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B. Physiologie et métabolisme de l’articulation saine

2. Physiologie du cartilage

Les protéoglycanes confèrent au tissu cartilagineux une turgescence élastique et une grande résistance mécanique à la pression et à l’amortissement des chocs. Ils participent aussi à la transmission des signaux, à la différentiation et à la prolifération cellulaire.

2.1. Le mécanisme de nutrition du cartilage

Du fait de l’absence de vascularisation, le chondrocyte vit en hypoxie. Le cartilage ne peut être nourri que par l’apport de nutriments de faible poids moléculaire, venus du liquide synovial et qui diffusent au travers de la MEC, grâce aux propriétés viscoélastiques du tissu. L’apport de ces métabolites se fait grâce aux mouvements de l’eau entre le cartilage et la cavité synoviale, eux-mêmes induits par les pressions cycliques s’exerçant sur le tissu (Wang et al. 2013)

Lorsque le cartilage n’est pas sous pression, la perméabilité et les mouvements de l’eau sont relativement faibles. Sous l’effet d’une charge, les liaisons hydrogènes faibles sont rompues, l’eau est chassée dans les régions du cartilage hors charge et vers la cavité articulaire, entrainant avec elle les déchets métaboliques des chondrocytes à l’extérieur du tissu, notamment l’acide lactique. Le phénomène étant réversible, lorsque la charge cesse, un flux inverse se créé, flux allant de la cavité articulaire vers le cartilage, ramenant le cartilage à son hydratation basale, et amenant avec lui les nutriments nécessaires au fonctionnement cellulaire, en particulier le glucose. Un échange continuel s’effectue donc entre les molécules d’eau fixées par les charges négatives des protéoglycanes et la phase libre circulant en dehors du champ d’attraction des protéoglycanes, ce qui contribue à la régénération du cartilage.

2.2. La pression hydrostatique régule la production de matrice par le chondrocyte

De nombreux faits militent en faveur du rôle majeur des forces de pression dans la vie du cartilage normal et dans la genèse de l’arthrose :

• Les lapins soumis à un exercice ont des chondrocytes plus gros que les lapins sédentaires (Paukkonen, Helminen 1987)

• L’immobilisation d’une articulation réduit la synthèse cartilagineuse de prostaglandines (Stoltz 2000)

• Les lésions de l’arthrose débutent dans les zones de charges maximales et une activité physique intense et prolongée favorise l’apparition d’arthrose (Rannou, Poiraudeau, Revel 2001)

2.3. Mécanobiologie du cartilage

L’ensemble des composants du cartilage permet d’assurer le rôle d’amortissement :

§ L’eau, composant majoritaire du cartilage, joue le rôle d’amortissement. Elle permet la déformation du cartilage en réponse aux charges mécaniques par ses mouvements de va et viens.

§ Le collagène donne une force phénoménale de tension au cartilage. L’orientation parallèle de ses fibres permet la résistance aux forces de cisaillement pendant le mouvement.

§ Les protéoglycanes sont responsables de la résistance à la compression du cartilage. § La couche intermédiaire et la couche profonde du cartilage permettent de lutter contre

les forces de compression.

§ L’acide hyaluronique fournit les propriétés viscoélastiques nécessaires à la lubrification du cartilage

Le coefficient de friction (encore appelé coefficient de frottement) du cartilage est très faible. Les irrégularités de surface observées dès les stades précoces de dégénération du cartilage augmentent ce coefficient par trois, ce qui vient aggraver les lésions (ulcération et fissures) : un véritable cercle vicieux mécanique se met en place. Comme nous l’avons vu précédemment, la perméabilité du cartilage aux petites molécules du liquide synovial, notamment les cytokines, va également augmenter.

