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Le photo-amorceur est le composé qui va initier la réaction photochimique. Comme nous l’avons vu au paragraphe III-1.a, il s’agit d’une composante essentielle de la réaction et notamment de sa cinétique. Araya-Farias et al. [45] ont étudié l’influence de 5 amorceurs différents sur la polymérisation et l’ancrage de monolithe à base méthacrylate dans une puce en PDMS par plan d’expériences. Ils ont démontré que la nature, la concentration du photo- amorceur, la durée d’irradiation UV et l’intensité sont des paramètres critiques.

Pour être efficace, un photo-amorceur doit satisfaire un certain nombre de critères [46] : - être soluble dans le mélange polymérisable,

- présenter une forte absorption dans le domaine d’émission de la source lumineuse utilisée, lumière monochromatique [47, 48] ou polychromatique comme les lampes à mercure [20],

- les états excités singulet et triplet doivent avoir une courte durée de vie (quelques nanosecondes) pour éviter leur désactivation (quenching) par l’oxygène moléculaire ou le monomère,

- les radicaux issus des états excités doivent être produits avec un rendement quantique aussi élevé que possible et être réactifs envers le groupement monomère.

Selon le mécanisme par lequel sont formés les radicaux, les photo-amorceurs sont généralement divisés en deux classes [49]:

 photo-amorceurs de type I qui subissent une rupture homolytique de la liaison en position α par rapport au groupement carbonyle lors de l'irradiation pour donner deux fragments radicalaires [50, 51] (Figure III-23). Dans le cas des photo-amorceurs de type benzoïne éther, le radical benzoyle (Figure III-23) est très réactif avec les monomères vinyliques et acryliques. Le second fragment radicalaire peut également participer à l’amorçage de la polymérisation.

Figure III-23 : Mécanisme photochimique d’un photo-amorceur de type I à base de benzoïne éther [50, 51]

 photo-amorceurs de type II qui sont des cétones aromatiques qui ne subissent pas de fragmentation mais soustraient un hydrogène sur une molécule donneur d’hydrogène avec formation d’un radical cétyle et du radical alkyle du donneur (Figure III-24) [52]. Le radical alkyl amorce ensuite la polymérisation tandis que le radical cétyle se recombine pour former le composé pinacol. Ces photo-amorceurs sont généralement associés à des amines tertiaires ayant des hydrogènes tertiaires très labiles (co- amorceurs) pour créer des polymères [53]. L’amorçage de la polymérisation se fait en général par le radical du donneur d’hydrogène (R•). En revanche, le radical cétyle disparaît essentiellement par réaction de couplage ou par réaction avec les chaînes polymères en croissance.

Figure III-24 : Mécanismes généraux des photo-amorceurs de type II

En l’absence de monomères, le photo-amorceur à l’état singulet retourne à l’état fondamental par conversion interne. Le photo-amorceur à l’état triplet peut être désactivé au contact de la molécule de dioxygène présente dans l’air [54].

Il existe des photo-amorceurs de type I et II qui fonctionnent dans l’UV alors que les photo- amorceurs qui agissent dans le visible appartiennent presque exclusivement au type II (Tableau III-9). Les photo-amorceurs de type I sont les plus utilisés pour la synthèse des monolithes organiques en capillaire et en microsystème [55, 56] contrairement aux photo-amorceurs de type II pour lesquels aucune publication n’est référencée pour l’instant. Comme le montre le tableau III-1, en général, l’initiation est réalisée avec un rayonnement ultraviolet à 365 nm, même si parfois un rayonnement plus énergétique à 254 nm est utilisé.

