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1.4 La nanoantenne

1.4.1 Les plasmons de surface

Dans le domaine optique que nous sommes en train de considérer, on peut faire l’approximation que les électrons de conduction à l’intérieur d’une sphère métallique sont libres et donc non liés aux noyaux atomiques. Cet objet est alors constitué d’un gaz d’électrons libres, dont la densité est égale à celle des ions positifs, les deux groupes de charges occupant le même volume. Comme nous l’avons vu précédemment, lorsqu’une onde électromagnétique va interagir avec cet objet métallique, les charges libres vont être mises en mouvement et vont osciller à la fréquence imposée par le champ électrique incident (figure 1.4). Nous avons également vu que cela induisait localement une perturbation de la neutralité du système mettant en jeu la force de Coulombࡲ. Précisons que cette force possède un large rayon d’action et, de ce fait, les électrons libres vont se mettre à osciller collectivement. Ces oscillations collectives sont appelées oscillations plasma.

Dans les années 1920, le physicien Rudberg fit l’expérience de soumettre un métal à un faisceau d’électrons et de mesurer leur énergie après interaction avec ce métal (spectroscopie par pertes d’énergie des électrons, [8]). Il observa qu’il existait des niveaux précis d’énergie pour lesquels ces pertes survenaient. C’est en considérant le métal comme un plasma quantique (comme décrit ci-dessus) que le concept de quantification de l’énergie d’oscillation plasma a été introduit et nommé plasmon. Le plasmon est donc le quantum de l’excitation collective du gaz d’électrons dont l’énergie est un multiple entier de l’énergie plasma԰߱.

Plus tard, dans les années 1950, Ritchie étudia théoriquement la même expérience mais dans le cas où l’épaisseur de ce métal diminue.[9] Il constata que l’énergie des plasmons diminuait par rapport aux plasmons issus d’un métal plus épais. Ce résultat fut confirmé expérimentalement dix ans plus tard par Powel et

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Swan et expliqué par l’apparition d’ondes de surface évanescentes se propageant à l’interface métal-air. On leur donna le nom de plasmons de surface délocalisés(PSD).

Afin d’extraire leurs propriétés optiques [10], considérons le cas d’un film métallique semi-infini de permittivité ߝ௥௖(݇ǡ ߱ሻ plongé dans un milieu diélectrique 1 de permittivité relative ߝ (milieu considéré sans perte : ܴ݁ሺߝሻ ൐ ͳ et ܫ݉ሺߝሻ ൌ Ͳ) :

Figure 1.4Géométrie choisie pour exprimer le champ électrique associé aux plasmons de surface délocalisés à l’interface entre un milieu métallique de

permittivité ࢘ࢉ et un milieu diélectrique 1 de permittivité. Sous l’action d’un

rayonnement incident, le mouvement des charges + et – se traduit par des ondes de surface dont l’intensité décroit exponentiellement de part et d’autre de l’interface.

A l’interface milieu 1-métal, le champ électrique s’écrit alors :

ൌ ሺܧ௫ଵǡ Ͳǡ ܧ௭ଵሻ݁൫௞ೣభ௫ା௞೥భ௭ିఠ௧൯ (46)

En appliquant les équations de Maxwell et les conditions limites à l’interface métal/diélectrique, on obtient : ە ۖۖ ۔ ۖۖ ۓ ݇݇௫ଵൌ ݇௫௥௖ ൌ ݇ ௭ଵ ߝ ݇ߝ௭௥௖௥௖ ൌ Ͳ ݇൅ ݇௭ଵ ൌ ߝ߱ܿ ቁ ݇ ൅ ݇௭௥௖ ൌ ߝ௥௖߱ܿ ቁ (47) (48) (49) (50) Ces expressions traduisent le fait que :

25 - pour que l’équation (48) ait une solution et donc pour qu’un PSD existe, la partie réelle du métal doit nécessairement être de signe opposé à celle du milieu environnant (rappel :ܴ݁ሺ߳ሻ ൐ ͳ ici) ;

- la relation de dispersion des PSD déduite des équations (48-50) s’écrit sous la forme :

݇߱ܿ ඨߝߝ௥௖ߝ

௥௖൅ ߝ ൌ ܴ݁ሺ݇ሻ ൅ ݅ܫ݉ሺ݇ሻ (51) et nous informe que le champ électromagnétique associé à ce plasmon PSD présente une suite continue de modes propres ;

- si ȁܴ݁ሺߝ௥௖ሻȁ ൐ ͳ et ߝ ൌ ͳ alors ܴ݁ሺ݇ሻ ൐ et ݇ devient complexe. C’est la description d’une onde évanescente et cela est caractéristique d’une onde de surface dont l’amplitude décroit exponentiellement selon z de part et d’autre de l’interface.

