• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 1 : Etat de l’art

2. Physique des isolants

2.2. Physique des décharges

2.2.1.Les catégories de décharges partielles

Les décharges partielles (DP) sont des impulsions de courant rapides qui ne conduisent pas à un court-circuit entre deux électrodes. C’est en ce sens qu’il s’agit de décharges « partielles ». Beaucoup de classifications de décharges partielles ont été proposées. Un groupe de travail de la CIGRE (Conférence Internationale des Grands Réseaux Electriques) avait distingué 13 cas en fonction des signaux observés [CIG69]. Kreuger a proposé 4 catégories [KRE93] :

- Les décharges internes : elles se déclenchent dans les zones où la rigidité diélectrique est faible. C’est le cas par exemple d’une cavité gazeuse dans un matériau solide,

- Les décharges de surface : se manifestent en présence d’un fort champ tangentiel en surface de l’isolant,

- Les décharges couronnes : elles apparaissent dans les gaz, air en particulier, au niveau des renforcements localisés du champ électrique dues à la géométrie des électrodes (effet de pointe…),

- L’arborescence électrique : elle se crée sur un défaut d’isolation. La croissance des différentes branches se fait grâce aux décharges.

2.2.2.Mécanisme d’avalanches électroniques

En se plaçant dans la configuration d’un champ électrique entre une cathode et une anode, Townsend définit un premier coefficient α correspondant au nombre d’électrons générés par unité

de longueur pour un électron incident (Équation 1).

Équation 1

𝑑𝑁 = 𝛼𝑁(𝑥)𝑑𝑥 avec N(x) le nombre d’électrons libres à la distance x

Avant d’entrer en collision avec un atome du gaz séparant l’anode et la cathode, l’électron franchit un libre parcours moyen. Lorsque le champ est suffisamment important pour apporter une énergie cinétique suffisante à l’électron, ce dernier également appelé électron germe, lors d’un impact avec

une molécule (ex : Ar, O2…), va permettre d’éjecter un ou plusieurs électrons supplémentaires.

Pour cela, il faut donc que l’énergie cinétique de l’électron (Wcin=eEλ, e la charge de l’électron, E le

champ électrique et λ le libre parcours moyen) soit supérieure ou égale à l’énergie d’ionisation Wion.

Équation 2 𝑊𝑐𝑖𝑛 = 𝑊𝑖𝑜𝑛 𝑒𝑈𝑠 𝑑 = 𝑊𝑖𝑜𝑛(𝑃,𝑑) 𝑈𝑠 = 𝑑 𝑒 𝑊𝑖𝑜𝑛 (P, d)

où p la pression du gaz et d la distance inter-électrodes.

A partir de cette valeur de tension seuil, les électrons accélérés par le champ électrique vont tour à tour percuter d’autres molécules entrainant une multiplication électronique : l’avalanche de

Townsend [TOW10] (Figure 8).

Figure 8: Représentation schématique de la multiplication électronique

La succession de plusieurs de ces avalanches conduit aux décharges partielles mesurées couramment.

2.2.3.Arborescence électrique et rupture d’isolation

La multiplication électronique est la première étape de l’arborescence électrique (Figure 9).

Figure 9: Exemple d'arborescence électrique [EIC76]

Les gaz sont ionisés et les ions accélérés par le champ électrique. Ils génèrent de nouveaux sous-produits qui, lors de leur rencontre avec les matériaux environnants, accélèrent leur processus de dégradation. V e -e -e- Multiplication électronique

électrique peut suffire pour casser des liaisons du matériau: ce dernier est alors dégradé, par agrandissement de la cavité. Lorsque cette dégradation est localement trop importante une arborescence électrique peut apparaitre et conduire au claquage. L’étude de la propagation d’arborescence électrique a fait l’objet de nombreuses études [EIC76] [STO79] [DIS02].

De façon générale, de nombreuses études ont été faites sur la mesure de DP pour des moteurs hautes tensions tournant en courant alternatif sinusoïdal [TET99] [CAP06] mais beaucoup moins ont été réalisées sur les liens entre les DP et les alimentations basse tension [GRU08] et à MLI (Modulation de la Largeur d’Impulsion) [KAU00] [FAB05].

2.2.4.Loi de Paschen

La loi de Paschen s’appuie sur le développement d’une avalanche d’électrons, telle que décrite ci-dessus, ainsi que sur le phénomène d’émission d’électron à la cathode suite au bombardement d’ions positifs du gaz (second coefficient de Townsend). A température constante, Paschen décrit la tension disruptive d’un gaz dans un champ électrique uniforme comme étant une fonction simple du

produit de la pression p par la distance d (Figure 10).