Tableau III-9 : Différentes classes de photo-amorceurs [57-59]

UV Visible

Type I Type II

Benzoine éther Benzophénone (BP) Titanocène

2,2-diméthoxy-2-phénylacétophénone (DMPA) Thioxantone Oxyde de (2,4,6-triméthylbenzoyl)

diphenylphosphine (TMDPO) Camphorquinone Cétals de benzyles -dialkoxi-phénone -hydroxy-alkyl-phénone -amino-alkyl-phénone Oxydes d’alcyl-phosphine Azobisisobutyronitrile (AIBN)

L’efficacité de l’initiation varie grandement selon le type de photo-amorceur utilisé. Pour les systèmes radicalaires, les dicétals benzyliques, les oxydes d’acylphosphine et les cétones aromatiques se sont avérés les plus performants en raison de leur grande absorption dans le proche UV et de leur rendement quantique en coupure élevé [60]. Une étude par spectroscopie UV résolue dans le temps de la photolyse de l’amorceur a montré que le polymère photoréticulé contient une proportion importante d’amorceur n’ayant pas réagi [54]. Cela provient de la concentration relativement élevée (en masse) de photo-amorceur habituellement utilisée pour accélérer la polymérisation et combattre l’effet inhibiteur de l’oxygène de l’air. Il en résulte également un gradient de polymérisation à l’intérieur de l’échantillon [61], le pouvoir pénétrant du rayonnement lumineux étant inversement proportionnel à la concentration du photo- amorceur. Si les produits de photolyse de l’amorceur n’absorbent pas dans le proche UV, le rayonnement incident peut pénétrer progressivement dans le matériau irradié.

L’efficacité relative des différents photo-amorceurs varie selon le milieu de la réaction chimique, en particulier sa viscosité [62]. Il est donc difficile de comparer leur efficacité dans la synthèse des monolithes dont le porogène et les monomères varient.

Ortiz et al. [63] ont comparé les efficacités de la 2,2-dimethoxy-2-phénylacétophénone (DMPA) et de la benzophénone (BP) pour la photopolymérisation d’un sucre (Figure III-25). Avec la DMPA un rendement de conversion de 85% est obtenu et de 50 % avec BP. Cela pourrait s’expliquer par la variation de la réactivité de la BP avec la viscosité du milieu [63].

Figure III-25 : Influence du photo-amorceur 2 mol % sur le taux de conversion de la réaction de photopolymérisation d’un sucre avec I = 2 mW.cm-2 [63]

La DMPA est un photo-amorceur efficace [24, 64]. Une réaction rapide et un taux de conversion de monomères élevé sont obtenus avec des concentrations de DMPA inférieures à 0,25 % en masse. Le taux de photopolymérisation augmente avec l'intensité lumineuse incidente, mais pas avec la concentration de l'amorceur. La vitesse de polymérisation augmente lorsque [DMPA] augmente de 0,125 % en masse à 0,25 % en masse et diminue si [DMPA] augmente encore. Ceci est attribué à l'effet d'écran causé par des concentrations excessives de DMPA [63]. Pour ce travail, la photopolymérisation nécessite un photo-amorceur efficace applicable à la synthèse in situ en microcanaux. De plus, ces propriétés optiques doivent être compatibles avec les conditions de synthèse. Précédemment l’AIBN avait été utilisé et la photopolymérisation avait été réalisée à 365 nm dans le matériau retenu pour la microfabrication (COC) [1, 65]. Son spectre d’absorption permettait un photo-amorçage dans ces conditions. Toutefois, ce photo- amorceur n’est pas très efficace à 365 nm (Figure III-26) et une concentration de 2,5 % en masse était nécessaire.

DMPA

BP

Figure III-26 : Comparaison relative des allures du spectre d’émission de la lampe mercure du four UV Bio-Link BLX 365 utilisé (bleu pointillés) avec les spectres d’absorption de la

DMPA (jaune) et de l’AIBN (vert)

La majorité des études utilise l’AIBN (35% des articles) ou la DMPA (presque 50 % des cas) (Tableau III-8). L’efficacité de la DMPA explique son utilisation croissante en remplacement de l’AIBN. Sur 8 articles où la DMPA est utilisée, 7 ont fait le choix d’introduire 1% en masse de cet amorceur. Augmenter cette valeur risquerait d’induire un effet d’écran [63] et la diminuer pourrait poser des problèmes pratiques de répétabilité des expériences par une masse introduite dans le mélange trop faible. Comme son spectre d’absorbance est compatible avec une photopolymérisation à 365 nm dans le matériau COC (Figure III-26), l’amorceur DMPA a été

sélectionné pour notre étude.