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Politiques de protection de la nature en France et place des réserves naturelles

Partie 1 : Analyse nationale

A) Les réserves naturelles de France : de quoi s’agit-il ?

1. Politiques de protection de la nature en France et place des réserves naturelles

Politiques publiques et politiques de l’environnement

Les réserves naturelles constituent l’un des principaux outils réglementaires des politiques de protection de la nature en France. En tant que telles, elles s’inscrivent dans la lignée des cadres théoriques et des études centrées sur l’analyse des politiques publiques en général, et des politiques de l’environnement en particulier. Nous dressons dans cette première section un panel des éléments issus de ces approches et susceptibles d’appuyer notre étude sur les réserves naturelles.

a) Analyse des politiques publiques : introduction des dimensions cognitives, stratégiques et institutionnelles

Selon le dictionnaire des politiques publiques, dans un article rédigé par J.C. Thoenig, (Boussaguet et al., 2010, p.420), « une politique publique est un phénomène social et politique spécifique, empiriquement fondé et analytiquement construit ». Il s’agit d’un construit social caractérisé par l’intervention d’une autorité investie de puissance publique sur un domaine de la société (politique sectorielle) ou du territoire (politique territoriale). Elle s’identifie par trois éléments de description : contenus, prestations et effets. Correspondant au terme anglo-saxon de policy, il ne faut pas la confondre avec la notion de politics, c'est-à-dire la politique en général, quoique la question de l’articulation entre ces deux éléments se pose (Hassenteufel & Smith 2002). L’analyse des politiques publiques est une discipline qui s’est d’abord développée aux États-Unis dans les années cinquante sous le nom de policy sciences. Science de « l’État en action » (Muller 2009), de et pour l’action publique (Hassenteufel 2011), elle emprunte ses principaux concepts à d’autres disciplines telles que

le droit, l’économie, la sociologie ou encore la psychologie. Il s’agit donc d’une discipline à la fois opérationnelle et pluridisciplinaire. Selon Muller (Muller 2009), trois courants de pensée principaux constituent son socle : 1) la bureaucratie décrit le lien entre l’État et la société civile et questionne l’organisation des moyens en fonction des fins ; 2) La théorie des organisations (Friedberg 1993) introduit une dimension stratégique ainsi que des concepts fondamentaux : acteurs, pouvoir, stratégie, système organisé ; 3) Enfin, le management public questionne la notion d’efficacité de la gestion et de l’optimisation des moyens. Les études françaises, qui se sont multipliées depuis les années quatre-vingt-dix (Hassenteufel 2011), se caractérisent par une approche qui accorde une place de choix d’une part à l’État et aux administrations, et d’autre part aux aspects cognitifs et à l’observation du rôle des acteurs hérités de la sociologie des organisations (Leca & Muller 2008).

Comme dans toute discipline, de nombreuses notions et cadres d’analyse se sont succédés en analyse des politiques publiques. Un des plus couramment mobilisés est la grille d’analyse séquentielle en cinq étapes de C.O. Jones (Jones 1970) : identification et intégration du problème, développement d’un programme, mise en œuvre, évaluation et suspension. Ces vingt dernières années, notons l’influence marquante du courant néo-institutionnel d’origine anglo-saxonne, qui se concentre sur trois séries de variables : idées, intérêts et institutions (March & Olsen 1989; Hall & Taylor 1997). Notons également le rattachement d’Elinor Ostrom à ce courant néo-institutionnel. Cette approche permet avant tout de rester attentif à la pluralité des dimensions possibles de l’analyse, mais l’articulation entre les niveaux de variables est sujette à controverse (Surel, 1998; Palier & Surel 2005). La notion d’idée est à raccrocher à l’analyse cognitive des politiques publiques, selon laquelle une politique publique est le lieu où une société construit son rapport au monde (Muller 2009). L’action s’organise autour de paradigmes dominants et de référentiels : l’univers cognitif des acteurs, leurs croyances, leur vision du monde (Kuhn 1962; Hall 1993; Surel 2000). Dans ce contexte, nous retiendrons les notions de valeur pour définir des représentations fondamentales (protéger la nature, c’est bien), de norme pour désigner de grands principes d’action (il faut intégrer les acteurs locaux), et d’image pour qualifier des raccourcis cognitifs qui font sens (l’écolo barbu). L’analyse des discours et des récits est utilisée pour repérer idées, valeurs et normes. La notion d’intérêt consiste à centrer l’analyse sur les préférences des acteurs et à insister sur la dimension stratégique et collective (Palier & Surel 2005). La notion d’institution, qui a eu tendance en sociologie à dépasser la notion de structure (Lordon 2006), introduit une relation explicite entre structure et acteurs. Elle s’observe dans des cadres normatifs et cognitifs, des routines, des procédures, des conventions, des rôles, des formes organisationnelles, des instruments… (March & Olsen 1989; Muller 2009). La notion de path dependance, ou dépendance au chemin, est régulièrement mobilisée pour synthétiser un effet d’accumulation, l’expérience et l’apprentissage des acteurs (Pierson 2000).

