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7.1. Objectifs de la recherche

Comme indiqué plus haut, les programmes de sélection dans les pays en développement se caractérisent par leur courte durée de mise en œuvre. Nous postulons ici que ce manque de durabilité est causé particulièrement par le défaut d’appropriation de ces programmes par les éleveurs. En effet, la pérennisation des programmes de sélection des pays en développement dépendrait de l’intérêt des bénéficiaires, de la stratégie développée, de l’organisation des parties prenantes et des ressources humaines et financières mobilisées (Kosgey et al., 2006 ; Haille etal., 2011 ; Leroy et al., 2017). Le programme de sélection du bovin N’Dama au Sénégal, étudié dans cette thèse, n’échappe pas à ces caractéristiques. Le cas de la sélection du bovin N’Dama au Sénégal est donc mobilisé ici comme cas d’étude permettant d’investiguer ce défaut d’appropriation. Notre recherche s’insère ainsi dans un questionnement plus large, sur les programmes d’élevage des systèmes à faibles niveaux d’intrants des pays en développement. Son ambition est de questionner les logiques des éleveurs de Kolda et des autres acteurs dans l’adoption et le développement du programme de sélection du bovin N’Dama, afin de faire émerger des mécanismes affectant potentiellement une gamme plus large de programmes. Interprétés comme facteurs de pérennisation du programme, la compréhension de ces mécanismes devrait permettre d’élaborer des solutions pour un renforcement de la durabilité de la stratégie d’amélioration génétique du bovin N’Dama au Sénégal.

L’évaluation des programmes de sélection en Afrique de l’Ouest a particulièrement concerné l’analyse des paramètres zootechniques et génétiques du troupeau de la base de sélection (Bosso et al., 2009 ; Camara, 2012 ; Siddo et al., 2018). Les analyses socio-économiques sur l’utilisation ou l’impact du progrès génétique dans l’amélioration des moyens d’existence des éleveurs restent assez fragmentaires. Toutefois, quelques travaux ont analysé les programmes de sélection bovine sous cet angle socio- économique (Siddo, 2017, Kosgey 2006). Les évaluations de l’impact économique d’un programme de sélection sont rendues difficiles ou sont empêchées par le grand nombre de données qu’ils demandent, collectées sur des périodes longues, et qui font souvent défaut ou sont de qualité peu assurée (Drucker et al., 2001 ; Roosen et al., 2005 ; FAO, 2015). Face à ce manque de données, des méthodes basées sur des sciences de gestion ou sur des approches sociologiques ont été développées ces dernières années pour analyser les programmes d’amélioration génétique dans les pays développés en se focalisant sur leur organisation et/ou sur leur mode de production de connaissances et d’innovations (Labatut et al.,

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2012 ; Selmi et al., 2014). Dans les cas des pays en développement, l’approche sur la multifonctionnalité du bétail, utilisée pour définir les objectifs de sélection, pourrait être utile pour analyser les programmes de sélection, puisque la participation des éleveurs dépend aussi de la prise en compte de leurs objectifs (Abdulai et Huffman, 2005 ; Roosen et al., 2005 ; Philipsson et al., 2011). En outre, l’étude des objectifs et des critères de sélection peut aussi renseigner sur la vision et la stratégie développée par les concepteurs pour le développement de ces programmes. En effet, les perceptions des caractères et des objectifs de sélection montrent une certaine diversité parmi les experts et les prescripteurs des programmes d’élevage (Jabbar et al., 2010). Par conséquent, la pérennisation d’un programme de sélection serait aussi fonction du concepteur. Une analyse axée sur l’opinion des concepteurs aiderait à comprendre les stratégies adoptées et à évaluer le lien entre la durabilité d’un programme de sélection et la vision de ces concepteurs.

La pérennisation d’un programme de sélection dépendrait donc d’un ensemble d’éléments qui doivent être analysés globalement. Notre objectif d’étude repose sur l’hypothèse que les relations entre l’intérêt des éleveurs, évoluant dans un environnement économique et social changeant, et la perception des concepteurs en lien avec la stratégie développée et l’implication des parties prenantes ont un impact sur la durabilité d’un programme de sélection tel que celui de la race N’Dama en Casamance. Chacune de ces composantes ont été étudiées séparément pour évaluer des programmes de sélection ou d’élevage en Afrique (Ayalew et al., 2003 ; Kosgey et al., 2006 ; Philipsson et al., 2011). Nous pensons que ces analyses séparées peuvent être insuffisantes pour comprendre les causes de succès ou d’échec de ces programmes de sélection. L’objectif de notre recherche est de faire une analyse globale de ces relations existant entre ces différentes composantes pour comprendre les causes et améliorer la pérennisation du programme de sélection du bovin N’Dama.

7.2. Questions de recherche

La question de recherche centrale est dès lors la suivante : quelle stratégie globale de sélection faut-il mettre en place pour la pérennisation du programme d’amélioration génétique du bovin N’Dama au Sénégal ? Pour répondre à cette question, nous nous posons les questions spécifiques suivantes : Question 1 : Comment le programme de sélection du bovin N’Dama est perçu par les éleveurs à la lumière des mutations environnementales et sociales en cours et des innovations techniques et institutionnelles développées ?

Cette question nous édifiera, sur l’adaptation du programme face aux innovations et la réponse qu’elle pourra apporter aux objectifs des éleveurs.

Question 2 : Quels sont les déterminants de l’adoption d’une innovation génétique ? Cette question complète et explique les éléments de réponse apportés à la question 1 dans le sens qu’elle aidera à comprendre les facteurs techniques, sociaux et économiques de l’adoption d’une innovation génétique.

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L’étude 3 sur les facteurs déterminant la participation des éleveurs au programme de sélection apportera des éléments de réponse à cette question.

Question 3 : Face aux mutations techniques, environnementales, économiques et sociales (qui seraient liées aux innovations étudiées par la question 1) et aux barrières de participation, quelles sont les parties prenantes à impliquer – sous quelles formes d’organisation et de partenariat – pour la pérennisation du programme d'amélioration génétique ? Les études 4 et 5 apporteront des éléments de réponse à cette question.