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Quelques conséquences des contraintes expérimentales sur la matrice de cova-

4.2.1 Bruit de mesure et statistique

Il est évident que la moyenne d’ensemble associée à la matrice de covariance KαβEq.3.31,

qui est réalisée expérimentalement par une moyenne temporelle, est affectée par la statistique de cette moyenne. De manière pratique, on prend M instantanés du système à intervalles de temps réguliers, et on effectue une moyenne sur cet ensemble de données. La matrice de covariance mesurée Km

αβest alors définie par :

Kαβm = 1 M M ∑ k=1 uα(tk)uβ(tk) ≡JtJ (4.1)

où J est une matrice rectangulaire de taille dN×M, ayant pour éléments : Ji j=√1

Mui(tj) (4.2)

Pour remonter aux modes normaux, il faut que les dN×dN éléments de la matrice de co- variance puissent être déterminés suffisamment précisément à partir de M×dN mesures de positions. Il faut donc que M>>dNpour que le résultat soit fiable. En pratique, il est difficile d’obtenir une statistique très importante, et on a souvent M≳dN.

Il est tout aussi évident que dans les mesures expérimentales, les petits déplacements, donc les modes ayant une petite valeur propre, sont noyés dans le bruit de mesure, qui limite la résolution spatiale. Formellement, on peut écrire la matrice de covariance mesurée comme étant la somme de la véritable matrice de covariance plus une matrice de bruit Kη :

Kαβm =Kαβ+Kαβη (4.3) De manière simple, l’erreur dans la densité de modes normaux devient importante pour des fréquences qui correspondent (via Eq. 3.33) à des déplacements quadratiques de l’ordre du carré de la résolution spatiale de la mesure expérimentale.

Nous avons essayé de rendre ces observations plus quantitatives en considérant le cas de la limite de bruit pur.

4.2.1.1 Bruit pur

Si le bruit noie complètement le signal, la matrice de covariance mesurée se ramène à : Kαβm =Kηαβ=Jη tJη (4.4) avec maintenant des déplacements mesurés aléatoires. On peut par exemple se restreindre au cas d’un déplacement aléatoire gaussien de variance Γ :

ui(tj) =Γηi(tj) (4.5)

ηi(tj)est une variable aléatoire gaussienne de variance 1.

Dans ce cas, Jη est une matrice rectangulaire aléatoire, et le spectre d’une telle matrice

peut être calculé [113]. Si M>dN, le produit Jη tJη possède des valeurs propresλ2

i qui suivent

4.2. Quelques conséquences des contraintes expérimentales sur la matrice de covariance 71 0 0.01 0.02 0 100 200 300 400 500 DdN, Γ ( ω ) ω Pure Noise

FIGURE4.3: Spectre obtenu à partir de la matrice de covariance dans le cas d’un bruit pur, avec une statistique faible (voir texte). On observe une queue caractéristique à haute fréquence.

ρ(λ) = 1 2πλ √ 2Γ2(1+dN M )λλ 2Γ4(1−dN M ) 2 (4.6) ce qui nous permet de remonter à la densité de modes normaux, par le changement de va- riables3.33: DM,Γ(ω) ∼ 1 ω √ 2Γ2(1+dN M ) 1 ω2− 1 ω4− Γ4(1−dN M ) 2 (4.7) On peut noter plusieurs caractéristiques de ce spectre. Tout d’abord, il possède un support compact :

(1+√dN/M)−1Γ−1<ω< (1−√dN/M)−1Γ−1 (4.8) En particulier il n’y a pas de modes propres autour de la fréquence nulle. Dans le cas limite M>>dN, on retrouve le résultat attendu :

D(ω) ∼δ(ω−Γ−1), (4.9) car on observe les mouvements aléatoires d’amplitude Γ de N particules indépendantes. A l’opposé, si la statistique est mauvaise (MdN), on voit apparaître une queue en 1/ω2à haute

fréquence dans le spectre :

DdN,Γ(ω) ∼

ω→∞

1

ω2. (4.10)

Ce cas est représenté en figure4.3.

4.2.1.2 Mesure bruitée

Les valeurs propres fiables de la matrice de covariance mesurée Km sont celles qui sont

nous donne une valeur critiqueλ∗, qui correspond à une fréquence limiteω∗ (qui est donc la

fréquence au delà de laquelle le spectre est profondément affecté par le bruit) :

ω∗(M) ∼ 1 1+√dN

M

1

Γ, (4.11)

où on rappelle que Γ est la résolution spatiale de la mesure, et M le nombre d’instantanés pris pour la moyenne temporelle de la matrice de covariance.

