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Modèle d’étude des cellules myéloïdes et des plaquettes

E. Modèle d’étude des cellules myéloïdes et des plaquettes

A l’aide de deux approches différentes, la première reposant sur l’utilisation d’un anticorps déplétant les neutrophiles, la deuxième reposant sur l’utilisation de souris neutropéniques, plusieurs études de mon équipe, dont la mienne, montrent que les neutrophiles sont nécessaires au développement du choc allergique (139,167,140,141).

Les souris Gfi1-GFP, dans lesquelles le facteur de répression de transcription Gfi1 a été remplacé par un gène codant pour la GFP (green fluorescent protein), sont incapables de développer des neutrophiles matures et fonctionnels ; en revanche elles peuvent différencier des macrophages matures capables d’avoir des réponses proinflammatoires augmentées comparées aux souris sauvages (254). Néanmoins, l’uniformité des résultats sur le rôle des neutrophiles dans mon étude (139) montrent que les macrophages ne semblent pas affectés lors du choc allergique dans ces souris.

L’utilisation d’un anticorps déplétant les neutrophiles est l’approche la plus couramment utilisée pour étudier l’effet de l’absence de neutrophiles. On peut différencier les anticorps qui reconnaissent les molécules Ly6G et Ly6C (anti-Gr1) ; et les anticorps qui reconnaissent uniquement la molécule Ly6G (anti-Ly6G). Comme indique sa double spécificité, des monocytes Ly6Chi peuvent être déplétés en plus des neutrophiles (décrit dans la revue (255)). A l’aide d’un anti-Ly6G (clone NIMPR-14), je montre que les neutrophiles sont nécessaires en PSA induites par des IgG2a/2b (139) ; néanmoins, je note aussi une diminution du nombre de monocytes, ce qui suggère que cet anticorps n’est pas non plus spécifique des neutrophiles. Cette donnée est donc à prendre en considération en analysant les résultats obtenus et pourrait surestimer le rôle des neutrophiles. Un autre désavantage de cette approche est que la déplétion par anticorps pourrait « occuper » les macrophages qui ne seraient alors plus en mesure de répondre à l’induction du choc allergique. En effet, les macrophages « occupés » à phagocyter les neutrophiles via leurs FcγRs seraient dans l’incapacité d’interagir avec les complexes immuns circulants. Une autre hypothèse à envisager est une éventuelle consommation du complément après injection de l’anticorps déplétant qui pourrait activer et désensibiliser certaines cellules avant l’induction du choc ; mais cette hypothèse est peu probable car la

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déplétion du complément avant injection d’anti-Ly6G ne semble pas affecter le nombre de neutrophiles circulants comparé au groupe ayant uniquement reçu l’anti-Ly6G (256). Ainsi, la simple déplétion des neutrophiles pourrait affecter d’autres populations cellulaires, par la non spécificité de l’anticorps ou par l’occupation de leurs FcγRs, ce qui pourrait conduire à une surévaluation de leur rôle dans les différents modèles du choc allergique.

Auparavant, seules quelques équipes ont étudié superficiellement le rôle des plaquettes chez des souris sauvages dans un modèle actif du choc allergique. Une équipe observe une thrombocytopénie et une neutropénie quarante minutes après induction d’un choc anaphylactique (235) mais aucune analyse plus approfondie pour expliquer le phénomène n’est mentionnée. Dans un modèle dépendant des IgG, des monocytes/macrophages et du FcγRIII, à l’aide d’un sérum de lapin anti-plaquettes, l’équipe de Finkelman observe une diminution de la sévérité du choc dans les souris sauvages Balb/c ; cependant, d’après eux, cette contribution ne serait pas réelle et serait la conséquence d’une désensibilisation des macrophages suite à l’injection du sérum anti-plaquettes. La déplétion des plaquettes obtenue ensuite par une autre approche indépendante des FcγRs (injection de neuraminidase, mécanisme de désialylation des plaquettes) ne révèle d’ailleurs aucune contribution de cette population (16). Ainsi, les plaquettes ne contribueraient pas à la réaction anaphylactique dans des souris sauvages.

