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L’une des questions que pose l’installation dans une région d’un virus ciblant les animaux de production est l’opportunité de la mise en place d’une stratégie de contrôle.

De manière générale, le choix d’une stratégie de lutte pour une maladie donnée dépend de plusieurs facteurs (Saegerman et al., 2011) :

- la prévalence réelle de la maladie, - le contexte socio-économique,

- le système de surveillance de la santé animale,

- le programme mis en place par les autorités sanitaires.

Dans le cadre du SBV, il n’y a pas de programme officiel de surveillance et de mesures régulières de l’impact du virus. Par ailleurs, l’impact socio-économique est faible dans nos pays. Comme décrit dans l’introduction, l’espèce ovine, principalement à cause de sa reproduction saisonnière, paye le plus lourd tribut à la maladie. Si la spéculation ovine avait été la principale activité d’élevage en Belgique, l’impact ressenti de la circulation du SBV aurait probablement été différent ; il en résulte que l’investissement dans une stratégie de lutte spécifique contre le SBV ne semble pas nécessaire ou rentable.

Au vu de l’aspect cyclique des réémergences, si un plan de lutte devait être décidé, la mise en place d’une vaccination annuelle systématique généralisée semblerait disproportionnée en regard de la faible circulation du virus lorsque l’immunité de troupeau est élevée. Il semblerait donc plus opportun de décider d’un suivi du taux de ruminants domestiques séropositifs de manière à évaluer le niveau d’immunité de troupeau. Une campagne de vaccination pourrait être décidée à partir d’un seuil de séroprévalence jugé à risque parce que trop faible. Dans leur étude de suivi de la séroprévalence dans les troupeaux ovins en Belgique, Sohier et al., 2017b, remarquent que la séroprévalence générale passe de 84% en 2011 à 26% en 2015. Or, comme le montre notre étude, 2016 est une année de recirculation intense. Au vu de ces résultats, l’ordre de grandeur d’un tel seuil pourrait se situer vers 30-35% suivant le niveau de sécurité attendu. Cependant, la dynamique de transmission des arbovirus dépendant en grande partie de la dynamique des populations d’arthropodes, une telle stratégie devrait s’accompagner d’une recherche approfondie des facteurs influençant le comportement, la répartition et

Discussion et perspectives

séroprévalence chez les cervidés sauvages n’est pas le facteur déclenchant des pulsations. Limiter un tel plan de lutte aux ruminants domestiques semble donc une mesure suffisante pour la gestion des phases de résurgence de SBV.

Bien qu’aucun plan de lutte officiel n’ait été décidé, la question de la vaccination a été investiguée, d’une part, de manière très concrète, par plusieurs firmes, qui ont commercialisé en 2012 des vaccins sur base d’autorisations de mise sur le marché (AMM) provisoires (SBVvax, Mérial ; Bovilis SBV, MSD Santé Animale). Ces vaccins utilisaient des virus inactivés. D’autre part, plusieurs études ont investigué des pistes de mise au point de vaccins plus complexes. A titre d’exemple, on peut citer une étude démontrant l’efficacité de Virus-Like Particles (VLP) d’origine végétale pour présenter des épitopes des protéines Gn et Gc du SBV (Hassani-Mehraban et al., 2015). D’autres auteurs ont utilisé des virus atténués par délétion de la protéine non-structurale NSs démontrant leur capacité à induire une protection tout en offrant une possibilité de marquage pour différencier la réponse vaccinale et l’exposition à un virus sauvage. Il est intéressant de noter que, bien que l’absence de la protéine NSs atténue fortement la virulence du SBV, quelques mutations dans la protéine Gc suffisent à compenser cette délétion en conférant au virus délété une virulence équivalente aux souches sauvages en modèle murin (Varela et al., 2016). La délétion de la protéine NSs ne pourrait donc pas être un mécanisme d’atténuation suffisamment sûr pour une souche vaccinale.

Enfin, plusieurs vaccins sous-unitaires ont été testés sur base de vaccins à ADN (Boshra et al., 2017) ou de virus recombinant (poxvirus : Modified Vaccinia virus Ankara ou herpèsvirus : herpèsvirus équin de type 1) (Wernike et al., 2018b). Ces deux équipes ont choisi d’exprimer la partie N-terminale de Gc et ont démontré l’installation d’une immunité protectrice. En effet, la partie N- terminale de Gc contient des peptides déterminants pour la neutralisation de l’infection par une série d’anticorps monoclonaux (Roman-Sosa et al., 2016). Cependant, il faut noter que la partie N-terminale de Gc a été également décrite comme une région hypervariable (Coupeau et al., 2013a; Fischer et al., 2013). Il semble donc risqué de choisir ce domaine de Gc pour construire un plan de lutte vaccinal, les variants capables d’évader l’immunité vaccinale pouvant apparaître assez rapidement. Ce phénomène dans lequel le domaine le plus protecteur et immunogène des glycoprotéines de surface est aussi le plus variable est bien décrit chez le virus influenza. Pour ce dernier, l’immunité cible avant tout la tête globulaire de l’hémagglutinine (Jang et Seong, 2014). Les anticorps qui accompagnent cette réponse sont protecteurs mais cette protection est aisément contournée par les nouvelles souches présentant des mutations au niveau de la tête de la protéine. La recherche de vaccins pan-influenza travaille donc à forcer la production d’anticorps ciblant la tige de la protéine. Ces anticorps ont un effet protecteur étendu à un nombre de souches plus important que celui des anticorps dont la cible est la tête globulaire (Jang et Seong, 2014).

Discussion et perspectives

Il faut noter que l’équipe de Boshra et al., 2017, a également utilisé la vaccination par ADN pour induire une réaction immunitaire protectrice ciblant la proteine N. On peut se demander par quel mécanisme une exposition à la protéine N formant la nucléoprotéine qui est enfouie dans le virion peut engendrer une protection. Le mécanisme le plus évident est la stimulation d’une réponse cellulaire cytotoxique (Tizard, 2012). Cependant, les anticorps anti-N peuvent également jouer un rôle. Pour le virus influenza, il a été démontré qu’une lignée de souris déficientes en anticorps n’est pas protégée par une vaccination sous-unitaire avec la nucléoprotéine. En revanche, un certain niveau de protection peut être observé en transférant le sérum des souris immunisées contre la nucléoprotéine à des souris naïves (Carragher et al., 2008). Les anticorps anti-NP sont produits suite à l’exposition de l’antigène NP à la surface des cellules infectées ou lors de la lyse des cellules infectées qui permet un relargage de NP dans le milieu interstitiel. Les auteurs de cet article suggèrent que les anticorps anti-NP, bien que ne bloquant pas l’entrée du virus dans la cellule, peuvent promouvoir une cytolyse par le complément, amplifier la réponse des cellules T et réduire, de manière indirecte, la réplication virale.