Parmi les grandes transitions qui ont marqué la discipline, nous retiendrons tout d’abord la remise en cause des modèles classiques de la décision rationnelle et du « tout procédural ». Les travaux de H. Simon et de C. Lindblom ont montré que la prise de décision dérive d’une rationalité limitée (Simon 1957), qu’elle ne s’explique pas uniquement dans le cadre d’une lecture top-down, mais est teintée d’incrémentalisme,

c'est-à-dire de négociations et d’arrangements entre acteurs et d’une modification progressive et continue du système (Lindblom 1959). Il s’agit ici de ne pas tomber dans l’excès inverse du « tout politique », où les actions ne traduiraient que des intérêts particuliers et immédiats (Boussaguet et al. 2010). Un autre niveau de déconstruction mobilise les notions de réseaux et de policy network. Ces dernières ont temporisé la séparation entre État et société civile, en introduisant de l’horizontalité, de l’informalité, et un affaiblissement des frontières en général (Muller 2009). Enfin, nous citerons, mais sans y revenir dans le détail l’apport des approches néo-institutionnelles, qui soutiendront à tous les niveaux des approches cognitives, stratégiques et institutionnelles complexes. D’autre part, nous retiendrons quatre enjeux majeurs pour comprendre l’action publique aujourd’hui :

1) L’européanisation des politiques publiques : l’Europe est en effet devenue un niveau stratégique et de référence incontournable dans de nombreux domaines, et notamment dans le domaine environnemental. Cette transition induit des modes de décision complexifiés, ainsi que des structures et des opportunités nouvelles et évolutives dont peuvent se saisir les acteurs de l’action publique (Radaelli 2002; Palier & Surel 2007; Muller 2009).

2) La territorialisation remet en cause le modèle vertical sectoriel pour privilégier une entrée territoriale. Cristallisée par les lois de décentralisation dès 1982, la territorialisation induit l’apparition de nouveaux espaces de négociation et un changement d’échelle dans la mise en œuvre de l’action publique. Les conséquences à retenir sont la complexification croissante des modes de régulation, l’affirmation d’acteurs multipositionnés aux différentes échelles, et l’importance des processus d’invention et de construction de ces nouveaux espaces de l’action publique (Thoenig & Duran 1996; Fauré 1997; Balme et al. 1999; Mériaux 2005; Duran in Pasquier et al. 2011, p.475).

3) Le tournant néolibéral traduit la montée en puissance d’un référentiel du marché (Jobert 1994; Muller 2009). Il correspond à la redéfinition des articulations public - privé et centre - périphérie, et met en avant les notions d’efficience, de compétitivité et de rentabilité. Nous assistons par exemple à la transposition au secteur public de méthodes issues du secteur privé avec le concept de rationalisation des choix budgétaires, inspiré de la méthode PPBS1. La notion de performance de l’État se retrouve bien dans les récentes lois de finances, les évaluations des politiques publiques et dans les enjeux actuels d’économie budgétaire2.

4) Enfin, « l’impératif délibératif » est devenu une dimension obligée de l’action publique (Habermas 1997; Blondiaux & Sintomer 2002). Cette norme délibérative s’observe au travers d’outils tels que les forums, les conférences citoyennes, et a pour conséquence la mise en avant des stratégies discursives du « meilleur argument », le soutien de notions telles que la gouvernance, et l’intégration de nouveaux acteurs et de nouvelles formes de savoirs. Cette culture de la délibération et de la médiation s’accompagne de l’expansion

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Planning, Programming, Budgeting System 2

des politiques contractuelles (Gaudin 2007). Toutefois, dans les faits, les pouvoirs existants sont rarement remis en cause et la participation n’a pas pour corollaire l’implication directe dans le processus de prise de décision (Pretty 2003; Reed et al. 2009).

