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1 Anatomie et physiologie du syst` eme phonatoire

1.3 Le système phonatoire

1.3.5 Physiologie de la phonation

La connaissance et la caractérisation de la structure du pli vocal — modélisations y compris — sont essentielles et surtout à l’origine du développement des théories de la phonation. Dans cette partie, nous apporterons un aperçu historique des différentes théories de la phonation avant de nous concentrer sur la théorie adoptée actuellement dans le domaine. Cette théorie permet de rendre compte de manière satisfaisante du cycle vibratoire des plis vocaux. Enfin, nous examinerons brièvement les différents paramètres acoustiques de la voix.

1.3.5.1 Les théories de la phonation : aperçu historique

A notre connaissance, la première théorie de la phonation a été postulée par Ewald (1898). Il s’agit d’une théorie myoélastique qui considère principalement la vibra-tion des plis vocaux comme passive. Elle stipule que ces vibravibra-tions sont uniquement influencées par l’air expulsé des poumons. Selon lui, les différents paramètres acous-tiques dépendent seulement de la pression sous-glottique et de la tension des plis vo-caux. Husson (1950) pointera plus tard du doigt que cette théorie ne permet pas d’ex-pliquer les variations indépendantes de hauteur et d’intensité.

Plus d’un demi siècle plus tard, Husson (1950) souligne les insuffisances de la théorie de Ewald et propose une théorie avec un modèle vibratoire actif (théorie neuro-chronaxique). La fréquence de vibration des plis vocaux serait induite par la fréquence

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de potentiels d’actions véhiculés par le nerf récurrent. Ainsi, la fréquence du son dépendrait de ces afflux nerveux alors que l’intensité serait liée à la pression sous-glottique. Dans ce cas, nous sommes effectivement en présence de deux mécanismes distincts.

Perello (1962) met, quant à lui, en évidence l’importance de la muqueuse du la-rynx dans la phonation, ce que Husson rejetait totalement. Dans sa théorie muco-ondulatoire, Perello note que la muqueuse du pli vocal semble onduler sous la pression de l’air et que son altération ou inflammation modifie la voix. Il fut l’un des précurseurs dans la mise en évidence duphénomène de Bernouilli(défini à partir de la Théorie Phy-sique des Fluides) adapté au larynx : lorsque l’on fait circuler un fluide dans un tube dont le diamètre varie, on observe une diminution de la vitesse d’écoulement dans les zones où le diamètre du tube est le plus grand et une diminution de la pression dans les zones où le diamètre du tube est plus petit. Dans ce cas, la vitesse devient plus importante. Par définition, la glotte représente un rétrécissement du conduit aérien.

Lorsqu’un flux d’air (suffisamment rapide) circule à travers la glotte entrouverte, une baisse de la pression de l’air est constatée à ce niveau. Cette dépression entraîne l’ac-colement de la muqueuse des plis vocaux et donc la fermeture de la glotte. A ce stade, la dépression disparaît, ce qui provoque l’augmentation de la pression sous-glottique (PSG) et la réouverture de la glotte.

Van Den Berg (1958, 1968), qui s’appuie sur les mêmes arguments que Perello, complète la théorie en restreignant l’action de la muqueuse aux sons les plus faibles.

De plus, sathéorie aérodynamique myoélastiquevise à confirmer le phénomène d’ad-duction, à savoir un rapprochement des aryténoïdes via l’action des muscles inter-aryténoïdiens afin de permettre aux plis vocaux de vibrer.

Sylvestre & MacLeod (1968) proposent, quant à eux, unethéorie neuro-oscillatoire basée sur celle de Husson et précisent que la vibration du pli vocal est essentiellement due au muscle vocal. Ces travaux comparent le muscle vocal aux muscles asynchrones des insectes. Ainsi, l’oscillation dépend uniquement de l’inertie et de l’élasticité des structures en mouvement, après afflux nerveux.

Pour finir, Dejonckere (1981) propose unethéorie oscillo-impédantielle, basée sur la théorie myoélastique de Van Den Berg dans laquelle s’applique le phénomène de Bernouilli. Selon celle-ci, le larynx est en fait un oscillateur à faible amortissement.

En position préphonatoire, les plis vocaux pourraient être mis en vibration par la seule force aérodynamique. En phonation, l’énergie acoustique résulterait de la fluctuation de la PSG. Aussi, l’auteur compare la fréquence des oscillations des plis vocaux à la fréquence des battements d’ailes d’un insecte. Ces oscillations sont réglées par des propriétés d’impédance mécanique des parties vibrantes de la muqueuse. Finalement, le timbre dépendrait de la qualité de l’ondulation qui serait elle même corrélée à la qualité de la muqueuse associée à une vibration régulière des plis vocaux.

1.3.5.2 La théorie actuelle de la phonation

De toutes les théories évoquées précédemment, la théorie adoptée actuellement est celle de Van Den Berg (1958, 1968), laquelle a été complétée par Hirano (1981) et

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jonckere (1981). Cette théorie prend en compte trois facteurs. Premièrement, lefacteur myoélastiquerend compte du fait que l’ondulation du pli vocal dépend essentiellement de la masse de ce dernier, de son élasticité, de sa longueur, de sa tension, de sa rai-deur et de son inertie (Hirano 1981). Les caractéristiques vibratoires sont également corrélées à la longueur et à la tension musculaire du larynx. Deuxièmement, lefacteur aérodynamique précise que l’acte de phonation nécessite un équilibre entre pression sous-glottique (PSG) importante et une basse pression supraglottique afin qu’il se crée un flux transglottique. Enfin, leconcept oscillo impédantielimplique que les deux plis vocaux seraient des oscillateurs qui transformeraient la pression de l’air expiré en une pression pulsée dont la fréquence serait similaire à celle de l’oscillateur.

