de la ville
de Marseille à 12:00 TU, est remplacée par la brise de sud à 14:30 TU (Delbarre et al., 2005).
Les champs de vent en altitude vers 13:00 TU montrent que globalement les caractéristiques
de surface se retrouvent à 500 m d’altitude, tandis qu’à 1000 m d’altitude l’écoulement diffère
légèrement. En effet, à 500 m d’altitude, le vent est de secteur sud-est sur Marseille et l’étang
de Berre, et s’oriente au secteur ouest à l’est de l’étang de Berre. A 1000 m d’altitude, le champ
de vent est de secteur est sur Marseille, et tourne au secteur sud-est et sud respectivement au
dessus et à l’est de l’étang de Berre. Dans les deux cas, le vent s’intensifie de 3-4 à 6-7 ms
−1en direction de la mer.
La nature de l’écoulement à 500 et 1000 m d’altitude est difficile à estimer sur les seuls
paramètres dynamiques, pour une situation météorologique tel que le 26 juin 2001, durant
la-quelle le forçage synoptique est de direction identique à la celle de la brise de mer. Néanmoins,
la bonne correspondance des directions du vent entre la surface et le niveau 500 m indiquerait
que la brise de mer régionale est établie au moins jusqu’à 500 m d’altitude. Ceci est confirmé
par l’étude de Delbarre et al. (2005) qui montre, à partir de nombreux instruments (Lidar,
ra-dar UHF et radiosondages), que la limite entre l’écoulement synoptique et la brise de mer sur
Marseille se situe aux alentours de 800 m en début d’après-midi du 26 juin 2001.
Pour compléter la dynamique de la basse troposphère, une analyse de la structure de la
couche limite atmosphérique (CLA) dans la zone côtière doit être menée. Comme l’étude sur la
pollution atmosphérique portera essentiellement sur l’est de la zone côtière, seules les mesures
des radars UHF de l’Observatoire de Marseille (Ob) et d’Aix-les-Milles (Ax) sont utilisées ici.
La figure 5.11 présente les coupes hauteurs-temps de la constante de structure de l’indice de
réfraction de l’airC
n2et du taux de dissipationεde ces deux instruments.
La CLA se développe bien à Ax au cours de cette journée. Elle atteint une altitude de 1000
m et 1200 m vers respectivement 12:00 et 14:30 TU. Les mouvements turbulents y sont très
importants avec un taux de dissipation de l’ordre de10
−2m
2s
−3.
F
IG. 5.11:
Coupes hauteur-temps de la constante de structure de l’indice de réfraction de l’airCn2et du taux de dissipationεmesurées respectivement à Aix-les-Milles (a,b) et à l’Observatoire de Marseille (c,d). La courbe noire indique les maxima deCn2.zones de maxima sont présentes à deux niveaux distincts dans l’après-midi. La coupe
hauteur-temps deεindique le passage de deux "bouffées" vers 12:00 TU et 14:00 TU de forte intensité,
supérieure à25.10
−4m
2s
−3, surmontées d’un maxima deC
n2.
Une analyse plus poussée des mesures du radar UHF de Ob est nécessaire pour comprendre
ces observations. La figure 5.12 présente des coupes hauteurs-temps de la vitesse verticale et du
taux de dissipation auxquelles ont été ajoutés les vecteurs de composantes zonale et verticale
du vent. Les basses couches (200 à 400 m d’altitude) sont soumises à un écoulement de secteur
ouest avant 12:00 TU, qui bascule sur un écoulement de composante est vers 14:00 TU. Ils
correspondent aux brises de mer de secteur ouest et sud-est qui soufflent à Ob respectivement à
12:00 et 14:30 TU et qui ont été mesurées au sol (cf.Figure 5.10). Au dessus de ces niveaux, un
5.3 Application à l’étude de la pollution
121
flux d’est est observé en milieu de journée. Il représente la brise de secteur sud-est surmontée
de l’écoulement synoptique qui souffle sur Marseille en altitude (cf.Figure 5.10).
F
IG. 5.12:
Coupes hauteurs-temps de la vitesse verticale et du taux de dissipation mesurés entre 11:00 et 15:00 TU par le profileur UHF de Ob (l’échelle de couleur indique l’intensité de ces deux paramètres). Sur chacune de ces coupes, les vecteurs représentent les composantes zonale et verticale du vent (un facteur 3 est appliqué à la composante verticale pour permettre de visualiser par ces vecteurs les ascendances et subsidences).Le profileur UHF de Ob voit donc passer la brise de secteur sud-est, qui remplace la brise
de secteur ouest préalablement établie. Comme nous l’avons déjà mentionné dans le chapitre
1, deux systèmes de brises de mer peuvent s’établir sur les côtes découpées, comme celle de
Marseille, et donner naissance lorsqu’ils se rencontrent à une zone de convergence, caractérisée
par une forte ascendance et un mélange turbulent important (Mélas et al., 1998, 2000).
La figure 5.12 montre qu’entre 11:30 et 12:45 TU, un rotor se forme au sommet du courant
de brise de mer d’ouest d’épaisseur 300 m. Dans un premier temps, une subsidence de 0,5 à
0,7 ms
−1est observée, suivie par une ascendance de 0,5 à 1ms
−1. Au même instant, un fort
taux de dissipation de20à50.10
−4m
2s
−3est mesuré par le radar, indiquant la présence sur les
600-700 premiers mètres de l’atmosphère d’un fort mélange turbulent. Entre 13:00 et 14:00 TU,
une seconde ascendance de 0,5 à 1,2ms
−1est observée à Ob, avec également un fort taux de
dissipation entre 200 et 800-900 m d’altitude, d’intensité identique à la "bouffée" précédente.
Ces observations indiqueraient que la zone de convergence des deux brises passe à Ob une
première fois vers 12:00 TU, puis une seconde fois vers 14:00 TU. Ceci peut s’expliquer par
l’opposition plus importante de la brise d’ouest à l’avancée de celle de sud-est après 12:00 TU,
entraînant le retour de la zone de convergence sur Ob, avant que la brise de sud-est ne reprenne
le dessus vers 14:00 TU pour continuer sa progression vers le nord.
Suite à cette analyse détaillée de la dynamique au dessus de Ob, la détermination de la
hau-teur de la CLA est plus aisée maintenant. D’après la figure 5.11, la CLA qui se développe dans
le courant de brise de mer de secteur ouest, atteint une altitude maximale de 500 m en fin de
ma-tinée et possède en son sein un taux de dissipation de5à15.10
−4m
2s
−3. Après l’établissement
de la brise de secteur sud-est, le sommet de la CLA (maxima deC
2n