De manière générale, les évolutions dans les sphères académiques ou les sphères de l’action politique nous poussent à reconsidérer le rôle de l’État, d’un modèle régalien à un modèle régulateur, et à encourager le développement d’analyses qui envisagent l’action publique comme une forme d’action collective. Les réserves naturelles, en tant qu’instruments d’une politique publique, sont à considérer dans cette optique d’ouverture, de perte de centralité et d’action collective. Nous accordons toute l’attention nécessaire aux dimensions cognitives (les idées), stratégiques (les intérêts) et institutionnelles (les institutions) qui sous-tendent cette transition, et évaluons si les enjeux observés pour les politiques publiques en général se retrouvent dans le cas des réserves naturelles.

b) Politiques de l’environnement : entre conformité et particularité

Les politiques de protection des espaces naturels et donc les réserves naturelles se situent sous la grande bannière des politiques environnementales. Ces dernières présentent certains traits communs aux politiques publiques en général, et d’autres qui semblent leur être plus spécifiques. Dans cette partie, nous caractérisons ces aspects généraux et singuliers jusqu’à l’échelon des politiques de protection de la nature et aux réserves naturelles.

Comme toute politique publique, les politiques publiques environnementales ont attiré l’attention d’auteurs relevant d’une variété de disciplines : analyse des politiques publiques, sociologie de l’action collective et des organisations, anthropologie, histoire… Un certain nombre de ces études se concentrent d’une part sur l’institution de l’environnement en tant qu’objet de politique publique, et d’autre part sur les grandes transformations que l’on peut observer dans l’action publique environnementale. En effet, l’environnement, comme tout problème politique, se pose comme un construit social. Cette construction de l’environnement comme objet de politique publique présente quelques particularités.

D’abord, sur le plan cognitif, l’objet même va questionner nos représentations des rapports homme - nature et les valeurs associées. Les différents points de vue à ce sujet et présentés en introduction vont influencer la construction des outils que sont les politiques de l’environnement en général et les réserves naturelles en particulier. Cette définition des rapports homme - nature va également soulever, sur le plan des intérêts, la question des pouvoirs scientifiques et politiques. Alors que le pouvoir scientifique est chargé de comprendre et de représenter les « choses », c'est-à-dire la nature, le pouvoir politique représente les « sujets », c'est-à-dire les hommes, et règle la vie sociale (Latour 1991, 1999). Cette confrontation des pouvoirs a amené certains auteurs à constater la montée en puissance des experts, des « écocrates » qui pensent et gèrent le vivant et se donnent de plus en plus pour ambition « de guider tous les choix politiques » sur le fondement d’un « éco-pouvoir », un « gouvernement rationnel du vivant » (Lascoumes 1994). La considération d’objets hybrides implique de considérer l’articulation entre ces deux pouvoirs, sciences et politique, et de parler d’écologie

politique au sens latourien (Latour 1999). Il convient ici de lever une confusion courante et de bien recentrer notre propos sur les politiques de l’environnement, et donc les policies, par rapport à l’écologie politique, qui relèverait plus de la place de l’écologie dans le champ de la politique, de la politics1. En tant que construit social, les politiques environnementales traiterons donc d’une nature « travaillée par la politique » et « objet de politique », qui doit être pensée comme un objet hybride, et dans une logique interactionniste, en fonction des relations entre des sujets et des objets (Reclus 1866; Lascoumes 1994). L’étude des valeurs interrogera notre rapport à la nature et constituera un élément central dans l’analyse des politiques environnementales : selon Lascoumes (op.cit.), « l’environnement est en effet largement réduit dans les représentations dominantes à la nature ».