Figure 10 : Courbe de Paschen dans l'air à 20 °C [DAK74]

L’allure de cette courbe s’explique par différents phénomènes. A distance constante, lorsque la pression diminue, le libre parcours moyen augmente, la tension seuil permettant le phénomène d’avalanche diminue donc aussi. A très basse pression, étant donné le nombre limité de molécules présentes, l'avalanche ionisante est limitée, entraînant une tension disruptive élevée.

A pression constante, la diminution de la distance inter-électrodes implique une augmentation du

Figure 11: Champ de claquage dans l'air selon la pression et l'épaisseur [KRE89]

Un modèle permet de reproduire [BAD65] [SIL12A], dans un certain domaine de validité compris

entre 75 et 400 kV/mm, la courbe de Paschen (Équation 3).

Équation 3

𝑉𝑐 = 𝐵∗𝑝𝑑

𝐶+ln (𝑝𝑑) avec 𝐶 = ln [ 𝐴

ln (1+𝛾1)]

A et B sont des coefficients propres au gaz obtenus à 20 °C pour une humidité de 11 g/m3. Pour l’air,

A vaut 15 Torr-1.cm-1 et B vaut 365 V.Torr-1.cm-1. Le coefficient γ est appelé second coefficient de

Townsend ou bien coefficient d’émission électronique secondaire. Il s’agit de la probabilité d’extraction d’un électron à la cathode suite au bombardement d’un ion. Ce dernier est dépendant de la nature des électrodes, de leur état de surface ainsi que du gaz. Il varie également en fonction de E/N, N étant le nombre d’entités en jeu, et donc, selon la loi des gaz parfait, en fonction de E/p. Considérer le coefficient γ constant permet cependant une bonne approximation de la partie quasi linéaire de la courbe.

2.2.5.Corrections en pression et température à la loi de Paschen

Afin de prendre en compte d’éventuels écarts aux conditions de Paschen, notamment pour la température et la pression, des corrections ont été établies. Peek [PEE24] définit un facteur correctif

δ afin de tenir compte de ces changements (Équation 4).

Équation 4

𝛿 =293𝑇 760𝑝 avec T la température en Kelvin et p la pression en Torr

Ce facteur amène à un décalage de la courbe de Paschen vers le bas lorsque la température augmente et inversement. Dans son étude, E. Sili [SIL12B] détermine que ce facteur n’est valable

Dunbar et Seabrook [DUN76] s’appuient quant à eux sur la loi des gaz parfaits (Équation 5) et sur la relation de Gay-Lussac pour introduire les effets de la pression et de la température dans la loi de Paschen.

Équation 5

𝑃𝑉 = 𝑛𝑅𝑇

Avec :

- P, la pression (Pa)

- V, le volume occupé par le gaz (m3)

- n, la quantité de matière (mol)

- R, la constante universelle des gaz parfaits (~8,314 J.K-1.mol-1)

- T, la température (K)

Ainsi, si (P0, T0) définissent dans un état donné d’un gaz, la pression P qui règnerait dans ce gaz à la

température T à masse et volume constants peut être calculée selon l’Équation 6.

Équation 6

𝑃0 𝑇0=

𝑃 𝑇

La pression P0 est ensuite remplacée pour donner la loi de Paschen modifiée par Dunbar (Équation 7).

Équation 7 𝑉𝑐 = 𝐵 ∗ 𝑃 ∗ 𝑑 ∗ ( 𝑇0 𝑇 ) 𝐶 + ln (𝑃 ∗ 𝑑 ∗ (𝑇0 𝑇 ))

Ce facteur amène à un décalage de la courbe de Paschen vers la droite lorsque la température augmente et inversement. Dans son étude, E. Sili [SIL12B] détermine que ce facteur n’est valable que pour des variations de distance pour des températures supérieures à 25°C. Il n’est pas valable pour des variations de pression. Le moteur étant amené à fonctionner à des températures au-dessus de l’ambiante, excepté lors de démarrages par température froide, c’est ce facteur correcteur de Dunbar que nous utiliserons par la suite. Sans citer de modèle, Hudon et al. [HUD00] observent une baissent de la TADP sur des paires torsadées de l’ordre de 13 à 15 % entre la température ambiante et 130°C.

