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Modèle d’étude des récepteurs Fc aux IgG

le modèle passif. En effet, si nous prenons l’exemple des mastocytes humains exprimant le FcγRIIA, le FcεRI et le FcγRI (après induction in vitro par de l’IFN-γ) à leur surface, la stimulation simultanée de ces récepteurs conduit à une dégranulation augmentée des mastocytes (246). Nous pouvons donc supposer que la présence simultanée de plusieurs classes d’immunoglobulines amplifie ou même régule négativement (après co-engagement avec le FcγRIIB) la réaction anaphylactique. L’observation d’un taux important de mortalité dans les modèles actifs en comparaison des modèles passifs pourrait notamment être expliquée par l’action simultanée de différentes classes d’immunoglobulines. Par ailleurs, il existe probablement aussi une compétition au sein des classes d’immunoglobulines pour fixer l’allergène.

D. Modèle d’étude des récepteurs Fc aux IgG

1. Les souris knock-out

L’approche consistant à utiliser des souris déficientes pour un FcγR spécifique permet d’étudier l’impact du manque de ce récepteur dans le choc allergique mais présente certaines limites dans l’interprétation de son rôle exact dans la pathologie.

Comme montré dans l’article 1, les souris déficientes pour un FcγR spécifique peuvent avoir des expressions altérées des autres FcγRs (139). Par exemple, les souris déficientes pour le FcγRIII expriment davantage de FcγRIIB inhibiteur à la surface des neutrophiles et des monocytes Ly6Clo. Ainsi, dans les souris FcγRIII-/-, la contribution potentielle des autres FcγRs activateurs (FcγRI et FcγRIV) pourrait être amoindrie/masquée par l’inhibition induite par le FcγRIIB surexprimé à la surface des neutrophiles et des monocytes Ly6Clo. Le rôle nécessaire que mon travail attribue au FcγRIII dans les trois modèles d’anaphylaxie passive pourrait donc être surévalué. A l’inverse, les souris déficientes pour le FcγRIIB ont une expression augmentée du FcγRIIII et du FcγRIV. Cette augmentation pourrait accentuer la sévérité du choc allergique dans les souris FcγRIIB-/- et pourrait surévaluer le rôle inhibiteur du FcγRIIB dans les PSA induite par des IgG1 et des IgG2b (139). En revanche, les souris déficientes pour le FcγRIV ne semblent pas avoir d’expression altérée des autres FcγRs et constituent un bon modèle pour étudier la contribution de ce FcγR. Par

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ailleurs, les souris déficientes pour la sous-unité γ (FcRγ) initialement créées pour évaluer la contribution du FcγRIII et du FcεRI chez la souris ont certainement abouti à des conclusions un peu hâtives (247). En effet, les trois FcγRs activateurs murins (FcγRI (248), FcγRIII et FcγRIV) requièrent la présence de FcRγ pour être exprimés à la surface de la cellule et être fonctionnels. Par ailleurs, en plus des FcγRs, d’autres récepteurs utilisent FcRγ comme unité de signalisation intracellulaire, par exemple le complexe du TCR (T-cell receptor) à la surface des cellules NK (249), le récepteur au collagène GPVI à la surface des plaquettes (171), OSCAR, Mincle, etc (250,251). Ainsi, les souris déficientes pour FcRγ présentent de nombreux dysfonctionnements en raison de l’absence de plusieurs récepteurs et glycoprotéines de surface, leur utilisation a très probablement surestimé le rôle attribué aux FcγRIII et aux FcεRI.

Avant de conclure sur le rôle d’un FcγR en particulier, il est donc nécessaire de garder à l’esprit que les souris déficientes pour un FcγR particulier ou pour FcRγ présentent des inconvénients qui sont inhérents au modèle d’étude.

2. Les anticorps bloquants

Une autre approche pour étudier la contribution de chacun des FcγRs consiste à utiliser des anticorps bloquants « spécifiquement » un FcγR. Cependant, ces anticorps bloquants ont le plus souvent été testés dans le contexte d’un seul FcγR exprimé à la surface d’une cellule et non pas de plusieurs FcγRs coexprimés à la surface d’une même cellule. En effet, une fois la portion Fab de l’anticorps bloquant liée à son FcγR cible, la portion Fc libre est potentiellement capable de lier d’autres FcγRs adjacents, même si ceux-là sont de faible affinité et ne devraient donc pas se lier à des anticorps sous forme monomérique. Le blocage dit « spécifique » est donc parfois remis en cause pour certains anticorps utilisés par le passé : c’est le cas du FcγRIV. Une étude récente a montré que l’anticorps bloquant le FcγRIV par sa portion Fab, bloque aussi le FcγRIII présent à la surface d’une même cellule par sa portion Fc (252). Cette cellule aurait alors une capacité moindre à interagir avec les complexes immuns IgG/antigène en circulation via le FcγRIII et cela induirait un choc moins sévère voire une abolition du choc, conduisant finalement à une erreur d’interprétation sur le rôle nécessaire attribué au FcγRIV. Il est probable que le rôle de ce récepteur évalué chez les souris sauvages ait donc été surévalué par cette

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approche; néanmoins, l’utilisation de souris exprimant uniquement le FcγRIV dans cette même publication a montré que ce récepteur reste suffisant à induire un choc allergique (141).

