• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE I : LES ORIGINES DE RÉPLICATION

B. Le choix des origines actives

Des travaux réalisés sur le gène DHFR chez le hamster indiquent que le choix des origines qui seront activées en phase S se fait pendant la phase G1, au point de décision des origines (Origin Decision Point, ou ODP) (Wu and Gilbert, 1996).

Les facteurs influençant le choix des origines activées en phase S parmi celles mises en place en phase G1 sont multiples. Ces facteurs sont en partie aussi ceux qui influencent le

« licensing », comme décrit précédemment. Tout d’abord, la présence de G-quadruplex à proximité de l’origine constitue un facteur Cis déterminant de l’activité des origines de réplication, et les origines les plus efficaces y sont associées. Ainsi, les origines constitutives, partagées par plusieurs lignées cellulaires sont associées à leur présence.

Mais le choix de l’origine active dépend aussi, et certainement surtout, de l’environnement chromatinien. Par exemple, nous avons vu que la transcription, la méthylation des ilots CpG ou la modification d’histones influencent, positivement ou négativement, l’activité des origines de réplication. D’autres facteurs sont importants dans la régulation spatiale des origines de réplication.

1. L’architecture nucléaire

Au contraire du licensing, le firing des origines de réplication nécessite la formation de la membrane nucléaire, déterminant le choix des origines activées (Sheehan et al., 1988). En outre, plusieurs études montrent que plusieurs composants du pré-RC sont recrutés au niveau de la membrane nucléaire (pour revue, (Wilson and Coverley, 2013)). Et in vitro, l’initiation de la réplication a lieu au niveau de sites d’attachement de l’ADN à la matrice nucléaire, à la base des boucles de réplication qui constituent les domaines de réplication. Cette localisation des origines activées au niveau de la matrice aurait lieu en fin de phase G1 (Radichev et al., 2005), certainement suite à l’ODP. Cela est cohérent avec le fait que l’ADN néosynthétisé se trouve à la matrice nucléaire.

2. Développement et réplication

Le stade de développement influence grandement l’organisation spatiale des origines de réplication. Dans des stades précoces du développement du xénope ou de la drosophile, les origines activées sont nombreuses, et distribuées sur l’ensemble des chromosomes à intervalles réguliers. La distance moyenne interorigine est alors beaucoup plus courte que dans des stades plus avancés du développement (Hyrien et al., 1995; Sasaki et al., 1999). De plus, cette redistribution des origines de réplication au cours du développement semble liée à la transcription, puisqu’elle intervient au moment où la transcription reprend. En effet, au cours des premiers stades du développement, ce sont les ARN messagers hérités de la mère qui servent à la production des protéines, et aucune transcription n’est donc nécessaire. La réplication commencerait alors à partir d’une multitude de sites, permettant une réduction drastique du temps de la phase S (quelques vingtaines de minutes chez le xénope par exemple). Par ailleurs, l’architecture nucléaire est un autre facteur pouvant influencer

l’organisation spatiale des origines de réplication au cours du développement. En effet, la taille des boucles d’ADN corrèle avec celle des réplicons (Buongiorno-Nardelli et al., 1982; Courbet et al., 2008; Lemaitre et al., 2006). L’organisation du noyau en boucles de chromatine et la définition des réplicons ont lieu pendant la mitose, de façon topoiosomérase II dépendante et corrèle avec le recrutement de Orc à la chromatine. Cette organisation sub- nucléaire est modifiée au cours du développement ou de la reprogrammation cellulaire. En effet, la mise en présence de noyaux de cellules différenciées avec des extraits mitotiques d’œufs de xénope induit une diminution de la taille des boucles de chromatine, reflétant une réorganisation des origines de réplication et une reprogrammation de ces noyaux (Lemaitre et al., 2006). Ainsi la distribution des origines activées participe à la définition de l’identité de la cellule et ses capacités de pluripotence.

3. Origines de réplication et stress réplicatif

Comme nous le verrons plus tard, le stress réplicatif consiste en une accumulation de ralentissements ou d’arrêts de la progression des fourches de réplication. Cette perturbation générale de la progression des fourches va influencer l’activation des origines de réplication de deux façons : l’activation des origines dormantes adjacentes, et l’ inhibition des origines de réplication n’ayant pas encore été activées, (Pour revue (Yekezare et al., 2013)). D’un côté, l’activation des origines dormantes permet à la cellule de compenser l’arrêt de la fourche en initiant la réplication sur un site situé en aval de ce blocage de fourche, et assurer ainsi la réplication complète des régions problématiques. D’un autre côté, l’inhibition des origines distales permet d’éviter la formation de nouvelles fourches de réplication dans un contexte de stress réplicatif élevé, et donc non favorable à leur bonne progression. L’inhibition des origines qui auraient dû être répliquées ultérieurement est médiée par le point de contrôle (Checkpoint) de phase S, qui est activé en cas de stress réplicatif, induit un arrêt de la progression du cycle cellulaire, et protège la fourche bloquée le temps de gérer les problèmes de réplication. Ainsi, deux des cibles de ce point de contrôle sont les DDK et indirectement les CDK, dont l’inhibition empêche tout firing. En revanche, le mécanisme par lequel il active les origines adjacentes est peu connu.

Enfin, il est intéressant de noter que ce checkpoint, et en particulier sa kinase effectrice Chek1 (Chk1), régule aussi le nombre d’origines activées en absence de stress réplicatif externe élevé. En effet, sa délétion dans un modèle humain ou chez le poulet induit une augmentation de l’activation des origines de réplication sur l’ensemble du génome (Maya- Mendoza et al., 2007).

III. Conclusion

En conclusion de cette première partie, les Eucaryotes, et en particuliers les Eucaryotes supérieurs, présentent une grande flexibilité dans la détermination des origines de réplication, que ce soit en termes de site de recrutement des protéines du pré-RC, ou en termes de choix des origines activées. Cela procure à la cellule une grande faculté d’adaptation aux multiples contextes auxquels elle peut avoir à faire face : développement et différenciation, micro- environnement, stress réplicatif endogène ou exogène… La réplication étant une étape cruciale dans la division d’une cellule et dans le maintien de l’intégrité du génome, elle ne peut souffrir d’une trop grande rigidité qui risquerait d’entraîner le blocage du processus.

En revanche, il y a un niveau de régulation qui semble plus déterminé et déterministe : la régulation temporelle de l’activation des origines au cours de la phase S. En effet, comme nous le verrons, elle est très robuste, peu flexible pour une situation donnée, et participe à la définition de l’identité-même de la cellule. Cette régulation est appelée « timing » de réplication. C’est elle que je vais détailler dans la deuxième partie de cette introduction.