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Plusieurs sous-classes d’IgG engagent plusieurs FcγRs activateurs

d’IgG de souris ou après immunisation à la BSA (140)). Dans ces trois situations, nous pouvons estimer que les IgG1 prédominent, ce qui explique que le FcγRIIA demeure suffisant. D’autres études réalisées dans un autre contexte pathologique dépendant des IgG appuient la thèse du FcγRIIA comme acteur central. En effet, en plus de son rôle proposé dans le choc anaphylactique, le FcγRIIA est suffisant à induire une thrombocytopénie auto-immune induite par un anticorps monoclonal de rat anti-plaquettes de souris (160). Par ailleurs, l’expression simultanée du FcγRIIA et du FcγRIIIB (FcγR humain associé à une ancre glycosyl-phosphatidyl inositol (GPI) et dont la principale fonction mise en évidence est d’endocyter des complexes immuns à IgG (161)) à la surface des neutrophiles est suffisante pour induire une réaction passive d’Arthus (réaction inflammatoire locale après injection de complexes immuns) et une glomérulonéphrite progressive (maladie rénale liée au dépôt de complexes immuns au niveau des glomérules) (162).

Le FcγRI humain est un récepteur de forte affinité pour les IgG1/3/4 et son expression constitutive à la surface des monocytes Ly6Chi/lo peut être induite à la surface des neutrophiles (163,164) chez l’homme. On peut donc anticiper que ce récepteur pourrait participer au choc allergique chez l’homme. En utilisant des souris transgéniques pour le FcγRI humain (et exprimant encore le FcγRIV murin), dans un modèle passif dépendant d’un mélange polyclonal d’IgG et dans un modèle actif après immunisation à la BSA, mon équipe a montré que le FcγRI est suffisant à induire le choc allergique (165). Bien que ce résultat reste à être confirmé dans un modèle de souris exprimant uniquement ce FcγR humain, cela montre que le FcγRI humain, en plus du FcγRIIA, pourrait jouer un rôle important dans le choc anaphylactique chez l’homme. A l’aide de ce même modèle de souris, il est montré que le FcγRI contribue aussi dans d’autres pathologies dépendantes des IgG (arthrite, thrombocytopénie et inflammation des voies aériennes supérieures)(165). Chez l’homme, le FcγRIIA et le FcγRI seraient donc les deux récepteurs impliqués dans des chocs allergiques induits (partiellement ou totalement) par les IgG.

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Le mécanisme du choc allergique est probablement encore plus complexe. Comme nous l’avons vu précédemment, il implique plusieurs sous-classes d’IgG circulantes qui ont des affinités différentes pour chacun des FcγRs.

Le FcγRI et le FcγRIIA humains sont les deux FcγRs activateurs qui ont été mis en évidence à l’aide de systèmes d’étude simplifiés. L’expression cellulaire de ces FcγRs étant différente, ils engagent probablement en parallèle des voies d’induction différentes du choc allergique. Une équipe a créé pour la première fois un modèle de souris humanisées pour l’ensemble des FcγRs humains (FcγRI, FcγRIIA, FcγRIIB, FcγRIIIA, FcγRIIIB) et déficientes pour l’ensemble des FcγRs murins, et dont l’expression cellulaire récapitule dans les grandes lignes celle décrite chez l’homme (166). Chez ces souris, l’injection d’IgG humaines agrégées est suffisante pour développer un choc anaphylactique. Dans notre laboratoire, les résultats obtenus après injection d’IgG humaines agrégées chez des souris knock-in pour tous les FcγRs humains exceptés le FcγRI humain (et exprimant encore le FcγRI murin) montrent que, malgré la présence d’autres FcγRs humanisés, le FcγRIIA est nécessaire au choc allergique (167). Le même résultat a été obtenu avec des souris knock-in pour l’ensemble des FcγRs humains (FcγRI, FcγRIIA, FcγRIIB, FcγRIIIA, FcγRIIIB) en remplacement de l’ensemble des FcγRs de souris (FcγRI, FcγRIIB, FcγRIII, FcγRIV) (Gillis C., communication personnelle). Dans ces études, une diminution de l’expression du FcγRIIA à la surface des neutrophiles et des monocytes Ly6Chi/lo est observée lors du choc anaphylactique, soutenant la thèse que le FcγRIIA participe à la réaction. Il est également observé une diminution de l’expression du FcγRIII humain (isoformes A+B ; l’anticorps de marquage ne permettant pas de discriminer les deux) à la surface de ces mêmes populations cellulaires (167). La diminution de l’expression du FcγRIIIA/B à la surface des neutrophiles pourrait correspondre au FcγRIIIB puisque le FcγRIIIA n’est pas exprimé à leur surface (22) ; de même, la diminution de l’expression du FcγRIIIA/B à la surface des monocytes correspondrait au FcγRIIIA (22). Même si cela n’a pas été formellement démontré, cette étude suggère que le FcγRIIIA activateur et le FcγRIIIB (sa fonction sera discutée dans le chapitre II) pourraient participer au choc allergique, en plus des rôles déjà mis en évidence du FcγRIIA et du FcγRI. Néanmoins, le blocage du FcγRIIA étant suffisant pour abolir le choc dans des souris knock-in pour l’ensemble des FcγRs humains, le rôle du FcγRI, du FcγRIIIA et du

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FcγRIIIB semble minoritaire et est probablement restreint à amplifier l’activation induite par le FcγRIIA.

