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Place de l’amélioration génétique dans les politiques d’élevage en Afrique

5.1. Tentatives d’amélioration génétique en Afrique

L’amélioration du potentiel génétique des races locales était perçue par des partenaires au développement comme une alternative crédible dans beaucoup de pays en développement pour répondre à la demande en produits animaux et aussi pour faire face aux menaces précitées.

Des programmes d’amélioration génétique ont été initiés en Afrique par les pouvoirs coloniaux entre la fin de la seconde guerre mondiale et la fin de la période coloniale. L’objectif était de satisfaire la demande des autres territoires coloniaux en produits d’origine animale (Ly, 1989). Les stratégies étaient basées sur la sélection, le croisement ou l’importation des races d’une colonie à une autre. Au Sénégal, le zébu Gobra a fait l’objet de sélection pour améliorer ses performances bouchères au début des années 1950 (Denis et Mbaye, 1985). Il a été en outre croisé avec le taurin N’Dama pour la production d’un animal de trait appelé « métis de Bambey » (13/16 zébu Gobra x 3/16 Taurin N’Dama) dans le bassin arachidier (Denis et Mbaye, 1985). Au Mali, ces tentatives ont concerné d’abord le croisement entre le zébu Peul et le taurin N’Dama dans les années 1950 pour tirer parti de la productivité du premier et de la trypanotolérance du second (Tamboura et al., 1982). Dans d’autres pays, la stratégie consistait à l’introduction des races venant des autres territoires colonisés. Ainsi le bovin Sahiwal a-t-il été introduit du Pakistan vers le Kenya (Ilatsia, 2011). Cette race a fait aujourd’hui du Kenya un des grands pays producteurs de lait en Afrique (Ilatsia et al., 2012). Le bovin N’Dama a aussi été exporté du Sénégal vers les pays d’Afrique Centrale (République du Congo, République Démocratique du Congo (RDC) ou Gabon) du fait de sa grande résistance aux maladies parasitaires en général, et à la trypanosomose en particulier (Okouyi, 2018; Shaw and Hoste, 1991). En RDC, le bovin N’Dama avait fait l’objet de sélection. Un label N’Dama J.V.L (du nom du ranch Jules Van Lancker) a ainsi été créé et exporté dans les autres pays d’Afrique Central comme le Gabon (Okouyi, 2018). Depuis les indépendances, les programmes de sélection initiaux ont continué pour la plupart et d’autres ont été implantés par les Etats mais sous assistance étrangère. En Afrique de l’Ouest, ces programmes ont concerné particulièrement le bovin de race N’Dama. Au Sud du Sénégal, un programme d’amélioration des performances bouchères du bovin N’Dama a été développés dans les années 1970 (Fall et al., 1982). Au même moment, un programme, connu sous le nom de l’Opération N’Dama de Yanfolila (ONDY) a été implanté au Mali pour la production d’une souche N’Dama de Madina Diassa (Tamboura et al., 1982 ; Berti et al., 1995). En Gambie, un programme similaire d’amélioration des caractéristiques bouchères du taurin N’Dama a été développé dans les années 1990 (Bosso et al., 2007). Ces trois programmes d’amélioration génétique du bovin N’Dama feront l’objet d’une analyse détaillée dans le premier chapitre de cette thèse.

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Cependant, parallèlement à ces programmes de sélection, le développement de l’insémination artificielle et la demande accrue en produits laitiers ont orienté les programmes d’amélioration génétique vers les stratégies de croisement et d’introduction des races laitières étrangères. Au Sénégal, ces stratégies basées sur les races étrangères ont été entreprises dès 1963 avec l’introduction d’un cheptel de vaches exotiques en provenance du Pakistan (Red Sindhi et Sahiwal) puis des Montbéliard à partir de 1976 (Ba Diao, 1991). Ces programmes, développés par l’Institut Sénégalais de Recherche Agricole (ISRA), avaient pour objectif d’étudier l’adaptabilité de ces races en vue de leur utilisation ultérieure dans les exploitations intensives situées à proximité des centres de consommation de lait (Ba Diao 1991). Depuis, l’insémination artificielle avec de la semence de races européennes a été le principal outil mobilisé par les pouvoirs publics et les intervenants étrangers pour augmenter la production laitière au Sénégal. Toutefois, le résultat escompté n’est pas bien visible dans ce pays (Seck et al., 2016). Au Maroc, cette stratégie a par contre abouti à une augmentation notable de la production laitière nationale. En accord avec l’analyse présentée ci-avant, cette stratégie a également entrainé une diminution de l’effectif des races locales qui composaient la presque totalité du cheptel bovin au début des années 70 pour ne représenter que 54,1% de l'effectif global dans les années 2000 (Boujenane et al., 2002). Pendant ce temps, au Kenya, cette même stratégie a aussi permis d’améliorer la production laitière, car utilisée au sein d’un dispositif institutionnel et réglementaire différent, faisant notamment appel à la régulation du marché et à un soutien aux producteurs, notamment financé via la taxation des produits laitiers importés (Madalena et al., 2002 ; Rege et al., 2011).

5.2. Cadre réglementaire de l’amélioration génétique au Sénégal

Au Sénégal, le développement du sous-secteur de l’élevage a été fortement marqué par les politiques entreprises en différentes périodes depuis les indépendances (Ly, 1989). Dans ces programmes de développement de l’élevage, l’amélioration génétique des bovins a souvent occupé une place de choix pour augmenter la productivité des races locales (Denis et Mbaye, 1985). La dernière loi-cadre en date est la loi d’orientation agro-sylvo-pastorale (LOASP). Cette loi établit en son article 43 que « l’État, en concertation avec les collectivités locales et les organisations de producteurs concernées, définit et met en œuvre un Plan National de Développement de l’Élevage (PNDE)» (MEPA, 2016). Ce plan, pour être en adéquation avec les objectifs du Plan Sénégal Émergent (PSE), nouveau référentiel des programmes nationaux de développement, a été revisité et actualisé en 2013.

Ainsi, le PNDE définit quatre axes stratégiques de développement de l’élevage : 1. Amélioration de la productivité et de la compétitivité des filières ;

2. Création d’un environnement favorable au développement des systèmes d’élevage ; 3. Amélioration de la mise sur le marché des produits animaux ;

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Chaque axe comprend plusieurs lignes d’action. Ainsi, l’axe 1 a six lignes d’action. L’amélioration du potentiel génétique du cheptel est reprise par la ligne d’action 3. Cependant, d’autres lignes d’action (4 et 5, du même axe) revêtent un caractère transversal pertinent pour l’amélioration génétique, nommément le renforcement des capacités techniques des acteurs des différentes filières et le renforcement des capacités organisationnelles et de gestion des acteurs. En outre, l’axe 4 vise spécifiquement le renforcement du cadre institutionnel, qui est au cœur de l’amélioration génétique. Le document du PNDE souligne que l’amélioration du potentiel laitier est basée sur l’insémination artificielle avec les races exotiques tout en conservant les ressources génétiques locales : qualité bouchère pour le zébu Gobra, trypanotolérance pour le taurin N’Dama (MEPA, 2012).

Le programme de sélection du bovin N’Dama, pour être durable, doit s’insérer dans ce cadre réglementaire et politique mais aussi s’adapter aux mutations environnementales, économiques, sociales et culturelles citées plus haut, ainsi qu’aux objectifs d’élevages des éleveurs.