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Chapitre I : Décharge dans les liquides - bibliographie générale

I. 6.2 – Classification et modes de propagation d’un streamer

Une classification des streamers nécessite de considérer leur vitesse de propagation en

fonction de leur polarité. On peut ainsi facilement identifier 4 situations : (i) vitesse rapide,

(ii) vitesse lente, (iii) polarité positive et (iv) polarité négative.

Ce type de classification revient principalement à choisir la durée du pulse de tension

appliquée comme paramètre de sélection (plus la durée du pulse est courte, plus la

propagation de streamer est rapide) selon la polarité de l’électrode pointe (streamer positif et

streamer négatif). Un exemple de propagation est donné sur les figures I.11 – I.12 – I.13.

Figure I.11 : Développement d’une décharge positive subsonique dans l’eau, d=10 mm, rayon de

la pointe=1.5 mm, décalage (de gauche à droite) de 317, 425 et 538 µs, tension appliquée : 25 kV

[Tou2006].

Figure I.12 : Développement d’une décharge positive supersonique dans l’eau, d=2.8 cm, rayon

de la pointe=150 µm, décalage (du gauche à droite) de 252, 1850 et 3700µs, tension appliquée :

30kV [Tou2003].

a b

Figure I.13 : Image obtenue par ombroscopie d’une décharge a) pointe négative / plan et b)

pointe positive / plan dans de l’huile de transformateur à la pression atmosphérique [Kol2008].

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En réalité, les explications concernant les processus fondamentaux qui gouvernent le mode de

propagation d’un plasma sont très nombreuses et complexes et forment un point essentiel des

discussions de la communauté scientifique, mais les progrès ont été considérables dans ce

domaine grâce aux performances des technologies modernes notamment en termes de

résolutions spatiale et temporelle. En général, on peut associer une décharge en mode rapide à

l’accélération des charges et une décharge en mode lente à des processus de changement de

phase ou à un mouvement de fluide. Les modes lents et rapides de propagation sont aussi

qualifiés de modes subsonique et supersonique, respectivement [Ber1998]. Bruggman et Leys

[Bru2009a] et An et al. [An2007] ont aussi proposé cette distinction entre deux types de

streamers.

1. Le streamer lent (appelé aussi streamer primaire) apparaît pour une tension pulsée de

faible amplitude et remplit un hémisphère de taille micrométrique autour de la pointe. La

vitesse de propagation d’un tel streamer est de l’ordre de 100 m s‾1

.

2. Le streamer rapide (appelé aussi streamer secondaire) apparaît à partir d’une tension

seuil (qui dépend de la géométrie expérimentale) et est considérablement plus long qu’un

streamer primaire. La vitesse de ce type de streamers est de l’ordre de 10 - 100 km s‾1

.

La polarité de la tension appliquée conduit à différents phénomènes d’initiation, de formation

et de propagation de la décharge [Kol2008, Ush2007, Ber1998, Mas2001]. A titre d’exemple,

la polarité agit sur la phase d’initiation (au niveau des processus d’émission d’électrons en

polarité négative ou de trous en polarité positive) et sur la morphologie d’un streamer : un

streamer positif est filamentaire ; en revanche, il devient buissonneux en polarité négative

dans les mêmes conditions expérimentales (fig. I.13).

En tenant compte d’autres paramètres expérimentaux, on peut effectuer une classification plus

détaillée. Du point de vue historique, la première classification de streamers positifs a été

proposée par Hebner en 1987 [Heb1987]. Elle est aussi basée sur la vitesse de propagation des

streamers. Cet auteur a proposé trois modes de propagation. En 1998, Lesaint [Les1998,

Les2012] a précisé et a étendu la classification de propagation de streamers en 4 modes en se

basant sur leurs vitesses de propagation. En 2007, Ushakov [Ush2007] a aussi conclu à quatre

différents modes de propagation en se basant sur les résultats expérimentaux obtenus sur des

commutateurs et des décharges partielles. On retrouve en substance les modes de propagation

proposés par Lesaint pour les streamers positifs.

Classification de Hebner [Heb1987] : Hebner a identifié différents modes de développement

d’un streamer dans des liquides non polaires. Pour une géométrie pointe/plan, il a décrit

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par un simple filament de taille micrométrique et se développe à partir de la cathode avec une

vitesse subsonique (~ 102 m s‾1). Dans une seconde phase, le filament unique se ramifie en

donnant naissance à d’autres filaments fils qui se propagent à la même vitesse (subsonique).

Dans une troisième phase, un seul canal se développe vers l’anode avec une vitesse sonique.

La vitesse augmente de plus en plus quand le canal s’approche de l’anode, c’est la quatrième

phase.

Pour une pointe anodique, Hebner décrit seulement trois phases du développement d’un

streamer. Le streamer est toujours initié par un unique filament se propageant à une vitesse

subsonique (identique à la phase d’initiation quand la pointe est cathodique). Ce filament se

transforme en une structure branchée évoluant à une vitesse plus grande d’un ordre de

grandeur (4×103 m s‾1) que lorsque la pointe est cathodique. Dans la troisième phase, la

vitesse de propagation du streamer augmente encore d’un ordre de grandeur. L’observation

détaillée de toutes ces étapes n’est pas toujours possible, et dépend des paramètres

expérimentaux (temps d’application du champ, distance inter-électrodes, etc.).

