• Aucun résultat trouvé

Chapitre VI : Synthèse de nanoparticules

VI. 1.1 – Plasmas dans un liquide

L’un des critères de classification d’un procédé de synthèse de nanoparticules est la

distribution en taille des particules produites. Cela revient à définir un temps caractéristique

de germination et de croissance de la particule, temps qui est directement lié à son temps de

résidence dans le réacteur (ou la zone) de synthèse : plus le temps est long, plus la particule

sera grosse, et plus la distribution de taille risque d’être large. On utilise la distribution de

temps de séjour (RTD, en anglais pour Residence Time Distribution). Ce paramètre est

souvent contrôlé par la géométrie du réacteur et tend vers une valeur limite dans le cas des

micro-plasmas dans les gaz. Toutefois, dans des conditions extrêmes, agir sur les paramètres

expérimentaux peut améliorer la situation [Bor2009, Bor2011]. En augmentant les débits de

gaz, il est possible de repousser cette limite vers des valeurs suffisamment faibles pour obtenir

des distributions quasi-monodisperses avec des tailles de quelques nanomètres [Hou2011].

Malheureusement, cette approche souffre de très faibles rendements de production. Une

solution pour diminuer la valeur du paramètre RTD tout en conservant de forts rendements de

production de nanoparticules consiste à générer un micro-plasma dans un liquide. L’avantage

de cette méthode est d’avoir un plasma confiné dans des volumes encore plus faibles que ceux

rencontrés dans les micro-plasmas tout en disposant d’une grande quantité de matière. En

effet, la pression régnant dans le plasma devient suffisamment élevée pour diminuer en

conséquence la longueur de Debye (jusqu’à 50 nm) et permettre la formation de

nano-plasmas, ce qui diminue le RTD tout en disposant de fortes quantités d’espèces réactives

[Dob2013, Wag2005]. Un RTD faible conduit donc à réduire la durée de germination, ce qui

induit une synthèse de nanoparticules de faibles tailles (de l’ordre de quelques nanomètres)

avec des distributions relativement étroites. Enfin, la synthèse de nanoparticules en phase

liquide est sans risque pour l’expérimentateur tant que les nanoparticules restent confinées

dans le liquide.

Deux méthodes principales sont aujourd’hui utilisées pour la synthèse de nanoparticules : i) le

plasma est en contact avec la surface du liquide et sert de sources d’électrons, et ii) le plasma

est créé dans le liquide.

Plasma en contact avec la surface du liquide : dans cette configuration, le liquide est

souvent une solution aqueuse contenant les éléments que l’on souhaite synthétiser. Par

exemple, une solution de H2PtCl6 conduit à la synthèse de nanoparticules de platine en

utilisant un plasma réducteur d’hydrogène [Koo2005, Shi2007]. D’autre part, l’utilisation

191

d’une solution de HAuCl4 conduit à la synthèse de nanoparticules d’or dont la géométrie

dépend du temps de réaction et du pH du milieu (fig. VI.1) [Fur2007, Hie2008].

Figure VI.1 : Exemple de nanomatériaux synthétisés par plasma en contact avec les liquides :

a-a’, b-b’, et c-c’) nanoparticules d’Au [Mar2010] et d) nanoparticules de Pt/C [Shi2007].

Il a été démontré que la réduction d’une solution aqueuse est possible sans utilisation

d’hydrogène [Fur2007, Fur2009]. Cette méthode de synthèse a eu lieu en plaçant un plasma

qui ne contient pas d’hydrogène (DBD-jet d’He [Fur2009], par exemple) à la surface de la

solution qui contient un précurseur métallique. Par injection d’électrons dans le liquide, le

plasma réduit le précurseur, ce qui permet la croissance de nanomatériaux. Le principal

avantage de ce genre de procédés est qu’ils fonctionnent dans des conditions normales de

température et de pression sans agents réducteurs. Ceci rend la méthode particulièrement

simple d’utilisation et conduit à des produits totalement biocompatibles.

Sankaran et al. [Ric2008, Chi2010, Cha2010] ont utilisé le principe d’une cellule

électrochimique composée d’un électrolyte, d’une anode et d’une cathode. L’anode est un

matériau solide métallique (e.g. Ag) et la cathode est un plasma généré au-dessus de

l’électrolyte. En effet, la dissolution des éléments métalliques de l’anode (réaction

d’oxydation) crée des ions métalliques qui seront réduits à la cathode par le plasma. Cette

réaction n’est autre qu’une germination permettant la synthèse de nanoparticules.