Ensuite, il semble important de mettre en exergue les dimensions intersectorielle et collective de l’environnement. Nous avons vu que, sur le plan des valeurs, l’environnement en tant que problème public s’attache à une nature hybride travaillée par le politique. Nous allons ici étendre ce caractère hybridé des politiques de l’environnement, à la fois sur le plan de la sémantique, du contenu, et des acteurs légitimes à s’y impliquer. Si l’environnement a aujourd’hui envahi notre quotidien et fait figure « d’impératif médiatique » (Lascoumes 1994), il faut se remémorer que son « invention », telle que la qualifie Florian Charvolin, n’a pas cinquante ans (Charvolin 2003). Cette invention n’apparaît toutefois pas ex nihilo. Le terme « environnement » est employé dans de nombreux domaines et son sens fluctue au fil du temps. Nous n’aborderons que l’exemple de l’utilisation de la notion d’environnement par les géographes, qui s’occupent depuis toujours des relations homme – milieu, et pour lesquels l’environnement se conçoit comme un concept d’interface disciplinaire. Ce concept nous permet d’aller au-delà de la composante biophysique du milieu et de prendre en compte l’ensemble des interactions entre la nature et la société, que ce soit au travers des usages, des points de vue ou de l’accès et du pouvoir. Godard (Godard 1992) a ainsi mis en évidence trois propriétés de l’environnement : l’environnement-nature (le milieu biophysique, le support, l’espace géographique (Brunet 1993), l’environnement-système (support et système d’interactions entre nature et société, le milieu géographique (Pinchemel 1988; Bailly & Ferras 1997)) et l’environnement-problème (objet de préoccupation sociale, cette dernière étant affectée par les représentations). L’environnement se stabilise au début des années soixante-dix en tant qu’objet de politique publique autour des questions de l’espace naturel, des paysages, du bruit, de la pollution de l’air et de l’eau, de l’écologie urbaine et de la culture de l’espace naturel (Charvolin 2003). Les environnements-nature et environnements-système deviennent donc des environnements-problème pris en charge par les pouvoirs publics. Ces contenus recoupent des politiques publiques déjà constituées dans les secteurs de l’agriculture, de l’industrie ou encore de l’équipement. Le propre des politiques environnementales, dans leurs débuts, sera d’intégrer de nouveaux objectifs qualitatifs dans des politiques

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Le rapport entre l’écologie politique et les politiques de l’environnement est une piste de recherche en soit à explorer. Les études de

cas seront le moment de détailler cette articulation entre policy et politics. Nous avons déjà présenté dans l’introduction générale le

préexistantes1 : « Il ne s’agit pas en effet de véritables politiques sectorielles autonomes, mais plutôt de dimensions internes à d’autres politiques sectorielles » (Lascoumes 1994, p.15). La nouveauté tient ici plus de la réunion de ces différentes composantes au sein du ministère de la protection de la nature et de l’environnement, créé en janvier 19712. Ce « ministère de l’impossible » rencontre de nombreuses difficultés. Avant tout, l’action du ministère relève plus de l’administration de mission auprès d’autres secteurs plus anciens, mieux organisés et mieux dotés. Elle s’inscrit le plus souvent dans une mise en opposition classique et simpliste entre développement humain et préservation de la nature. Contrairement à de nombreuses autres politiques publiques, une des spécificités des problèmes environnementaux tient dans leur mise sur agenda et leur affirmation en tant que problème public sans qu’il y ait de revendication sociétale forte sur le sujet, d’où un manque de soutien en général. L’ensemble de ces éléments se traduit par une certaine fragilité des administrations en charge d’environnement, des contenus et des outils. La légitimité sur le terrain environnemental est disputée à de grands corps d’État, le ministère de l’environnement étant mal pourvu en ressources humaines, politiques et financières3, (Lascoumes 1999), il est quasiment absent du terrain localement, et ses politiques relèvent plus du compromis que de la conciliation dans la régulation de la tension entre développement et conservation (Lascoumes 1994; Charvolin 2003). Ces faiblesses expliquent également l’importance des acteurs privés et plus particulièrement des associations dans les politiques environnementales. Elles ont joué un rôle majeur dans la construction des problèmes, leur mise sur agenda, et elles endossent le rôle de veilleurs et de services extérieurs du ministère (Lamarque 1973; Lascoumes 1994; Micoud in Lascoumes 1999; Charvolin 2003).

