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La place de la privation de soins et d’aliments

Dans le document L’âge en droit pénal spécial (Page 99-101)

Section 1 : Un regroupement d’infractions spécifiques au mineur

B- La place de la privation de soins et d’aliments

247. L’incrimination de privation de soins et d’aliments est réprimée par l’article 227-15 du Code pénal, au titre donc des atteintes aux mineurs et de la famille. La particularité du chapitre, comme nous l’avons vu, est le lien du comportement avec le rattachement familial. Cependant, la ratio legis de l’incrimination de privation de soins et d’aliments semble être moins la protection de la famille que la protection de l’intégrité physique du mineur.

248. Au-delà d’être un membre de la famille, le mineur est une personne humaine, mais de par sa particulière faiblesse il est dans une situation de dépendance à l’égard de ses parents relativement à son entretien. En effet, certaines personnes sont légalement tenues de pourvoir aux besoins des mineurs, les parents dans la majorité des cas, mais aussi d’autres personnes exerçant l’autorité parentale. Ils sont donc les seuls à qui l’on peut reprocher une telle infraction, puisqu’on ne saurait reprocher une abstention à celui qui n’était pas tenu d’agir. Le résultat juridique de l’infraction réside dans un dommage corporel du mineur, rappelant ainsi celui des violences. En effet, l’incrimination était antérieurement à la réforme du Code pénal placée dans la division relative aux violences volontaires1, la sanction variant selon le résultat constaté. Il

s’agissait d’une infraction de commission par omission.

249. La réforme du Code pénal a entrainé un déplacement de l’infraction au sein de la division relative à la protection du mineur, et plus spécifiquement dans la section relative à la mise

en péril des mineurs. Or, la mise en péril ne nécessite pas de dommage effectif, c’est une infraction

formelle, le simple risque est érigé en résultat légal. On peut donc en déduire que le législateur a fait de l’infraction de privation de soins et d’aliments une infraction formelle, il n’est plus nécessaire de constater une atteinte effective à la santé du mineur, il suffit que le comportement

1 Anc. Art 312 du Code pénal : Quiconque aura, volontairement, porté des coups à un enfant âgé de moins de quinze ans, ou aura

commis à son encontre des violences ou voies de fait, à l'exclusion de violences légères, sera puni suivant les distinctions ci-après : 1° De trois mois à trois ans d'emprisonnement et d'une amende de 500 F à 20.000 F, s'il n'en est pas résulté une maladie ou une incapacité totale de travail personnel de plus de huit jours ; 2° De deux ans à cinq ans d'emprisonnement et d'une amende de 5.000 F à 100.000 F s'il en est résulté une maladie ou une incapacité totale de travail personnel de plus de huit jours ;3° De la réclusion criminelle à temps de dix à vingt ans s'il en est résulté une mutilation, une amputation, ou la privation de l'usage d'un membre, la cécité, la perte d'un œil ou d'autres infirmités permanentes ou la mort sans que l'auteur ait eu l'intention de la donner. Si les coupables sont les père et mère légitimes, naturels ou adoptifs, ou toutes autres personnes ayant autorité sur l'enfant ou chargées de sa garde, les peines encourues seront les suivantes : 1° Le maximum de l'emprisonnement sera porté au double dans le cas prévu au 2° ci-dessus ;

2° La peine sera celle de la réclusion criminelle à perpétuité dans les cas prévus au 3° ci-dessus.

Les privations de soins et d'aliments imputables aux père et mère légitimes, naturels ou adoptifs, ou à toutes autres personnes ayant autorité sur l'enfant ou chargées de sa garde, seront punies suivant les distinctions prévues à l'alinéa précédent.

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de l’agent ait été susceptible de la mettre en danger. La protection du mineur est ici effectivement renforcée, tant il est souhaitable d’éviter la survenance du dommage. Bien que le législateur utilise le terme de compromettre, signifiant exposer à un danger, à une atteinte, à un risque1, la

jurisprudence semble de manière contraire à la lettre du texte exiger qu’il résulte un dommage corporel de la privation2.

250. Ensuite, à l’article 227-16 du Code pénal, le législateur a prévu l’incrimination du comportement de délaissement lorsque le résultat est la mort du mineur, l’infraction étant alors sanctionnée de 30 ans de réclusion criminelle. Cette incrimination est elle aussi placée dans le chapitre VII alors même qu’il y a un dommage corporel constaté chez le mineur. Afin de respecter la cohérence de construction du Code pénal, il aurait peut-être été plus judicieux de placer cette infraction auprès des atteintes à la vie de la personne. Cependant, on peut affirmer de manière certaine que lorsque le résultat d’une infraction est le décès de la victime, l’incrimination ne saurait se situer, de manière rationnelle, dans une section relative à la mise en péril.

251. Mais le plus surprenant reste qu’entre l’infraction formelle et l’infraction matérielle dont le résultat est la mort, aucun palier n’est prévu. Alors que pour les violences, une gradation de la répression est prévue selon la gravité du résultat provoqué chez la victime (absence d’ITT, mutilation, mort, etc.), celle-ci ne trouve pas sa place pour le mineur. Entre l’absence de dommage et la mort de la victime, aucune incrimination spécifique n’est prévue. Le principe de légalité pénale empêchant d’assimiler un comportement de commission à des faits d’omission, les faits ne peuvent être appréhendés par l’incrimination de violences volontaires. Si la privation de soins ou d’aliments conduit à une mutilation ou à une longue incapacité du mineur, il faudra appliquer les sanctions de l’infraction formelle, soit 7 ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende. Rappelons qu’en cas de mutilation du mineur, les faits de violence sont susceptibles d’entrainer la criminalisation du comportement3, ce qui ne saurait être le cas en cas d’abstention

de soins des parents, alors que le résultat pourra être le même. « Heureusement que la volonté de protéger les plus faibles a été le leitmotiv des travaux préparatoires dans l’élaboration de cette partie du code ! »4.

252. La particularité de la situation du mineur légitime le recours à un chapitre spécifique, mais sa mise en œuvre par le législateur en efface quelque peu la portée. Si le mineur a un chapitre qui lui est consacré, la personne vulnérable dispose elle aussi d’une incrimination spécifique.

1 Dictionnaire Larousse

2 Crim, 12 oct. 2005, Bull. crim., n°259 : « Attendu que, pour relaxer la prévenue, l'arrêt attaqué retient, notamment, que les pièces

produites aux débats révèlent que l'enfant est en bonne santé et que la privation de soins au sens du second alinéa de l'article 227- 15 du Code pénal n'a pas compromis la santé du mineur »

3 Art 222-10 du Code pénal 4 M.-L. RASSAT, op. cit.

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