Plasma créé dans le liquide : dans cette configuration, les électrodes sont immergées

dans le liquide. La nature des électrodes ainsi que celle du liquide peuvent conduire à la

formation d’une grande variété de nanoparticules (en termes de taille, de structure, et de

composition chimique). Les caractéristiques électriques de la décharge, courant et tension,

sont des paramètres supplémentaires ayant une influence sur la nature des particules

synthétisées.

192

Les produits peuvent être de différentes natures : nanoparticules (NP), nanotubes (NT),

particules de structure ‘coeur-coquille’, nanocornes, grosses molécules (polyynes), etc. On

peut voir figure VI.2 une variété de produits obtenue par des décharges dans des liquides.

Figure VI.2 : Exemple de nanomatériaux carbonés par décharges dans les liquides.

A titre d’exemple, voici une liste de travaux concernant la synthèse de produits carbonés.

Concernant la synthèse de nanotubes de carbone (NTCs), Antisari et al. [Ant2003] ont utilisé

deux électrodes en graphite plongées dans de l’eau dé-ionisée ou dans de l’azote liquide pour

produire des NTCs sous 100 A et 50 V. Biro et al. [Bir2003] ont utilisé des électrodes en

graphite dans de l’eau sous 45–85 A et 40 V pour synthétiser des NTCs multi-parois.

Charinpanitkul et al. [Cha2009], en utilisant des électrodes en graphite et en fer dans l’azote

liquide, ont réussi à synthétiser des produits carbonés (NP, nano-cornes et de NTCs

multiparois) et des structures Fe-cœur et C-coquille sous 50–250 A.

Abdullaeva et al. [Abd2012] ont utilisé des électrodes en carbone (contenant 9 % de cobalt) et

de l’éthanol comme liquide. Sous 3 A et 150 V, les produits sont des NPs de Co-cœur et

C-coquille. En utilisant des électrodes en nickel et sous 1,5 A et 160 V dans l’éthanol, ils ont

synthétisé des NPs de Ni-cœur et C-coquille. De même, avec des électrodes en Fe sous 1,5 A

et 170 V, les produits qu’ils ont obtenus étaient des NPs de Fe-cœur et C-coquille. A noter

[Abd2012]

a) b) c)

d) e) f)

j) h) i)

[Abd2012] [Abd2012]

[Ant2003] [Ant2003] [San2002]

193

que ces NPs sont de nature magnétique et ont une distribution de tailles comprises entre 20 et

30 nm.

Guoa et al. [Guo2009], en utilisant des électrodes en graphite et une solution d’acide

chloroplatinique sous 30 A et 25 V, ont réussi à synthétiser des oignons de carbone supportés

par des nanoparticules de platine.

Okada et al. [Oka2007] ont utilisé plusieurs types d’électrodes (graphite, molybdène, fer et

nickel) pour créer une décharge dans le toluène sous 1–20 A et 15–20 V. Ils ont remarqué que

lorsque les électrodes sont en graphite ou en molybdène, les produits synthétisés sont des

nano-oignons de carbone. En revanche, pour des électrodes en Fe ou en Ni, les produits sont

respectivement des nanoparticules de Fe-cœur C-coquille et Ni-cœur C-coquille.

La synthèse de diamants par cette méthode (décharge électrique dans les liquides) reste un

objectif à atteindre. Or, la synthèse de diamants peut uniquement avoir lieu dans des

conditions de décharges haute pression et haute température. Ces dernières sont souvent

atteintes dans le cas de l’ablation laser dans un liquide [Yan2007a] ou dans celui d’explosions

suffisamment énergétiques [Dol2004].

La littérature contient énormément de travaux sur la synthèse de nanomatériaux, lesquels

témoignent de la richesse de ce domaine. Cependant, les mécanismes de synthèse d’un point

de vue thermodynamique et cinétique restent obscurs. On remarque de fortes similitudes entre

la synthèse de nanomatériaux par décharge dans un liquide et celle par ablation laser. Dans la

communauté de l’ablation laser, des efforts importants ont été menés pour décrire les

mécanismes de synthèse [Yan2007b].