Le cartilage articulaire est une mince couche de tissu conjonctif spécialisé ayant des propriétés viscoélastiques uniques. Sa fonction principale est de fournir une surface lisse et lubrifiée pour faciliter la transmission des charges à l'os sous-chondral. Pour la compréhension du mécanisme du cartilage, il est plus facile de le considérer comme un milieu biphasique. Le cartilage articulaire est constitué de deux phases: une phase liquide et une phase solide. L'eau est le composant principal de la phase liquide, ce qui contribue à 80% du poids humide du tissu. Des ions inorganiques tels que le sodium, le calcium, le chlorure et le potassium sont également présents dans la phase liquide. La phase solide est caractérisée par

liquide interstitiel fournit une résistance à la compression au cartilage par des forces négatives de répulsion électrostatique (Sophia Fox, Bedi, Rodeo 2009).

L’application initiale et rapide des forces de contact articulaires lors d’une charge entraine une augmentation immédiate de la pression du liquide interstitiel. Cette augmentation locale de pression provoque la sortie du liquide interstitiel hors de la MEC et ainsi la génération d'une grande résistance de frottement sur la matrice. Lorsque la charge de compression est enlevée, le liquide interstitiel retourne dans le tissu. La faible perméabilité du cartilage articulaire empêche le fluide d'être rapidement chassé hors de la matrice. Ces limites permettraient de limiter la déformation mécanique (Sophia Fox, Bedi, Rodeo 2009).

Les protéoglycanes, chargées négativement, vont entrainer un appel d’eau, à l’origine de l’hyperhydratation du cartilage. Le cartilage va ainsi jouer son rôle d’interface articulaire en résistant aux pressions et en amortissant les chocs.

2.4. Effet de l’âge sur le cartilage et comparaison au cartilage arthrosique

L’âge détermine la composition de la MEC ainsi que l'organisation des chondrocytes et leur réponse aux facteurs extérieurs tels que des cytokines. Avec l'âge, il existe des changements dans la distribution des chondrocytes; toutefois, le nombre total de chondrocytes reste inchangé. Les chondrocytes commencent à se faire plus rares dans la zone superficielle, tandis que les couches plus profondes ont un nombre accru de chondrocytes (Sophia Fox, Bedi, Rodeo 2009).

Avec l'âge est également observée une diminution de l'hydratation de la matrice, se traduisant par une augmentation de raideur lors de compression. Cela peut avoir des implications pour l'os sous-chondral, qui peut voir les forces augmentées alors que le cartilage perd sa capacité à subir une déformation réversible. Par ailleurs, la taille des agrégats de protéoglycanes dans la MEC diminue avec l'âge, soit à la suite d'une diminution des sites disponibles de liaison de la chaîne d’acide hyaluronique ou à la suite de dommages protéolytiques pour lier les protéines et leurs chaînes de glycosaminoglycane. La concentration de l'acide hyaluronique augmente avec l'âge, mais cela résulte de l'accumulation progressive de hyaluronane partiellement dégradée plutôt que la synthèse accrue (Sophia Fox, Bedi, Rodeo 2009). Il existe également un rapport modifié de kératine de sulfate et de chondroïtine de sulfate : par rapport au cartilage des jeunes, les aggrécanes des hommes plus âgés ont une proportion plus élevée de

chondroïtine 4-sulfate (Hickery et al. 2003). Chez le nouveau-né, les sous-unités d'aggrécanes sont grandes et les protéines de liaison sont intactes, tandis que chez l'adulte, les sous-unités d'aggrécanes sont plus petites et les protéines de liaison se trouvent fragmentées (Bayliss et al. 1999; Roughley, White 1980).

Des altérations similaires de la taille des monomères d’aggrécanes ont également été rapportées avec l’âge chez les moutons. La fragmentation de la protéine de liaison a été aussi retrouvée dans le cartilage de lapins adultes, fragmentation non présente dans le cartilage des jeunes lapins. Certains de ces changements peuvent résulter d’une altération du métabolisme cellulaire, et d'autres peuvent être le résultat de la dégradation mécanique ou enzymatique de la matrice (Plaas, Sandy 1984).

