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CHAPITRE II : MODIFICATION DU TIMING DE RÉPLICATION INDUITE

A. Le timing de réplication, nouveau processus d’adaptation au stress réplicatif ?

I. Polθ régule le timing de réplication

Les travaux réalisés au cours de ma thèse ont tout d’abord permis d’identifier, après Rif1, un deuxième régulateur du timing de réplication dans les cellules humaines, l’ADN polymérase Thêta. Polθ est recrutée à la chromatine en tout début de phase G1, de façon concomitante avec le TDP. La co-immunoprécipitation avec ORC2 et ORC4 suggère qu’elle se situe au niveau des origines de réplication. Enfin, son absence induit une augmentation dans le recrutement des Mcm la chromatine en G1, suggérant qu’elle influence la mise en place du pré-RC. L’ensemble de ces résultats pose de nombreuses questions. Tout d’abord, on peut se demander quelles sont les origines concernées et quels sont les mécanismes moléculaires mis en jeu. Le fait qu’une ADN polymérase spécialisée puisse réguler le timing de réplication était, à ma connaissance, totalement inédit et reste assez surprenant. En effet, la nécessité d’une protéine capable d’activité polymérase dans la régulation temporelle de l’activation des origines de réplication est contre-intuitive, étant donné que ce programme est établi dans une phase du cycle où la synthèse d’ADN est restreinte. Comme évoqué précédemment, on peut imaginer que cette activité est néanmoins nécessaire en phase G1, dans des processus de réparation des dommages à l’ADN. Il se peut aussi que Polθ participe, via son activité polymérase à l’activation d’une sous-catégorie d’origines, dont elle régule le

timing de réplication, au cours de la phase S. Par exemple, la combinaison de ses activités

polymérase et hélicase lui confèreraient les capacités d’ouvrir la double hélice d’une part, et synthétiser de l’ADN d’autre part. Ce rôle pourrait en particulier être pertinent dans des régions du génome dont la séquence favorise la formation d’ADN structuré, et où la réunion de l’hélicase et de la polymérase en une seule entité fonctionnelle permettrait une efficacité de démarrage à partir d’un site d’initiation. Pour le moment, le choix des origines ciblées par Polθ reste un mystère. Les expériences de ChIPseq pourront peut-être donner quelques réponses à cette question et permettre d’identifier une ou plusieurs spécificités de séquences de liaison de Polθ à la chromatine. En particulier, il sera intéressant de voir si elle est recrutée au niveau de régions capables de former des G-quadruplex, structures associées aux origines de réplication. En effet, il a été proposé que la présence de ces G4 aux origines joue un rôle topologique, en influençant la structure de la chromatine pour imposer une conformation ouverte qui favoriserait le recrutement des protéines du pré-RC à la chromatine. Polθ, en déstabilisant ces G4, limiterait le recrutement des Mcm au niveau des origines, régulant ainsi le timing de réplication. Pour répondre à cette question, une approche expérimentale

absence de Polθ sur des cellules synchronisées en G1. En effet, si l’hypothèse d’une compétition entre Polθ et les MCM au niveau de certaines origines est vraie, nous devrions observer, pour les pics d’enrichissement dans les ChIP Polθ un pic d’enrichissement dans les ChIP Mcm en absence de Polθ par rapport à la condition contrôle.

Par ailleurs, nous avons vu qu’un volet important de la régulation du timing de réplication correspond à l’organisation de la chromatine dans le noyau. Or l’absence de Polθ induit un raccourcissement des boucles de chromatine, suggérant que Polθ influence cette organisation nucléaire. Dans ce contexte, il serait d’une part intéressant d’évaluer si les régions dont le timing de réplication est modifié sont relocalisées dans le noyau en absence de Polθ. Et pour comprendre comment Polθ pourrait influencer l’architecture nucléaire, il faudrait déterminer où elle se situe dans le noyau, en particulier si elle se trouve au niveau de la matrice nucléaire. On peut pour cela réaliser des expériences de fractionnement subcellulaire, dans lequel une digestion de l’ADN à la DNAse permettra de distinguer les fractions chromatiniennes solubles de celles attachées à la matrice nucléaire. Des expériences d’immunofluorescence peuvent aussi nous permettre de localiser Polθ, ou bien de voir si elle colocalise avec les lamines, situées à la matrice nucléaire. Le fait que Polθ co- immunoprécipite avec Rif1, qui lui-même colocalise avec la lamine B1 et se situe dans la fraction nucléaire insoluble (Yamazaki et al., 2012), suggère qu’au moins une partie de Polθ chromatinien est probablement lui aussi ancré à la matrice nucléaire, régulant ainsi la taille des boucles de chromatine.

Un autre point qui me paraît extrêmement intéressant à explorer est le lien qu’il peut y avoir entre Polθ et les processus de différenciation ou de développement. En effet, le timing de réplication est directement lié à l’identité de la cellule. Il évolue avec le stade de différenciation, pendant lequel les domaines courts dans les cellules peu différenciées sont consolidés en domaines de réplication plus grands (Hiratani et al., 2008; Ryba et al., 2011b). Or, dans nos expériences, les profils de timing de réplication obtenus après déplétion de Polθ sont apparentés à ceux d’une cellule différenciée. En outre, l’absence de Tebichi, l’homologue de Polθ chez la plante A. Thaliana entraîne des problèmes de différenciation dans le méristème (Inagaki et al., 2006). On peut donc se demander si Polθ ne pourrait pas jouer un rôle dans la différenciation dans un modèle humain et il serait intéressant d’étudier son expression dans des systèmes de différenciation in vitro, ainsi que de voir quel impact pourrait avoir l’extinction de Polθ sur ce processus. L’étude de l’expression des gènes dans les régions dont le timing de réplication est affecté, en fonction du statut de Polθ pourrait aussi apporter

II. Modification du timing de réplication après un stress réplicatif à la génération