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Les points de vue divergents des acteurs de l’établissement sur la participation lycéenne.

Dans le document Les lycéens et leurs droits (Page 31-36)

B. Les outils

3. Les points de vue divergents des acteurs de l’établissement sur la participation lycéenne.

Comme nous l’avons vu précédemment, la communauté éducative est composée de différents acteurs, avec pour chacun des statuts et des rôles bien définis.

Les acteurs qui nous intéressent dans cette deuxième partie sont les chefs d’établissements (proviseurs et proviseurs-adjoints), les conseillers principaux d’éducation et les enseignants. Comme l’écrivait Sylvie CONDETTE-CASTELAIN en 200948, « la participation des élèves

n’est pas unanimement accueillie dans les lycées qui affirment pourtant valoriser la citoyenneté et […] elle fait l’objet de divergences, de tensions entre les personnels. »

Les chefs d’établissements, garant de l’autorité et du droit dans les lycées, semblent préférer que les élèves, titulaires de droits lycéens, ne les revendiquent pas. Selon leurs propos, octroyer aux lycéens certaines prérogatives serait synonyme de désordre dans l’établissement scolaire. Sylvie CONDETTE-CASTELAIN relevait dans son étude les paroles d’un chef d’établissement : « Si on leur laisse la parole, il est fort à penser qu’ils ne nous la rendront

plus… ou alors difficilement, après des négociations à n’en plus finir ! ». C’est également le

point de vue de Clément BAILLON (2015)49, Président de l’association « Droits des lycéens » lorsqu’il dit que « certains [personnels de l’Education nationale] refusent de

respecter les droits des lycéens car ils jugent que cela diminuerait leur autorité ».

47 Léon FESTINGER – 1957 - « Selon la théorie de la dissonance cognitive, lorsque les circonstances amènent une

personne à agir en désaccord avec ses croyances, cette personne éprouvera un état de tension inconfortable appelé dissonance, qui, par la suite, tendra à être réduit, par exemple par une modification de ses croyances dans le sens de l’acte. »

48 CONDETTE-CASTELAIN S. (2009). « L’implication des élèves dans la vie de l’établissement: regards croisés des

enseignants et des conseillers principaux d’´éducation. » Carrefours de l’´éducation, 28 (2), p. 53-64.

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De ses recherches apparaît également le fait que « les conseillers principaux d’éducation ont

plutôt tendance à encourager les initiatives des élèves », contrairement aux autres membres

de la communauté éducative. Cela vient du fait des statuts de chacun. Historiquement, le CPE, ancien surveillant général aux fonctions liées à la discipline des élèves50, a désormais également pour mission de contribuer à une citoyenneté participative51. C’est lui qui prépare notamment la mise en œuvre des élections de délégués, qui organise leur formation et il siège dans toutes les instances de l’établissement scolaire. C’est une des raisons pour lesquelles ce dernier a une tendance à favoriser les actions de participation des élèves à la vie du lycée : « les conditions d’exercice de ces missions facilitent sans conteste la prise en compte effective

de l’implication des élèves ».

En ce qui concerne les enseignants, leur vision de la participation lycéenne varie d’un individu à l’autre (selon les disciplines enseignées et surtout selon leurs établissements d’origine). Pour certains professeurs, tout comme pour les CPE, il convient d’encourager les initiatives de participations lycéennes, en raison notamment du fait que cela découle des missions afférentes au métier d’enseignant. Une circulaire de 1997 énonce que l’enseignant, au-delà de la seule transmission de connaissances et de savoirs, « aide à développer l’esprit

critique des élèves, à construire leur autonomie et à élaborer un projet personnel. Il se préoccupe également de faire comprendre aux élèves le sens et la portée des valeurs qui sont à la base de nos institutions, et de les préparer au plein exercice de la citoyenneté. »52

Là est l’idée centrale des travaux de Robert BALLION ; idée selon laquelle l’école ne peut plus se contenter de transmettre des connaissances mais doit également protéger et éduquer, aider la personne qui lui est confiée à devenir autonome et à faire des choix responsables. De ce fait le lycée devient un lieu d’éducation à la démocratie.53

En revanche, d’autres enseignants ont une vision qui tend à se rapprocher de celle des chefs d’établissement : vision selon laquelle un élève « participatif » sera toujours plus difficile à gérer qu’un lycéen qui ne l’est pas. Pour ces professeurs-là, Sylvie CONDETTE-

50 PRAIRAT E. (2007). L’école, la sanction et le CPE. Extrait de l’ouvrage « De la vie scolaire à la vie de l’élève »

d’A. PICQUENOT

51 Circulaire n°82-482 du 28 octobre 1982 relative au rôle et aux conditions d’exercice de la fonction des

conseillers d’éducation et des conseillers principaux d’éducation.

52 Circulaire n°97-123 du 23 mai 1997 relative à la mission du professeur exerçant en collège, lycée

d’enseignement général et technologique ou en lycée professionnel.

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CASTELAIN relevait certains de leurs propos selon lesquels « la seule participation utile et

efficace pour les élèves reste la participation en classe ».