L’anticorps de déplétion plaquettaire utilisé dans l’article 2 (anticorps anti-GPIbα) est un anticorps qui déplète efficacement et spécifiquement les plaquettes indépendamment des FcγRs. En effet, nous avons observé une déplétion plaquettaire dans les souris FcγRnull qui est similaire aux souris FcγRIIAtg (alors que la déplétion des plaquettes induite par l’anticorps 6A6 est FcγR-dépendant). Ce mécanisme de déplétion plaquettaire repose sur une thrombocytopénie qui fait suite à une activation des plaquettes induisant la translocation cellulaire d’une enzyme à l’origine de la désialylation du GPIbα (de manière similaire à la neuraminidase exogène utilisée par l’équipe de Finkelman) (257). En effet, les plaquettes dont le GPIbα est désialylé sont reconnues par le récepteur d’Ashwell-Morel présents à la surface des hépatocytes et sont ensuite éliminées de la circulation par ce mécanisme (257). Par ailleurs, comme mentionnée

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précédemment, les anticorps anti-GPIbα induisent une activation des plaquettes (permettant la translocation cellulaire de l’enzyme) indépendante du FcγRIIA qui pourrait être corrélée à une hypothermie survenant quelques minutes après l’injection de cet anticorps chez les souris (observations non publiées). Par conséquent, on ne peut exclure une activation indirecte des cellules circulantes (neutrophiles, monocytes etc.) via les médiateurs libérés par les plaquettes activées. Suite à l’injection de cet anticorps déplétant, ces populations cellulaires désensibilisées ne seraient alors plus en mesure de répondre au choc allergique. Dans notre modèle d’étude, nous limitons ce phénomène en induisant la thrombocytopénie trois jours avant le déclenchement du choc allergique. Néanmoins, cette approche a donc aussi ses limites et pourrait surévaluer le rôle nécessaire attribué aux plaquettes dans les souris FcγRIIAtg. Un autre anticorps nommé 6A6 (IgG2a de souris) dont la cible plaquettaire reste inconnue à ce jour, permet aussi une déplétion efficace des plaquettes ; mais il présente le désavantage d’être FcγR-dépendant, ce qui ne constitue pas un outil adapté à notre modèle d’étude de choc allergique qui est dépendant des FcγRs. Néanmoins, nous avons pu reproduire un effet bénéfique de la déplétion plaquettaire dans le choc allergique en utilisant cette approche (observations non publiées).

En plus des anticorps déplétants, les expériences de transfert de plaquettes ou de surnageant de plaquettes activées dans des souris résistantes au choc allergique ont également permis de mettre en évidence une contribution des plaquettes (Article 2).

Enfin, une dernière approche possible pourrait être d’utiliser des souris transgéniques pour le récepteur à la toxine diphtérique. Ces souris expriment le récepteur à la toxine diphtérique uniquement à la surface des cellules positives pour le PF4 (plaquettes et mégacaryocytes). Après injection de la toxine diphtérique, plus de 99% des plaquettes circulantes exprimant le récepteur à la toxine sont déplétées (258). Cette approche pourrait s’avérer utile dans l’étude du rôle des plaquettes dans le choc allergique car elle induit une thrombocytopénie indépendante des FcγRs. Néanmoins, cela requiert le croisement de ces souris transgéniques avec nos souris humanisées pour les FcγRs humains.

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laquelle les monocytes/macrophages en apoptose sont éliminés de la circulation par les neutrophiles par le mécanisme de phagocytose. Dans un modèle d’inflammation pulmonaire induit par du LPS, une équipe s’est intéressée à la phagocytose effectuée par des neutrophiles quand celle effectuée par les macrophages est insuffisante. Dans ce modèle d’inflammation, les macrophages inférieurs en nombre comparé aux neutrophiles, les neutrophiles contribuent par phagocytose à l’élimination des neutrophiles en apoptose (soit un phénomène de « cannibalisme ») (259). Nous pourrions alors spéculer que le nombre augmenté de neutrophiles circulants observé après administration du clodronate permet d’aider à éliminer de la circulation les monocytes/macrophages en apoptose. Ainsi, il est