Des données similaires ne semblent pas encore disponibles pour les chevaux.

Par ailleurs, le réseau de collagène présent à la surface articulaire a une orientation préférentielle, et peut être révélé par l’observation de lignes fendues (dénommées split-lines dans la littérature) à la surface du cartilage, qui varient typiquement d’une articulation à une autre (Bae et al. 2008). Comme vu précédemment la structure du réseau de collagène varie avec la profondeur : elle est essentiellement parallèle à la surface articulaire dans la zone superficielle, en tournant de manière oblique dans la zone médiane, et étant verticale à l'os dans la zone profonde, zone où a lieu l'ancrage des fibres de collagène dans le cartilage calcifié. L'intégrité de la traction diminue avec la profondeur à partir de la surface articulaire, plus on s’éloigne de la couche superficielle et moins la tension est élevée (Bae et al. 2008). La dégénérescence du cartilage articulaire implique une usure de la surface articulaire voir une interruption. Des études sur des modèles morphologiques de l'usure et de la fibrillation du cartilage utilisant l'encre de Chine coloration suggèrent que des lignes parallèles de largeur variable commencent à se former sur les surfaces articulaires (ces lignes sont alors appelées

wear-lines) et progressent ensuite avec le temps vers des zones de noircissement de plus en

plus confluentes et sans direction préférentielle, appelées « overt-fibrillation ». Chez les hommes, passé 40 ans, environ 30% de la surface articulaire des rotules est marquée par ces

wear-lines parallèles et ayant une direction proximale à distale. Avec l’âge, ces wear-lines

surface articulaire représenteraient donc un stade précoce de dégénérescence du cartilage (Bae et al. 2008).

Les chevaux seraient plus prédisposés à développer plus rapidement des érosions linéaires et des wear-lines en association avec la fragmentation ostéochondrale, du fait de leur plus faible épaisseur du cartilage articulaire. Ces lignes d'usure ont été documentées comme étant des fentes verticales dans le cartilage articulaire et pouvant être présentes même dans les articulations faiblement arthrosiques. Ces wear-lines seraient également corrélées avec un pronostic réduit en cas de fragmentation ostéochondrale chez les chevaux de course. Il est présumé que la présence de lignes d'usure indique un changement pathologique précoce (McIlwraith et al. 2010).

Dans les pathologies ostéo-articulaires comme l’arthrose, la dégradation du cartilage s’accompagne d’une rupture de la trame collagénique entrainant une hyperhydratation et une plus grande expansion des protéoglycanes, dont la conséquence est une désorganisation du tissu, une diminution de la concentration en protéoglycanes, qui de surcroît, ont un poids moléculaire réduit. Ainsi, les mouvements d’eau provoqués par une charge ne s’exercent plus majoritairement vers le liquide synovial, mais dans toutes les directions. Par ailleurs, les mouvements inverses, lors de la suppression de charge, se font également de façon désordonnée (Mazières).

Cartilage sénescent Cartilage arthrosique

Diminution de l’hydratation Augmentation de l’hydratation Concentration en PGs inchangée Concentration en PGs diminuée Concentration en collagène inchangée Concentration en collagène diminuée Prolifération chondrocytaire inchangée

ou diminuée

Prolifération chondrocytaire augmentée Activité métabolique inchangée Activité métabolique augmentée

Os sous-chondral normal Os sous-chondral épaissi

Tableau 3 – Bilan entre cartilage vieillissant et cartilage arthrosique.

Le cartilage sénescent correspond à l’usure physiologique du cartilage lorsque celui-ci n’est pas soumis à des contraintes anormales, alors que le cartilage arthrosique correspond à l’usure d’un cartilage ayant soit subi des contraintes anormales sur un cartilage sain ou ayant subi des contraintes physiologiques sur un cartilage non sain (cf. Partie 1, II).