2.2.6.Impact du type d’onde sur le niveau de TADP

Outre les conditions environnementales qui impactent les conditions d’apparition des décharges partielles, l’effet du type d’onde de tension appliqué sur les moteurs est un domaine non totalement maitrisé. Des études sur les alimentations MLI ont montré une augmentation des contraintes électriques sur l’isolation, notamment de par les surtensions engendrées qui sont de l’ordre de 25 à 30 % [WRI83] [HUD00] [HWA02] [STO07]. Ces dernières pouvant amener jusqu’à un doublement de la tension nominale [CEI60034]. Cette surtension dépend en particulier de la longueur des câbles d’alimentation et de la vitesse du front de montée [SUN98] [HUD00]. Ne pas mesurer cette surtension au niveau du moteur et considérer pour la TADP la tension d’alimentation

différences de potentiel entre spires au sein d’une même bobine [BEL94] [BIL14] [MBA97]. Des études comparant les niveaux de TADP ont été réalisées et montrent des résultats contradictoires. Selon Guastavino et al. [GUA10], il est observé une TADP inférieure pour une alimentation MLI face à une tension AC sinusoïdale tandis que Foulon et al. [FOU97] ne voit pas d’effet notable de ces types d’onde sur le seuil d’apparition des DP. Ces derniers notent cependant que les énergies des DP sont plus importantes en MLI. Quant à Okubo et al. [OKU04], ils observent une TADP supérieure pour des fronts raides générés par des impulsions en comparaison avec une tension AC sinusoïdale.

2.2.7.La mesure des décharges partielles

Les méthodes de détections des décharges partielles sont variées. Ci-dessous sont décrites quelques une de ces méthodes.

2.2.7.1. La détection radio

Dans le cas d’une détection radio, les ondes électromagnétiques générées par une décharge sont captées par un récepteur à l’aide d’une antenne. Cependant, cette méthode ne permet pas de localiser ni de quantifier les décharges. Cette méthode, développée à Renault avec le laboratoire Laplace [BIL14], sera utilisée pour la comparaison des niveaux de TADP pour différents types de signaux.

2.2.7.2. La détection acoustique

La détection acoustique est basée sur la détection de la pression de l’onde de choc formée par l’activité de la décharge partielle à l’intérieur du matériau diélectrique. Les signaux sont ensuite convertis en son audible.

2.2.7.3. La détection optique

Lorsqu’elles se déclenchent, les décharges partielles émettent une lumière de faible intensité qui se situe dans le domaine du visible ou des UV. Cela nécessite donc généralement de travailler dans une chambre noire. Cela impose également que la décharge ait lieu en surface ou au sein d’un matériau transparent ou suffisamment translucide. La détection se fait au moyen d’une caméra, ce qui permet de localiser les décharges avec précision. Cependant, la corrélation entre l’amplitude de la décharge et l’intensité lumineuse est difficile à établir. Il faut alors utiliser un photomultiplicateur pour pouvoir corréler l’émission lumineuse avec l’amplitude de la décharge.

2.2.7.4. La détection électrique

Il existe deux types de circuit de mesure des décharges partielles :

- Une mesure indirecte : l’impédance de mesure Zm est en parallèle avec l’échantillon

sous test,

- Une mesure directe : l’impédance de mesure est en série avec l’échantillon.

Cette dernière est la plus couramment utilisée et est celle que nous emploierons. Le circuit de

Figure 12 : Schéma de principe de la détection directe des DP [KOL09]

Ctest représente ici la capacité du système testé. Elle est connectée en série avec une impédance de

mesure Zm. Ck est le condensateur de couplage, c’est un condensateur haute tension exempt de

décharges qui va fournir des charges de manière transitoire au système testé. Lorsque qu’une décharge se produit, deux cas se distinguent à nouveau :

- Si Zm est une résistance seule, la réponse du circuit RC (tension aux bornes de Zm) à cette

décharge est une impulsion exponentielle décroissante

- Si Zm se compose d’une résistance plus une bobine, la réponse du circuit RLC est

oscillatoire et amortie

Dans ces deux situations, la hauteur de l’impulsion est proportionnelle à la charge q. Cette dernière peut être obtenue par intégration du courant de décharge.

2.2.8.Analyse et reconnaissance des décharges partielles

De nombreuses études se sont portées sur les mesures et les interprétations des décharges partielles afin d’identifier leurs provenances et ainsi détecter la présence éventuelle de défauts d’isolation [NAT88] [GUL92] [GUT95] [JAM95] [NIE95] [KIM04] [CON09]. Hudon et Bélec [HUD05]

Figure 13 : Figures types de DP et leurs identifications [HUD05]

Un autre défaut donnant lieu à une interprétation clairement définie est la présence de cavité au sein du matériau isolant. Les décharges se produisant à l’intérieur à la cavité donnent lieu à une

figure ressemblant à un corps et une oreille de lapin [GUT95] [NIE95] [KIM04] (Figure 14). Selon Kim et

al. [KIM04], la première décharge présente qui se produit dans le front montant est une décharge de type streamer due à la présence d’espèces électronégatives telles que l’eau ou le CO2 dans la cavité. Ces premières décharges forment l’oreille du lapin tandis que le reste des décharges forment le corps du lapin.

Figure 14 : Figure de DP représentant un "corps et une oreille de lapin" décrivant la présence d’une cavité [KIM04]