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Phase modulée, équivalence avec le problème du coloriage

2.5 Quelques remarques simples sur les sphères dures à température finie

3.1.5 Phase modulée, équivalence avec le problème du coloriage

Une autre contrainte s’est imposée à nous sur la nécessité d’avoir de la polydispersité dans le rayon des sphères.

Quand les sphères sont monodisperses, le liquide uniforme est instable à haute fraction vo- lumique/pression. Pour augmenter sa fraction volumique le système s’auto-organise en regrou- pant au maximum les particules qui ne sont pas voisines sur le graphe. Il apparaît une phase “modulée”, où les sphères se regroupent en piles de particules qui n’interagissent pas. Cette situation est représentée en figure3.5. Les piles s’organisent selon une structure amorphe la plupart du temps, à cause des conditions aux limites : le nombre de piles étant généralement faible (au plus de l’ordre de la dizaine) pour les simulations que nous avons menées, il est dif- ficile de trouver un arrangement régulier qui soit compatible avec les conditions aux limites périodiques.

Cette phase est relativement difficile à faire apparaître, car elle se situe dans des régions de fraction volumique pour lesquelles le temps de relaxation est assez grand.

Si on associe une “couleur” à chacune des q piles, on s’aperçoit que le système est alors dans une phase qui réalise un “coloriage” du graphe aléatoire associé avec q couleurs. Un coloriage à q couleurs est une manière d’associer une des couleurs à chaque noeud du graphe, sans que deux noeuds voisins sur le graphe aient la même couleur.

Bien que notre modèle ait des degrés de liberté internes continus, il semble que les états denses se comportent comme si le problème était discret, avec un nombre fini de positions

3.1. Modèle 49

FIGURE 3.6: Configuration à haute densité/pression avec N =100 et c=13. Chaque pile de particules a été associée à une couleur, et on a ainsi pu donner un coloriage du graphe avec cinq couleurs.

(couleurs) accessible à chaque sphère. Dit autrement, l’état fondamental du problème continu est le même que celui du problème discret, bien que l’espace des configurations soit infiniment plus grand.

Nous avons pu explicitement colorier avec q=5 couleurs un graphe aléatoire avec c=13 en assignant une couleur à chaque pile de la phase modulée à haute fraction volumique. Le résultat est représenté en figure 3.6. Il faut noter que pour une connectivité c=13, il n’est pas possible de colorier un graphe aléatoire avec moins de q=5 couleurs [91]. Inversement, avec cinq couleurs, on peut colorier des graphes jusqu’à c=15 [91] : à c=13, on n’est donc pas très contraints avec cinq couleurs, et pourtant, on ne peut pas trouver d’arrangement avec une fraction volumique plus grande que celle qui réalise un coloriage avec ce nombre de couleurs.

Pour certaines connectivités cependant, le résultat n’est pas si clair. Par exemple, la fi- gure3.7présente des configurations à haute fraction volumique pour un graphe de connectivité c=20. Le système possède une phase modulée mais semble hésiter entre plusieurs nombres de piles. Certaines “couleurs” ont l’air bien définies, alors que d’autres ne peuvent pas être distin- guées. On observe alors un cas intermédiaire entre un empilement à 6, 7, voire 8 piles, quand le meilleur coloriage possible est avec q=7 couleurs [91].

De manière générale, simuler le modèle de sphères dures dilué n’est pas une manière nu- mériquement efficace de colorier un graphe, même quand le nombre de piles naturellement sélectionné par le système est sans ambiguïté. Il est possible que l’inefficacité provienne de la taille infiniment plus grande de l’espace des configurations dans le modèle des sphères dures dilué.

Il est intéressant de constater que le lien avec le problème du coloriage donne une forte indication que notre modèle subit une transition vitreuse thermodynamique de type 1-BSR. C’est en effet ce qui se passe pour le coloriage [91].

FIGURE 3.7: Configurations à haute fraction volumique pour N =1000 et c=20. Pour cette connectivité, le choix du nombre de pile n’est pas clair, et on ne peut pas définir un coloriage du graphe à partir de ces configurations. Il semble y avoir entre 6 et 8 piles. Étonnamment, la configuration de droite, qui semble compter plus de piles que celle de gauche, a une fraction volumique plus élevée.

riage pose cependant plusieurs problèmes. D’une part, la modulation et le phénomène de discré- tisation de la fraction volumique maximale qui l’accompagne sont des manifestations absentes d’un verre structural plus classique. Mais surtout, cette configuration est une catastrophe pour la présence d’isostaticité à la transition de blocage. En effet, la transition de blocage correspond pour la phase modulée/coloriée à un superposition parfaite des sphères dans chaque pile, et un arrangement des piles de manière à être exactement au contact deux à deux (une sorte d’empi- lement aléatoire compact de piles). On ne peut pas trouver de configuration modulée avec une fraction volumique plus grande, sans créer de recouvrements. Mais une telle configuration fait que chaque sphère est en contact avec toutes ses voisines qui sont dans les piles adjacentes à la sienne. Comme le nombre total de piles est fini (car il ne dépend que de la connectivité, pas de N), cela signifie que chaque sphère est en contact avec un nombre extensif de voisines exactement à la transition de blocage. Cela interdit bien sûr toute isostaticité dans le système. En fait, tout se passe comme dans le cas du cristal de sphères dures en dimension finie : du moment qu’il y a une forme d’ordre dans le système, avec une brisure spontanée de la symétrie de translation, on gagne en fraction volumique mais on perd l’isostaticité, avec de manière gé- nérale un nombre de voisins nettement plus grand que 2d. Pourtant, dans le cas du modèle de sphères dures dilué, la phase “ordonnée” est bel est bien vitreuse.

Pour contourner ces problèmes, nous avons introduit de la polydispersité dans le rayon des sphères, qui rend l’arrangement des piles entre elles difficile, car leurs parois deviennent comme “rugueuses”. Pour une polydispersité de l’ordre de p=0.1, la phase modulée n’est plus présente dans le système.