Finalement, les différents FcγRs activateurs exprimés à la surface de cellules circulantes peuvent lier selon leur affinité une ou plusieurs sous-classes d’IgG pour initier un signal intracellulaire. Néanmoins, la signalisation intracellulaire diffère entre les FcγRs murins et les FcγRs humains.

En effet, chez la souris chacun des trois FcγRs activateurs (FcγRI, FcγRIII, FcγRIV) est associé au dimère de la chaîne γ portant le motif ITAM (immunotyrosine-based activation motif) à l’origine de la transmission du signal (168). Le motif ITAM en interaction avec les kinases Src et Syk permet l’activation d’une cascade de signalisation qui se traduit par l’activation cellulaire, la production de cytokines/chimiokines et la migration cellulaire (168). La chaîne γ est donc responsable de la transmission du signal d’activation intracellulaire qui est amplifié si il y a co-engagement de plusieurs FcγRs activateurs (FcγRIII et FcγRIV) lors du choc allergique.

La situation est plus complexe pour les FcγRs humains car seuls deux FcγRs activateurs sont associés au dimère de la chaîne γ (FcγRI et FcγRIIIA), le FcγRIIA et le FcγRIIC (isoforme exprimé chez seulement 20% des individus (37)) portent leur propre motif ITAM et le FcγRIIIB, un peu différent car plutôt décrit comme un FcγR d’endocytose (161), est associé à une ancre GPI qui requiert son association à des intégrines pour transmettre son signal intracellulaire (23). Le FcγRIIA étant l’orthologue du FcγRIII (résultats non publiés, Drs Julien Lejeune et Hervé Watier, Université de Tours), la présence du motif ITAM directement associé au FcγR et non liée à la présence de la chaîne γ pourrait être un avantage évolutif.

Prenons l’exemple du GPVI (récepteur au collagène (169)) et du FcγRIIA, deux récepteurs co-exprimés à la surface des plaquettes humaines. Comme le FcγRIIA, le GPVI appartient à la famille des récepteurs des immunoglobulines, il est composé de deux domaines extracellulaires, un domaine transmembranaire et une queue intracytoplasmique (170). A la différence du FcγRIIA mais de manière apparentée aux FcγRs activateurs murins, l’expression du GPVI à la surface des plaquettes et la transmission d’un signal intracellulaire requièrent son association à la chaine γ

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contenant le motif ITAM (171). Une étude a montré que, suite à la liaison de leur ligand respectif, ces deux récepteurs ITAM-dépendant sont inactivés de manière irréversible à la surface des plaquettes mais de deux façons différentes (172). Alors que le GPVI est clivé dans sa partie extracellulaire par un mécanisme dépendant de métalloprotéinases, le FcγRIIA est clivé au niveau intracytoplasmique par un mécanisme dépendant de la calpaïne. Par conséquent, suite à une activation des récepteurs via le motif ITAM, l’ectodomaine du GPVI n’est plus présent à la surface des plaquettes alors que le FcγRIIA est toujours présent mais dans un état non fonctionnel. Cet exemple montre que la présence du motif ITAM associé au FcγR par la chaîne γ ou au sein même du complexe du FcγR permet à une même cellule de répondre différemment suite à la stimulation de deux récepteurs à sa surface. Dans le cas du choc allergique chez l’homme, on pourrait donc émettre l’hypothèse que selon l’engagement de tel FcγR activateur, associés (FcγRI) ou non (FcγRIIA) à la chaîne γ, la réponse cellulaire est différente (augmentation de l’expression d’intégrines, dégranulation, etc.). Ainsi contrairement au mécanisme d’activation chez la souris - confiné à une réponse « simple » - le mécanisme chez l’homme pourrait être multiple - donc « complexe » - et ainsi présenter des tableaux cliniques plus variés.

Malgré la complexité de la réaction dépendante de la multiplicité des sous-classes d’IgG en circulation, de l’affinité des FcγRs activateurs pour chacune de ces sous-classes ou encore de la voie de signalisation impliquée, il semblerait que, comme montré pour son analogue murin le FcγRIII, le FcγRIIA soit le FcγR activateur clé dans l’induction du choc anaphylactique chez les souris humanisées pour les FcγRs. Reste à le démontrer chez l’homme.

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II. Mécanismes de régulation de l’interaction IgG-FcγRs

activateurs

En parallèle de l’interaction IgG-FcγRs activateurs, le système immunitaire dispose de mécanismes de régulation dans les interactions IgG-FcγR et dans l’activation de ces récepteurs, afin d’éviter une réponse trop précoce ou un emballement du système.