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II bis Externalités environnementales et territoire : essa

2. Arrière plan théorique et empirique

Dans ce travail, on cherche à mesurer l’effet de variables environnementales dans la formation du prix d’un bien de qualité hétérogène, en l’occurrence le prix d’habitation. On recourt ainsi à la MPH, dont les fondements théoriques ont été spécifiés principalement par

Sherwin Rosen (1974). Comme pour beaucoup d’applications existantes, notre travail se limite à ce qu’il est convenu d’appeler « la première étape » de la MPH. Cette première étape a pour objet d’estimer la fonction de prix hédoniques, sans chercher à prolonger l’investigation par le calcul des fonctions d’offres et de demandes supposées déterminer les prix en question. Ainsi :

P = P(a), [1]

désigne la fonction hédonique qui relie le prix d’une maison à un vecteur (a) de variables intrinsèques à la maison et de variables extrinsèques, autrement dit des variables de localisation. Le prix hédonique, pour une unité additionnelle d’une caractéristique particulière ai est donné par la dérivée partielle de P(a), conformément à la caractéristique en question.

Pai = ∂P/∂ai [2]

Notre approche fait partie de celles qui considèrent la qualité de l’environnement comme variable extrinsèque, explicative des valeurs immobilières, et plus précisément, testent les diverses installations porteuses d’externalités négatives : décharges, sites pollués, établissement à risques, etc. De ce fait même, l’analyse, le plus souvent, se spatialise et retient, comme variable pertinente, la distance aux installations considérées.

Des études, présentant les mêmes caractéristiques que celles qui viennent d’être brièvement décrites, se sont multipliées ces 15 dernières années. Une synthèse, parue en 1998, dans Ecological Economics (Farber, 1998) a permis de faire un premier bilan sur la base de 25 études s’échelonnant de 1971 à 1995, mais avec une majorité d’entre elles postérieures à 1989. Les types d’installations traitées sont variables, mais avec une fréquence spécialement élevée pour les sites pollués et les décharges diverses. Le traitement d’évènements est plus rare (accident de Three Mile Island ou pollution au PCB par exemple). Toutes les études sont, sans exception, américaines. En ce qui concerne les résultats, une certaine variabilité est bien sûr observable, mais l’auteur parvient, néanmoins, à mettre en évidence des régularités suivant les types d’installations ou événements. Par exemple, plusieurs études relatives aux sites pollués (Smith, Desvouges, 1986 ; Michaels, Smith, 1990 ; Kohlhase, 1991) conduisent à une dépréciation du prix immobilier de l’ordre de 3,500 $ par mile d’éloignement (en dollars de 1993).

Depuis le travail de synthèse de Stephen Farber (1998), d’autres analyses sont venues compléter les enseignements obtenus. Sans souci d’exhaustivité, on relèvera de nouveau une majorité de travaux portant sur l’impact des sites pollués (Kiel, 1995 ; Dale et al., 1999 ; Gayer et al., 2000 ; Kiel, Zabel, 2001 ; Ihlanfeldt, Taylor, 2004 ; Brasington, Hite, 2005), des études sur les décharges (Hite et al., 2001), d’autres sur l’impact des centrales nucléaires (Folland, Hough, 2000) ou du transport des déchets nucléaires (Gawande, Jenkins-Smith, 2001).

Le tableau IIbis 1 récapitule les principales caractéristiques de ces études. Précisons que leur contenu est d’une telle richesse, notamment du point de vue des résultats, qu’il n’est pas possible de le restituer intégralement. En ce qui concerne les principaux résultats, susceptibles de nous intéresser dans notre étude comparative ultérieure, on notera, par exemple :

− que les modèles s’appuyant sur des formes log-linéiares conduisent à des élasticités de 0,029 (Brasington, Hite, 2005) et jusqu’à 0,051 dans l’article de K. Kiel (1995) ;

− que les modèles recourant à une spécification semilog font apparaître des variations de prix (toutes choses égales par ailleurs) allant de 0,22% (Kiel, Zabel, 2001) à 2% par mile (Dale et al., 1999).