Classification d’Ushakov [Ush2007] et de Lesaint [Les2012] : D’après Ushakov et Lesaint,

le premier mode de propagation d’un streamer positif est identifiable par une vitesse de

propagation subsonique, entre 102 et 103 m s‾1, et par un courant électrique de l’ordre de 10−4

A (dans les huiles). Le streamer, dans ce mode, est caractérisé par la formation de branches de

forme hémisphérique (qui reproduisent les lignes du champ dans le gap interélectrodes) et par

une faible intensité d’émission du rayonnement lumineux. Par la suite, ces branches sont

converties en des microbulles qui génèrent une faible onde de choc.

Figure I.14 : Images typiques de streamers positifs dans une huile minérale de transformateur

(de gauche à droite, Mode 1 Mode 4) [Les2012].

Quelques microsecondes après l’initiation, nombre de canaux (typiquement entre 2 et 6)

apparaissent et se propagent vers la contre-électrode. Une augmentation de la section du canal

de quelques micromètres a été aussi notée. Ce second mode de propagation d’un streamer

positif est identifiable par une vitesse de propagation de l’ordre de 104

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d’une décharge dans de l’huile de transformateur, la vitesse du second mode dépasse la

vitesse du son dans le milieu) et une intensité d’émission lumineuse plus importante que celle

du premier mode. Dans ce mode, la longueur des canaux est proportionnelle à la tension

appliquée.

Le troisième mode de propagation apparaît pour une tension seuil U1 > Ub (tension de

claquage), le nombre des canaux qui se propagent de la pointe tend à augmenter. Ce mode

contient deux sous-étapes : la première est appelée ‘étape rapide’, la vitesse est de l’ordre de

104 m s‾1 et dure de 1 à 3 µs. L’étape rapide s’appelle aussi étape d’ « initiation d’un

streamer ». La deuxième étape est appelée ‘étape lente’ et est similaire au second mode de

propagation avec une vitesse de l’ordre de 103 m s‾1. Quand la vitesse de propagation d’un

canal augmente linéairement avec l’augmentation de la tension, une décharge rapide se forme.

A partir d’une tension seuil Ua(tension d’accélération), un canal (ou deux) se propage(nt) à

partir de la décharge initiale (canaux sphériques) avec une vitesse ultra-rapide qui dépasse les

105 m s‾1 et remplit la plupart de l’espace interélectrodes. C’est le quatrième mode de

propagation d’un streamer positif. Dans ce mode, la vitesse augmente aussi avec la tension

appliquée.

La transition d’un mode à un autre est produite en augmentant la tension appliquée, comme le

montre la figure I.15.

Figure I.15 : Vitesse moyenne de propagation des streamers positifs en fonction de la tension

appliquée et formes des streamers dans chaque mode de propagation. Pointe polarisée

positivement, gap = 10 cm, rayon de la pointe = 100µm ; enregistrements pour les différents

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Ceccato [Cec2009] a aussi donné le même type de classification des modes de propagation

d’un streamer positif. Il y a ajouté une correspondance entre les terminologies utilisées pour

ces modes.

Premier mode = streamer primaire = mode primaire (PPS : positive primary streamer).

Seconde mode = streamer secondaire = mode secondaire (PSS : positive secondary streamer).

Troisième mode = streamer tertiaire.

Quatrième mode = streamer quaternaire.

Autres classifications pour les streamers dans l’eau : Le streamer primaire (streamer

subsonique) a de faibles densité électronique, température et pression. Sa propagation est

induite par une série de pics de courant et des avalanches électroniques dans une succession

de bulles de vapeur. Ce processus s’arrête quand le champ électrique de la pointe est

suffisamment élevé pour que la formation d’un streamer secondaire soit possible. Ces

résultats ont été confirmés en 2007 par des travaux expérimentaux [An2007] où il est

néanmoins apparu que la théorie de la propagation d’un streamer secondaire initiée à partir

des bulles n’est pas acceptable. An et al. [An2007] ont vérifié que la dissociation et

l’ionisation des molécules en volume expliquait plus convenablement leurs résultats. Cela

résulte de la forte intensité du champ électrique en tête du streamer primaire. La mesure du

champ électrique autour de la tête du streamer est possible par effet Kerr. C’est une mesure

interférométrique du déphasage de la lumière dans le liquide due à la contrainte induite par le

champ. Ce type de mesure montre que le champ à la tête d’un streamer est six fois plus

intense que celui appliqué entre les électrodes [Sar2006].

Lisitsyn en 1999 [Lis1999] a expliqué que la propagation d’un streamer secondaire

(streamer supersonique) est liée au phénomène d’évaporation de l’eau au niveau et autour de

la pointe. Cet argument est basé sur le fait que la quantité de puissance injectée est suffisante

pour vaporiser une importante quantité de liquide. Cet auteur a indiqué aussi que le

phénomène d’ionisation dans la phase liquide joue un rôle majeur sur la propagation du

streamer.

I.7 – Influence des paramètres expérimentaux sur les