Le rôle nécessaire du FcγRIIA dans les souris VG1543 (167) ainsi que son rôle suffisant dans les souris FcγRIIAtg (article 2 + (140)) ont été déterminés suite à l’utilisation d’un anticorps bloquant le FcγRIIA. Comme décrit ci-dessus avec l’anti-FcγRIV bloquant, il faut rester prudent quant à l’utilisation des anticorps bloquants. Néanmoins, le rôle suffisant du FcγRIIA repose sur deux approches différentes qui aboutissent à la même conclusion : l’utilisation des souris FcγRIIAtgFcγRnull en comparaison des souris FcγRnull et l’utilisation de l’anticorps bloquant le FcγRIIA dans les souris FcγRIIAtgFcγRnull (Article 2). Nous pouvons donc proposer l’hypothèse que chez l’homme le FcγRIIA serait suffisant à induire un choc allergique.

Pour remédier au problème de la liaison non spécifique de certains anticorps bloquants par leur portion Fc d’autres FcγRs, l’utilisation de Fab pourrait être une bonne alternative. Néanmoins, leur principal inconvénient étant leur temps de demi-vie très court, une utilisation des Fab in vivo nécessite une adaptation du protocole d’administration (augmentation de la dose, répétitions des injections). La solution que nous avons choisie consiste à cloner ces anticorps dans une matrice d’IgG1 humaine mutée afin de ne plus pouvoir se lier aux FcγRs.

3. Les souris transgéniques

Les souris transgéniques permettent une étude mécanistique du choc allergique avec un ou plusieurs FcγRs humains. Cependant, deux désavantages majeurs du transgène sont que l’emplacement du transgène dans le génome est inconnu et que, même s’il est sous le contrôle de son propre promoteur, son expression n’est pas toujours fidèle à l’expression humaine. Ceci est par exemple le cas des souris FcγRItg qui expriment de manière constitutive le FcγRI à la surface des neutrophiles alors que son expression est uniquement induite à la surface des neutrophiles humains activés (253). Cependant avec cette approche, l’expression cellulaire du FcγRIIA dans les souris FcγRIIAtg semble correspondre à celle observée chez l’homme (160). Un autre inconvénient du transgène est l’intégration dans le génome de multiples copies qui,

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dans un premier temps, peuvent augmenter ou diminuer l’expression d’autres gènes non ciblés et, dans un deuxième temps, peuvent se perdre progressivement au cours des générations de souris. Par exemple, dans les souris FcγRIIAtg, l’expression du FcγRIIA évaluée par cytométrie en flux sur plusieurs générations de souris a permis de garantir que son expression était bien stable au cours du temps.

4. Les souris knock-in

La contribution des FcγRs humains a également été évaluée à l’aide des souris VG1543 (167) dans lesquelles le locus murin de chaque FcγR a été remplacé par le locus du FcγR humain équivalent. Il s’agit donc d’un knock-in d’une seule copie de chacun des FcγRs humains (excepté le gène codant le FcγRI humain qui n’est pas contenu dans ce locus) sous le contrôle de son propre promoteur et dans le contexte de son environnement génomique. Cela laisse anticiper que l’expression cellulaire de chacun de ces FcγRs humains est bien représentative de celle observée chez l’homme. Effectivement, l’expression cellulaire de ces souris semble correspondre malgré quelques différences mineures (167). Il est important de noter que les souris VG1543 expriment encore le FcγRI de souris. D’après deux études, ce récepteur ne semble pas participer à la réaction anaphylactique (article 1 ;(139) ; Gillis, et al. J Autoimmunity), à la différence du FcγRI humain exprimé sous forme de transgène dont la contribution a été rapportée (165). En effet, dans un modèle de souris FcγRItg exprimant encore le FcγRIV murin, le FcγRI est suffisant à induire un choc allergique après blocage préalable du FcγRIV à l’aide d’un anticorps bloquant. Ce résultat reste néanmoins à être confirmé dans un modèle de souris n’exprimant plus aucun FcγR murin.

L’utilisation des souris Audrey (knock-in de l’ensemble des FcγRs humains en remplacement de l’ensemble des FcγRs murins) est un outil qui comble les lacunes des souris VG1543 et permettrait de confirmer ou infirmer certains résultats obtenus par le passé avec d’autres modèles. La contribution des FcγRs humains dans ces souris est en cours d’analyse, et semble confirmer les résultats obtenus avec les souris VG1543.

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