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La politique de la Suisse face à la construction européenne

La politique officielle d'intégration du gouvernement

A partir du moment où le Conseil fédéral a constaté que la non-participation de la Suisse au développement de l'intégration euro-péenne n'était pas une alternative réaliste!1, le but avoué de sa démar-che a consisté à éviter l'isolement politique, économique et culturel du pays, et à promouvoir sa compétitivité économique. La volonté d'adhé-rer à l'Espace économique européen (EEE) en 1992 s'inscrivait plei-nement dans cette logique. Après le refus du peuple suisse de partici-per à l'EEE, le gouvernement n'a pas changé de cap. Mieux, il a fait de l'adhésion à l'Union européenne un objectif majeur. Le rapport sur la politique extérieure de la Suisse dans les années nonante, du 29 no-vembre 1993, arrête les étapes envisagées!:

1.!L'adhésion à l'Union européenne constitue l'objectif stratégique de la politique d'intégration. Cet objectif est dicté par le fait que la Suisse plonge ses racines profondes dans l'Europe et qu'elle lui est étroitement liée. Par une participation pleine et entière au processus d'intégration européenne, la Suisse défendra au mieux et le plus com-plètement l'ensemble de ses intérêts à long terme. Seule l'adhésion est

1!Michael FAJNOR, “Die europäische Integration und ihre sicherheitspolitis-chen Folgen für die Schweiz”, Zürcher Beiträge zur Sicherheitspolitik und Konfliktforschung, Zurich, ETH, Heft No. 17 (1991), pp.!34-37.

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garante de l'équilibre entre l'évolution économique et les conditions politiques, sociales et culturelles dans lesquelles elle a lieu.

2.!Dans l'immédiat, le Conseil fédéral accorde la priorité aux négo-ciations bilatérales sectorielles déjà engagées. Par la recherche de pa-quets équilibrés à!négocier, il s'attache à limiter les éventuels désa-vantages économiques résultant du refus de l'EEE. En renforçant ses relations avec l'Union européenne, la Suisse s'en rapproche graduel-lement et diminue du même coup le saut qualitatif que représentera l'adhésion.

3.!L'accession à l'EEE demeure possible. Selon les circonstances, il pourrait s'avérer souhaitable de procéder à une nouvelle appréciation de cette forme de participation de la Suisse au processus d'intégration européenne.

4.!Durant la législature 1995-99, il convient d'ouvrir la voie à l'inté-gration multilatérale de la Suisse dans l'Union européenne et d'entrer en négociation, en fonction des conditions de politique intérieure et extérieure. Il pourra s'agir d'une adhésion directe à l'Union péenne, ou à une entrée préalable dans l'Espace économique euro-péen!2.

On le voit, la politique prônée par le Conseil fédéral n'a rien d'am-bigu. Elle ne bénéficie cependant que d'un soutien limité au sein de la population.

Méfiance d'une partie de la population

Dans tous les Etats membres de l'Union européenne, on trouve des opposants à l'intégration européenne. Leur influence réelle dépend beaucoup des systèmes politiques en vigueur 3. En Suisse, l'opposi-tion est présente sur trois tableaux.

Dans le premier, elle mobilise des couches précises de la popula-tion, des personnes âgées et de nombreux paysans. En principe, ceux qui craignent le plus de perdre leurs acquis (subventions, aides diver-ses, etc.) se rassemblent autour du conseiller national Christoph Blo-cher, leader de l'opposition à l'intégration européenne. Ces assemblées

2!Bureau de l'intégration DFAE/DFEP, “Suisse — Union européenne”, Fact Sheets, No!II, octobre 1995, p. 9.

3!Jacques W. CORNUT, “La Suisse veut participer à la construction euro-péenne”, European Public Affairs Office (Bâle), novembre 1995.

cultivent les mythes d'une Suisse des origines, où le folklore alpestre occupe une place dominante. Après l'effondrement du communisme en Europe de l'Est, l'Union européenne est devenue pour ces gens la nouvelle menace extérieure, contre laquelle il faut se mobiliser!4. De plus en plus sectaire, ce comportement se nourrit, comme dans plu-sieurs Etats membres de l'UE, d'une xénophobie aiguë.

Sur un autre tableau, on trouve des opposants appartenant principa-lement, mais pas exclusivement, au monde de la finance et des assu-rances. Ce sont ceux qui vivent de la cherté du franc suisse. Ils sont difficiles à dénombrer, car leur comportement public diffère beaucoup de celui qu'ils adoptent dans l'intimité de l'isoloir, lors de votations et d'élections. Ils sont en général accompagnés dans le monde des affai-res de tous ceux qui rêvent d'un pays où règnerait sans partage le protectionnisme des années grasses.

Dans le troisième tableau, enfin, on trouve une opposition à l'Union européenne en tant que telle. On y souligne les difficultés que connaît l'UE sur beaucoup de plans (chômage, monnaie, problèmes de politi-que étrangère commune, centralisme, etc.). On craint aussi des restric-tions de la démocratie directe en cas d'adhésion de la Suisse.

De manière générale, ces trois manières de s'opposer à la participa-tion de la Suisse à la construcparticipa-tion européenne ne s'excluent pas for-cément. Elles comportent chacune une part d'ignorance, de manque d'ouverture et d'intérêts particuliers exacerbés.

Les autorités suisses ne restent pas sans réaction face à cette oppo-sition. Le Bureau de l’intégration, mis sur pied dès 1961, a été chargé après 1992 de relativiser les arguments des opposants, mais son action demeure pour l’instant assez confidentielle. Les données suivantes (voir Tableau IV) sont issues des bulletins que le Bureau publie régu-lièrement. Ils tentent de démontrer que la démocratie directe telle qu’elle est pratiquée en Suisse ne serait que très peu affectée par une éventuelle adhésion à l’Union européenne.

Il s'agit d'une étude pour la période 1990-95, portant sur la liste des projets soumis au référendum obligatoire ou facultatif et sur les initiati-ves. Il ressort de cette analyse que 60% de tous les projets n'auraient absolument pas été touchés par le droit communautaire, et que 30%

l'auraient été en partie seulement. En d'autres termes, dans 90% des

4!Yves CORNU, “La Suisse aligne ses divisions”, Le Point, 3 février 1996.

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cas environ, les droits de référendum et d'initiative auraient pu être exercés!5.

Tableau IV

Actes législatifs suisses qui auraient été régis par le droit de l’UE

Actes législatifs et initiatives populaires

soumis au référendum obligatoire de 1990 à 1994!:

40

auraient été régis par le droit de l’UE!:

entièrement!: 3 (7,5%) partiellement!: 14 (35%) aucunement!: 23 (57,7%)

Actes législatifs sujets au référendum facultatif de 1990 à 1994!:

243

auraient été régis par le droit de l’UE!:

entièrement!: 26 (10,7%) partiellement!: 64 (26,3%) aucunement!: 153 (63%)

Source!: Bureau de l'intégration DFAE/DFEP!: CH-EURO, Intégration, septembre-octobre 1995/IV.