1.3.5.3 Typologie d’un cycle de vibration des plis vocaux

Cette théorie actuelle de la phonation rend compte de la mise en vibration des plis vocaux. Comme le montre la figure 1.13, en position préphonatoire, les plis vocaux sont totalement fermés (1). Au fur et à mesure, le flux d’air devient plus important dans la partie sous-glottique. La résistance mécanique au niveau des deux plis vocaux serrés est vaincue par cette pression sous-glottique (PSG) qui continue de pousser.

Cette poussée contribue à écarter les deux plis vocaux, en commençant par leur bord inférieur (2-4). La poussée de l’air permet l’ouverture complète de la glotte (5), ce qui abaisse progressivement la PSG. Les plis vocaux se referment par la suite, du bord inférieur vers le bord supérieur, grâce à leur élasticité mais surtout par l’effet Bernouilli (6-8). Ce phénomène physique est caractérisé par un effet de succion des bords libres des deux plis vocaux, soit un effet derétroaspiration. La fermeture glottique permet le rétablissement de la résistance glottique et de la PSG. Finalement, tant que la PSG est maintenue, le mouvement vibratoire des plis vocaux est cyclique.

Figure 1.13 –Schéma d’un cycle complet de vibration des plis vocaux. Les figures du haut représentent une vue supérieure de la glotte et les figures du bas une vue sagittale de la glotte (Ormezzano 2000 :103) (d’après Hirano 1981).

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1.3.5.4 Les paramètres acoustiques de la voix

Il existe quatre principaux paramètres qui caractérisent la voix sur le plan acous-tique et nous renseigne sur son efficacité. Une voix doit être efficace pour que la com-munication puisse s’effectuer sans problème particulier. Les évaluations perceptives et les spectrogrammes6 permettent de décrire les voix, qu’elles soient « normales » ou

« pathologiques ». Dans cette partie, nous décrirons brièvement l’ensemble des para-mètres acoustiques de la voix. Les parapara-mètres pertinents étudiés dans cette thèse seront approfondis dans les chapitres suivants.

La fréquence fondamentale de la voix (F0), mesurée en Hertz, est corrélée à la fréquence de vibration, c’est-à-dire à la vitesse d’exécution des cycles des plis vo-caux. Comme nous l’avons déjà mentionné plus haut, elle dépend de la masse, de la longueur vibrante des plis vocaux, de l’élasticité du système vocal et de la pression sous-glottique. Certains individus peuvent développer des voix plutôt graves, caracté-risées par une F0 basse, tandis que d’autres peuvent avoir une voix davantage aigüe, synonyme d’une F0élevée.

L’intensité d’un son traduit l’amplitude de la variation de pression correspondant à ce son. L’intensité vocale varie avec la pression sous-glottique. L’intensité exprimée en décibels (dB) permet de visualiser l’énergie du sujet pendant son acte phonatoire.

La duréeest mesurée en millisecondes (ms) et secondes (sec). La durée d’un son et, plus largement, de la phrase est mesurable sur un spectrogramme.

Chaque son a son propretimbre. Une voyelle ou une consonne sont qualifiées de

« claires » lorsque l’énergie est principalement regroupée dans les hautes fréquences, c’est-à-dire pour les voyelles, quand il existe une distance significative entre les deux premiers formants7 et pour les consonnes, lorsque les résonances de fréquences supé-rieures sont excitées. Le [i]et le [s]en sont les exemples principaux. Une voyelle ou consonne « sombre », telles le [u] ou le[p], est caractérisée par un regroupement de l’énergie dans les basses fréquences. Les deux premiers formants de la voyelle sont donc regroupés sous 1000 Hz. Quant aux voyelles « centrales », l’énergie est répartie de façon plus uniforme.

La qualité de voix, quant à elle, est un paramètre qualitatif de richesse en harmo-niques et d’agrément vocal. Elle est propre à chaque individu. Comme nous l’avons vu précédemment, une voix efficace correspond à des plis vocaux qui se ferment éner-giquement et s’accolent sur la totalité de leur masse vibrante (voix dite « creaky »).

Au contraire, des plis vocaux qui s’accolent plus que mollement provoquent des fuites glottiques, caractéristiques des voix dites « breathy » ou « voilées ».

Ces paramètres sont utiles aux thérapeutes, professionnels de la voix (orthopho-nistes et médecins), qui peuvent — et doivent — associer ces paramètres acoustiques à d’autres mesures types, telles que le débit d’air par exemple, afin de qualifier au mieux

6. Les spectrogrammes sont des représentations tri-dimensionnelles de la parole. En abscisses, nous distinguons le temps, en ordonnées les fréquences et la noirceur représente l’énergie acoustique. Une description plus approfondie de cet outil sera effectuée dans le chapitre 3, section 3.6.3.2.

7. Les formants sont des zones où les harmoniques sont renforcés. Les harmoniques, quant à eux, sont des multiples entiers de la F0.

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1.4. Le syst`eme articulatoire 29

les voix pathologiques, le but étant d’évaluer les aspects qualitatifs, phonétiques et linguistiques. La rééducation se base essentiellement sur ces évaluations de la voix.