On remarque donc que des divergences existent au sein des différents membres de la communauté éducative : divergences d’opinions, divergences d’avis, divergences de comportements.

De tous ces constats issus des travaux de recherche est apparue l’idée que les droits lycéens, ces droits si bien cadrés par l’institution, n’étaient pas réellement appliqués dans l’enceinte de l’établissement scolaire et n’engendraient pas dans l’esprit des différents acteurs, la même perception. C’est le cas notamment des droits individuels de l’élève qui se heurtent assurément à ceux de l’enseignant. Les recherches scientifiques ne traitent que partiellement la relation entre les lycéens et le droit du point de vue des élèves. Mais qu’en est-il plus précisément de la relation qu’entretiennent les lycéens avec leurs droits collectifs54 ? Est-ce que la perception que les lycéens ont de leurs droits est conforme à l’esprit de la loi ?

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Chapitre 3 : Les droits lycéens à l’épreuve de la réalité du

terrain.

Le droit et plus particulièrement l’éducation à la citoyenneté est un des thèmes majeurs de l’Ecole de 2017. Il est donc important de connaître le rapport des lycéens à leurs droits, de comprendre si les comportements parfois déviants des élèves ont un lien avec ce rapport. Mais en nous plongeant dans des lectures scientifiques, nous avons pu nous rendre compte que la littérature de recherche était quelque peu incomplète et ne traitait pas ou peu de la perception que les lycéens ont de leurs droits. Nous entendons là les droits collectifs du lycéen, cités dans le règlement intérieur de l’établissement scolaire. Nous avons identifié dans le chapitre 1 les droits reconnus aux lycéens, et nous avons ensuite dans le chapitre 2 présenté les travaux de recherche sur cette question.

Dans la mesure où il n’y a pas de travaux de recherche effectués sur la perception des apprenants par rapport à leurs droits collectifs et dans la mesure où sur le terrain les élèves prétendent à des droits qu’ils n’ont pas toujours, j’ai donc mis en place un protocole de recherche visant à recueillir ces perceptions et me permettant de répondre à la question de recherche suivante : La perception que les lycéens ont de leurs droits est-elle conforme à l’esprit de la loi ?

J’ai donc fait le choix de travailler à partir de méthodologies qualitatives qui seront explicitées dans la section 1. Mais les lycéens, au-delà de la connaissance de la loi, de la maîtrise de leurs droits, en ont-ils une perception juste ?

Nous avons cherché à partir de ces méthodologies à valider ou invalider différentes propositions :

- Proposition 1 : Les lycéens ont une perception de leurs droits en adéquation avec ce qui est dit dans la loi.

- Proposition 2 : Les lycéens n’ont aucune connaissance de leurs droits, mais lorsqu’on les leur cite, leur perception est juste, ils en perçoivent bien les contours et enjeux.

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- Proposition 3 : Les lycéens ont une perception erronée de leurs droits qui trouve son fondement dans :

Sous-proposition 1 : La méconnaissance totale de leurs droits.

Sous-proposition 2 : Le sentiment d’injustice à l’égard d’eux-mêmes. « lycéens-sujets de droits »

La section 1 présente la méthodologie mise en œuvre dans cette perspective. Les sections 2 et 3 présentent et discutent les résultats obtenus. Enfin, la section 4 fait une synthèse des propositions validées et invalidées et émet quelques recommandations.

Section 1 : Eléments méthodologiques

Comme indiqué ci-dessus, le protocole de recherche mis en œuvre a pour objectif de recueillir les perceptions que les élèves ont de leurs droits. La perception est le processus par lequel un individu « décode » ou « prend connaissance » de ce qui l’entoure. Or dans le cadre scolaire, le lycéen est en position d’apprenant. La perception qu’il a de ses droits va donc nécessairement être impactée par ceux qui le forment et l’entourent au quotidien : les assistants d’éducation, les enseignants, les CPE et les équipes de direction. Il est donc apparu nécessaire dans un premier temps, de faire un détour pour appréhender la perception de la communauté éducative relativement aux droits lycéens afin d’élaborer au mieux les thèmes à aborder lors des focus group, pour ensuitemettre en œuvre une seconde méthodologie centrée cette fois-ci sur les lycéens eux-mêmes. Ceci nous a conduits à mettre en place deux méthodologies différentes de recueil de données : l’une à destination des membres de la communauté éducative, l’autre à destination des élèves. Ces deux méthodologies, ainsi que la population étudiée seront présentées dans les paragraphes 1 et 2. Dans les deux cas, le choix d’une approche qualitative a été fait. En effet, chaque individu ayant sa vision des choses, son vécu, ses connaissances et ressentis, la perception étant propre à chacun, le but était donc non pas de quantifier des résultats, mais plutôt d’essayer de les comprendre.

Le travail de terrain a été réalisé à partir d’entretiens avec les équipes éducatives (autour de quatre grandes questions) puis grâce à la tenue de deux focus group auprès d’élèves de classes de Première (autour de deux grands thèmes).

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1.

La méthodologie mise en œuvre auprès des membres de la communauté

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