L’histoire de l’instauration des politiques environnementales révèle un certain nombre de traits fondamentaux : le caractère collectif, d’une part entre secteurs, et d’autre part entre État et société civile, le contenu hybride et transversal issu de ces collectifs, et une politique faible fondée sur le compromis. Ces caractéristiques qui perdurent se retrouvent au fil du temps dans un certain nombre de transitions (Lacroix & Edwin 2010). Le contenu des politiques environnementales et les compétences du ministère ont évolué, de la protection de la nature à la qualité de vie et au développement durable (Lascoumes 1999; Laville 2010), mais demeurent marqués par une entrée intersectorielle et des objets qui s’élargissent et se complexifient (notamment avec le développement durable). Les services déconcentrés de l’État se sont développés au fil de ces transitions en termes de contenu et de structure (Lascoumes & Le Bourhis 1997; Le Bourhis 2009). On y observe une transversalité sectorielle croissante et la montée en puissance des rôles de coordination et de gestion. Les associations se sont professionnalisées (Ollitrault 2001) et leur qualité de structure d’intérêt public s’est en partie institutionnalisée. L’environnement a envahi notre quotidien, il est de plus en plus intégré dans de nombreux secteurs : on peut parler d’écologisation, de la gestion de l’espace rural (Mougenot

1 Les mesures agro-environnementales illustrent bien la manière dont on réinjecte des objectifs environnementaux au sein d’autres

secteurs. 2

C’est l’un des premiers en Europe. 3

& Roussel 2005; Alphandéry & Fortier 2007; Deverre & De Sainte Marie 2008; Mélard 2008) à l’instrumentalisation médiatique (André-Lamat et al. 2009). Nous regrettons malgré le paradoxe entre les opinions favorables à la prise en compte de l’environnement, et l’indifférence générale dans les actions, les comportements, et la reconnaissance d’une responsabilité partagée, pouvant aller jusqu’à l’éco-scepticisme affirmé (Kalaora 1998; Boy 2009; Bourg 2010). À ces évolutions spécifiques des politiques environnementales se rajoutent les enjeux transversaux à l’ensemble des politiques publiques identifiés plus haut : l’européanisation (Buller 2002; McCauley 2008), le tournant néo-libéral et l’avènement des approches managériales (Le Bourhis 2009), la territorialisation (Godard 1997; Cans 2002; Douillet 2003; Mériaux 2005), l’impératif délibératif et les outils contractuels (Clayes-Mekdade 2006; La Branche 2009). Les politiques publiques relèvent de plus en plus de changements sociaux à large échelle avec l’avènement de la société de l’information, de la compétition, et de la mondialisation. Les États-nations sont dépassés par un processus de globalisation qui nous pousse vers un modèle culturel « post-industriel », caractérisé par un renversement de l’organisation sociale où l’information et la connaissance supplantent les éléments matériels (Bajoit 2003). Ainsi, les politiques publiques de l’environnement, tout comme les politiques publiques en général, révèlent des enjeux forts aux plans cognitif (le rapport homme - nature, développement - protection…), stratégique (un construit collectif entre secteurs, entre État et société civile, entre européanisation et territorialisation…) et institutionnel (secteurs concernés, moyens alloués, structures supports…). Certaines particularités en font un excellent sujet d’étude dans le cadre d’une analyse des politiques publiques. L’enjeu concernant le rapport homme – nature fait des politiques environnementales un objet d’étude un peu délaissé par les chercheurs en sciences sociales, et beaucoup reste à faire. Par leur transversalité extrême, les politiques de l’environnement semblent peu représentatives de la transformation de l’État moderne, associée à la nouvelle prédominance d’une logique de sectorialité. Le plus souvent fruits de bricolages, d’édifices hétéroclites et de pièces rapportées, à l’interface entre société politique et société civile, objets bruts et immatures, elles révèlent un modèle de construction collectif occulté dans des politiques publiques plus anciennes (Lascoumes 1994). Sous la bannière des politiques environnementales, les politiques de protection de la nature et les réserves naturelles renouent peut-être plus avec une approche sectorielle, tout en étant soumises à ces particularités d’objet hybride et complexe.

Politiques de protection de la nature et réserves naturelles

Dans cette seconde section, nous dressons le portrait des politiques de protection de la nature en France. Au gré des évolutions paradigmatiques, des valeurs, des acteurs et des contextes où ils s’expriment, une série d’outils ont été mis en place, dont les réserves naturelles. Nous les présentons en mettant en avant leurs