Cette onde de surface créée se propage selon l’axe x mais l’oscillation des électrons est atténuée du fait des pertes par effet Joule dans le métal. On définit alors une longueur de propagation LPSD associée aux PSD, qui correspond à l’atténuation de 1/e de l’intensité des oscillations, telle que :

ܮ௉ௌ஽ ൌ ȁʹܫ݉ሺ݇ͳ ሻȁ (52)

Cette longueur signifie que les PSD ne restent pas confinés à un endroit précis de l’espace mais se propagent. C’est pourquoi ces plasmons de surface sont dits

délocalisés.

Le PSD étant une onde évanescente (݇ ൐ ߱Ȁܿ), il ne peut être excité directement par une onde lumineuse propagative pour laquelle ݇ ൌ ߱Ȁܿ (droite de lumière). Dans le cas des PSD, la courbe de dispersion de la lumière (߱ ൌ ܿ݇) ne croise donc jamais celle des PSD (figure Nano5). Il ne peut y avoir accord de phase entre les deux ondes, i.e., ߱௉ௌ஽ ൌ ߱‡–݇௉ௌ஽ ൌ ݇. Le couplage entre les PSD et la lumière ne se produit pas naturellement mais sous certaines conditions : il faut augmenter le vecteur d’onde de la lumière incidente pour avoir accord de phase entre les deux ondes. Pour cela, plusieurs stratégies ont été développées soit en utilisant un prisme (configuration Otto [11] ou Kretschmann [12]) soit un réseau. Finalement, le

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rayonnement incident et les plasmons de surface délocalisés forment des modes de surface ou quasi-particules appelées plasmons de surface-polaritons.

Dans le cas où le champ électrique incident vérifie l’équation d’onde et en considérant ߱ ب ߱ et ߛ ൌ Ͳ, on peut simplifier l’expression du modèle de Drude (équation 27):

ߝ௥௖ ൌ ͳ ൅ ܰȁ݁ȁ

݉ߝെ߱ͳ2ൌ ͳ െ߱߱2 (53) En introduisant l’expression deߝ௥௖ dans l’équation (51), on obtient la relation de dispersion des PSD dans le cadre du modèle de Drude :

߱ሺേሻ ൌሺʹߝͳ

ଵȀଶቂെ݇ܿሺߝ൅ ͳሻ ൅ ߝ߱േ ൣሺ݇ܿሺߝ൅ ͳሻ െ ߝ߱െ Ͷߝ݇ܿ߱ଵȀଶଵȀଶ

(54) On remarque en figure 1.5 que la relation de dispersion est en dessous de la droite de lumière ߱ ൌ ܿ݇. Au dessus, la lumière ne peut pas se propager dans le matériau. Pour les grandes longueurs d’onde (petits k), ߱ tend vers 0 et l’onde se propage normalement. Pour les petites longueurs d’onde (grands k), ߱ tend vers߱Ȁඥͳ ൅ ߝ et l’onde ne se propage que pour des fréquences proches de ߱.

Figure 1.5 – Relation de dispersion des plasmons de surface délocalisés (courbe noire) dans un milieu métallique semi-infini comparée à la droite de lumière (courbe pointillée).

27 A présent, nous allons réduire encore les dimensions du matériau métallique considéré en passant du film à la nanoparticule métallique et ainsi aborder le cas du comportement d’une antenne nanométrique dans le domaine du visible.

Du fait de la réduction de la taille à l’échelle nanométrique, les plasmons de surface restent confinés à l’intérieur de la nanoparticule. Ils sont donc appelés

plasmons de surface localisés (PSL) et présentent également un fort confinement du

champ électromagnétique autour de la nanoparticule. A l’inverse des PSD, ces modes de surface sont radiatifs et peuvent donc se coupler directement à la lumière. L’application d’une énergie incidente correspondant à l’énergie des PSD donne lieu à la condition de résonance de plasmons de surface localisés (RPSL). Celle-ci peut se mettre directement en évidence par spectroscopie d’extinction. L’extinction rend compte des pertes d’intensité d’un faisceau lumineux dues à son absorption et sa diffusion par les particules composant un milieu quelconque (le principe de conservation d’énergie donne : extinction = absorption + diffusion). Elle permet de déterminer la position spectrale de la RPSL. Les positions des RPSL vont non seulement dépendre du milieu environnant comme dans le cas des PSD mais également de la taille et de la forme de la nanoantenne.