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Théorie de la régulation et environnement

C. Nature des instruments de régulation

4. Pistes de recherche

L’ensemble de propositions théoriques ici spécifié appelle des éléments de validation assurément plus précis et plus complets que les quelques illustrations qui viennent d’être considérées. Deux types d’analyses sont à envisager : historiques et comparatives.

4.1. Analyses historiques

L’approche régulationniste est familière des analyses de temps long, portant sur un pays particulier. Les exemples de monographies sont multiples, montrant comment une économie a évolué dans le temps, passant d’un régime d’accumulation à l’autre, modifiant plus ou moins sensiblement ses formes institutionnelles et le mode de régulation. La proposition ici envisagée serait de voir comment le rapport économique à l’environnement évoluerait lui- même durant la période concernée. Reprenant les trois composantes de notre grille analytique, il s’agirait de voir quelles seraient les caractéristiques précises et leur transformation éventuelle : des types d’effets de l’économie sur l’environnement, des modes de gestion des problèmes environnementaux, des effets en retour de l’environnement dégradé sur les activités économiques.

À cet égard, et cherchant à éviter un « biais structurel », il y a lieu de mettre l’accent sur le rôle clé des acteurs, précisant leurs caractéristiques et leur évolution. Si la théorie de la régulation a parfois eu tendance, par le passé, à ignorer ce rôle, des travaux récents ont cherché à pallier cette insuffisance (i. e. Lordon, 2003 ; Chanteau, 2003 ; ou pour le domaine environnemental en particulier, Gendron, 2001).

Un point particulier à creuser, non encore évoqué dans ce qui précède, est l’importante question des crises. L’analyse régulationniste considère en général deux types de crises : les « petites » et les « grandes ». Les petites crises révèlent des déséquilibres partiels et provisoires dans les régimes d’accumulation. Même si leurs effets économiques et sociaux peuvent ne pas être négligeables, elles sont dépassées dans le cadre et en s’appuyant sur le mode de régulation en vigueur. À l’inverse, les grandes crises (la crise des années 30, celle de la fin des années 70) marquent l’épuisement d’un mode d’accumulation et appellent la recherche d’un nouvel ensemble « régime d’accumulation / mode de régulation ». Vis-à-vis de ces deux types de crises, et en se basant sur des monographies territoriales (en particulier d’échelon national), il serait intéressant d’analyser l’état du rapport économique à l’environnement dans la crise (voir, sur ce point, Gendron, 2001, p. 115 sqq.). Quelles sont les conséquences de la crise sur l’environnement ? Dans quelle mesure le rapport à l’environnement contribue-t-il à l’avènement ou à l’accentuation de la crise ? Dans quelle mesure, en particulier, la « seconde contradiction » (James O’Connor) exerce-t-elle un rôle plus ou moins significatif ? Quelles sont les implications de la crise et de son éventuel dépassement sur les modes de gestion de l’environnement ? Voilà quelques questions qui pourraient être traitées dans le cadre d’une telle approche. Surtout, il serait intéressant de rapprocher ce type de réflexions des analyses, relevant de l’économie écologique, et se focalisant sur des notions telles que la capacité de charge, la résilience ou encore l’irréversibilité.

4.2. Analyses comparatives

La méthodologie régulationniste attache aussi un intérêt particulier aux approches comparatives (Théret, 1997 ; Boyer, 2002 ; Amable, 2005). La dimension comparative est même au cœur de son programme de recherche. En reconnaissant une variété de formes du capitalisme et en offrant une analyse de cette variété, les auteurs régulationnistes sont ainsi plus à même de contester l’idée d’une universalité des « bonnes politiques ». Au contraire, comme les formes institutionnelles et leur mode d’agencement sont différents d’une économie à l’autre, il est ainsi possible de justifier que les politiques économiques pertinentes sont elles- mêmes variables selon cette variété de formes.

Avec une telle perspective, l’étude des formes variables du rapport économique à l’environnement selon les contextes économiques nationaux peut s’avérer tout à fait intéressante. Par rapport au point précédent, on passe en quelque sorte d’une analyse

historique à une analyse géographique, mais les variables-clés de l’approche sont identiques : effets économiques sur l’environnement, politiques environnementales, effets en retour de l’environnement sur l’économie.

Une contribution importante existe déjà, qui reprend une telle perspective comparative appliquée à l’environnement : c’est celle d’Alain Lipietz (1997). Reprenant un travail de Benhaim et al. (1991), Lipietz montre comment se positionnent les différents pays (au début des années 90) dans la politique relative au changement climatique. Sur la base de plusieurs critères concernant le niveau de développement atteint, les conditions de production et la consommation énergétique, il apparaît que les différents pays considérés (une centaine) peuvent être classés suivant deux axes principaux : le niveau de développement économique et la contribution, par unité produite, à l’effet de serre. Or, les pays les plus actifs dans la politique de lutte contre l’effet de serre sont ceux qui sont aussi à la fois les plus développés et les plus propres (Scandinavie, Allemagne, Japon), tandis que les États-Unis, par exemple, sont plutôt dans une attitude d’opposition, du fait d’une contribution importante à l’effet de serre, et en dépit d’un niveau de développement élevé. Lipietz retrouve, dans la typologie obtenue, la classification qu’il a par ailleurs établie et théorisée des différentes économies nationales, selon leur démarche de dépassement du fordisme : rigidité ou flexibilité, d’une part, et type d’implication négociée, d’autre part.

Dans le prolongement de ce type de travaux, la section 5 vise à la construction d’une typologie des pays en fonction de leur situation et de leurs politiques environnementales et à la rapprocher d’une typologie régulationniste, elle-même élaborée à partir d’agencements- types des formes institutionnelles (Amable, 2005).

Une autre application possible, toujours dans le registre comparatif, a trait aux différentes attitudes d’entreprises face à la gestion de l’environnement. Les travaux sont nombreux qui positionnent les entreprises selon leur comportement plus ou moins actif ou, au contraire, plus ou moins passif, face aux contraintes environnementales. Ces typologies, en définitive, sont plutôt descriptives et ne cherchent pas, en règle générale, à expliquer les comportements observés à l’aide d’autres caractéristiques touchant à l’organisation de l’entreprise, sa stratégie, son positionnement vis-à-vis du modèle tayloriste ; ni ne tentent, pour le moins, de faire apparaître des corrélations éventuelles entre les attitudes face à

l’environnement et les autres variables économiques. Il y aurait là, pourtant, une voie tout à fait prometteuse que la démarche d’analyse proposée permettrait d’emprunter12.

5. Une tentative d’application : classer les pays selon leurs impacts environnementaux et