Cette dernière étude est spécialement intéressante, parce qu’elle se rapporte à un objet similaire au nôtre. Elle traite en effet d’une fonderie de plomb dans la région de Dallas. Précisons que le pourcentage de 2% de la valeur immobilière moyenne par mile correspond à la période antérieure à l’annonce du traitement du site et qu’il équivaut à 1,130 $ pour la période 1979-80 (en dollars constants de 1979).

En satisfaisant aux conditions minimales de comparabilité, (conversion euros/dollars et monnaie constante), ces résultats seront rapprochés de ceux issus de notre étude française (section 5).

87 Étude Type

d’application

Spécification testée

Expression de la distance Principaux résultats obtenus Kiel, 1995 Impact de sites

pollués Log-linéaire Log de la distance au site pollué le plus proche Élasticité variant de 0,034 à 0,051 selon la période en considérant les seuls coefficients significatifs.

Dale et al., 1999 Ancienne fonderie

de plomb Semilog Distance en miles par rapport à la fonderie et variable de zone (dummy)

2% de la valeur de la maison par mile, soit 1130$ ($79) (avant traitement du site et sans considération de la dummy).

Gayer et al., 2000 Impact de sites

pollués Semilog et Box-Cox Distance en miles au site le plus proche 1,2 à 1,4% par mile, soit un gradient de 857$ à 1,085$ ($96). Folland, Hough, 2000 Impact de centrales

nucléaires

Log-linéaire et Box-Cox

Dummy pour la présence d'une installation nucléaire

Elasticité de -0,061 à -0,1 selon le model log linéaire. «Les données révèlent un effet de l’installation proche de 10% de la valeur de la terre*» (p. 749). * valeur de la terre agricole.

Kiel, Zabel, 2001 Impact de sites pollués Semilog et méthode des « splines » 3-D, pour D<3 et 0 pour D>3, avec formes polynomiales

Pour le premier demi-mile, le consentement à payer, en % de la valeur moyenne de la maison s’établit entre 2,5 et 15% selon période et type d’équation (soit entre 3.800 et 22.200$ ($92)).

Hite et al., 2001 Impact de décharges

Triples moindres carrés non linéaires

Forme quadratique L'éloignement d'une habitation de 3,25 miles par rapport à une maison proche d'une décharge se traduit par une augmentation du bien-être annuel moyen variant de 18 à 20% selon la décharge (p. 199). Gawande, Jenkins-Smith, 2001 Transport des

déchets nucléaires

Linéaire et Box Cox

Variables croisées : distance

× dummy (suivant région) « après que les expéditions aient démarré, le gain net en valeur associé à une localisation à 5 miles de la route par rapport à une propriété proche de la route, est de 3% de la valeur moyenne de la maison » (p. 229-230).

Ihlanfeldt, Taylor, 2004 Impact de sites

pollués Linéaire Inverse de la distance au site % variation de prix entre 0,5 et 2 miles : 23 (appartements), 36 (bureaux), 12 (commerces), 3 (établissements industriels), 16 (terrains vacants) (cf. p. 126).

Brasington, Hite, 2005 Impact de sites

pollués Log-linéaire Log de la distance au site pollué le plus proche Élasticité de 0,029 (p. 73).

Zuindeau, Lille 1, 2008 © 2009 Tous droits réservés.

Un autre aspect important de plusieurs travaux existants est l’étude de l’évolution dans le temps de l’impact des installations à externalités. L’analyse peut distinguer les deux périodes, précédant et suivant un accident (Gamble, Downing, 2001), différencier les diverses étapes de reconnaissance de la mise en œuvre d’un équipement polluant (Kolhase, 1991 ; Kiel, McClain, 1995) ou considérer les périodes antérieure et postérieure au traitement d’un site pollué (Dale et al., 1999 ; Kiel, Zabel, 2001). Notre cas d’étude ne permet pas de distinguer des sous-périodes particulières qui justifieraient, comme dans les exemples précédents, des changements de comportements des agents dans les transactions immobilières. Simplement, il est possible de supposer une montée progressive des préoccupations, alimentée par une diffusion d’informations (presse, tracts…) de plus en plus importante, qui devrait impliquer une accentuation de l’effet dépréciateur sur les valeurs immobilières. Le traitement économétrique intégrant le temps prévoit, par conséquent, une analyse « année par année » (Smolen et al., 1992), avec des variables croisées.