probable que les neutrophiles « occupés » à phagocyter les

monocytes/macrophages ne soient plus disponibles lors de l’induction du choc allergique, ce qui pourrait expliquer aussi l’abolition presque totale du choc allergique après traitement des souris sauvages avec des liposomes-clodronate (139). Néanmoins, cette hypothèse est peu probable en raison de la taille des neutrophiles nettement inférieure à celle des macrophages. Une deuxième hypothèse possible de la neutrophilie observée après traitement par le clodronate est que les neutrophiles « âgés », ne pouvant plus être éliminés de la circulation par les macrophages déplétés, s’accumulent progressivement dans la circulation. En effet, en plus de la neutrophilie, une augmentation du nombre de basophiles circulants est observée (139), dont l’accumulation pourrait aussi être expliquée par ce phénomène. Cette deuxième hypothèse est, à mon avis, la plus plausible.

De la même manière que pour le rôle attribué aux neutrophiles et aux plaquettes, le rôle attribué aux monocytes/macrophages dans le choc allergique doit donc être affirmé avec précaution en raison de la perturbation de l’homéostasie induite par l’ensemble de ces différents traitements.

La souris diffère de l’homme par de nombreux aspects, c’est pourquoi le modèle murin est perpétuellement modelé et amélioré au fur et à mesure des données acquises sur l’homme. Il est possible non seulement de transférer des cellules humaines aux souris (par exemple, des neutrophiles humains (141)), mais aussi d’utiliser des modèles de souris de plus en plus « humanisés » en y faisant exprimer

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des gènes humains. En effet, en plus de l’expression des FcγRs humains, des modèles de souris sont maintenant capables de produire des IgE et/ou des IgG humaines (des souris capables de produire des IgG1 humaines sont présentes dans notre laboratoire mais leur utilisation est pour l’instant limitée en raison de problèmes liés à la commutation de classes et notamment une coproduction d’IgG1 humaines et d’IgG murines après immunisation), de différentier des neutrophiles humains (260) ou des plaquettes humaines (à la condition de dépléter préalablement les macrophages murins)(261). Ces modèles se veulent toujours un peu plus proche de la situation chez l’homme.

Pourtant, une souris la plus humanisée qui soit ne sera jamais l’équivalent de l’homme. C’est pourquoi, malgré les conditions d’urgence dans lesquelles survient le choc allergique, l’analyse d’échantillons de sang de patients ayant développé un choc allergique est primordiale pour confronter les résultats obtenus chez la souris aux données cliniques de l’homme. L’étude clinique NASA (Neutrophil activation during systemic anaphylaxis) menée par différents hôpitaux et deux équipes de recherche en collaboration dont la nôtre, montre une corrélation entre l’augmentation de l’expression du marqueur d’activation plaquettaire P-sélectine et la sévérité du choc (grades de sévérité 1 à 4) chez des patients ayant développé un choc anaphylactique aux curares (résultat préliminaire en cours d’analyse, article 2). Par ailleurs, une autre étude mentionne une thrombocytopénie de 60% observée chez deux patients ayant développé un choc anaphylactique à des antibiotiques (observations non publiées dans (232)). Ces données cliniques pourraient confirmer mes observations chez la souris et, à plus grande échelle, renforcerait l’idée que chez l’homme les plaquettes jouent un rôle majeur dans le choc allergique, ce qui ouvrirait l’accès à de nouvelles pistes thérapeutiques (voir article 2).

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VI. Enseignements tirés des modèles murins : « mieux » traiter

l’anaphylaxie chez l’homme

A l’heure actuelle, le choc allergique peut être mortel dans certains cas et il existe uniquement un traitement symptomatique qui consiste principalement en l’administration d’adrénaline. Au vue du mécanisme physiopathologique mis en évidence au cours de mon projet de thèse, différentes stratégies thérapeutiques sont proposées pour contrer le développement du choc anaphylactique chez l’homme.