Il est intéressant de noter que même une statistique parfaite ne permet pas de s’affranchir totalement de la limite de résolution :

ω∗(M→ ∞) =1/Γ. (4.12)

Ceci est dû à la nature cumulative des erreurs dans la matrice de covariance, qui ne mesure pas une moyenne de distribution mais une variance.

4.2.1.3 Mélange signal/bruit : bruit simulé

Nous avons étudié le cas d’un mélange signal/bruit par des simulations numériques. L’idée est de comparer le spectre obtenu par une simulation classique sans bruit à celui obtenu en ajoutant artificiellement un bruit sur la position des particules.

Nous avons utilisé un code Monte-Carlo pour simuler des configurations tridimensionnelles amorphes de N=864 sphères dures à une fraction volumiqueφ=0.594. Pour limiter la cristal-

lisation, nous avons utilisé des sphères de polydispersité 3%.

Pour construire la matrice de covariance, nous avons utilisé M=5×104 instantanés pour

effectuer la moyenne temporelle. Nous avons vérifié que le ratio M/N est suffisamment élevé pour que le spectre ait convergé en nous assurant que celui-ci n’est pas modifié en effectuant l’analyse avec M/2 instantanés. Pour étudier l’effet du bruit de mesure, nous avons donc calculé la matrice de covariance KαβEq.3.31et une matrice contenant du bruit simulé en altérant la

mesure de position des particules um

α de la manière suivante :

um

α(ti) =uα+˜Γηαs(ti) (4.13)

ηsi(tj)est une variable aléatoire pouvant prendre comme valeur±1 pour chaque coordonnée.

On a pris pour l’amplitude du bruit Γ=√3 ˜Γ une valeur de√3×10−2R, où R est le rayon moyen

des sphères, comparable à la valeur expérimentale du bruit.

L’argument donné dans la section précédente prédit des différences importantes entre les deux spectres pour des fréquences supérieures àω∗=1/Γ≃50R−1

Les spectres obtenus sont présentés en figure4.4. On peut noter que, de manière attendue, le spectre bruité est décalé vers les basses fréquences par rapport au spectre obtenu sans bruit (le bruit augmente le déplacement quadratique moyen apparent du système). Les deux spectres sont essentiellement différents à haute fréquence, où le bruit prend le pas sur le signal. La différence devient cependant visible à des fréquences (10R−1) sensiblement inférieures àω∗.

Cela provient du fait qu’àω∗, le bruit devient du même ordre que le signal, ce qui ne veut pas

dire que les effets du bruit ne sont pas observables à plus basse fréquence.

Le point important cependant est que, pour une amplitude de bruit comparable à celle de l’expérience, le bruit n’affecte pas la partie du spectre à laquelle on s’intéresse, à basse fréquence.

4.2. Quelques conséquences des contraintes expérimentales sur la matrice de covariance 73

FIGURE4.4: A gauche : Spectres obtenus dans le cas d’une simulation sans bruit (en rouge) et avec bruit (en bleu). La différence est visible à haute fréquence, comme attendu. A droite : Le spectre cumulatif N(ω) = ∫0ωD(ω′)dω′fait montre qu’à basse fréquence, les deux spectres sont

identiques.

4.2.2 Dimension réduite

La microscopie confocale ne nous permet d’accéder qu’à des instantanés bidimensionnels du système. Comment cela affecte-t-il le spectre des modes normaux obtenu ? En particulier, que devient la partie basse fréquence du spectre ?

4.2.2.1 Sur les modes à basse fréquence dans un système projeté

Si on veut étudier l’excès de modes à basse fréquence dans les amorphes en partant de l’observation d’une coupe bidimensionnelle, on doit s’assurer que cette projection ne “crée” pas des modes basse fréquence là où il n’y en a pas dans le système tridimensionnel original.

Nous présentons ici un argument proposé par Ghosh et al. [83], qui montre que si de tels modes sont observés dans une projection bidimensionnelle, alors il existe des modes à basse fréquence dans le système tridimensionnel.

La première chose à remarquer est qu’étudier la matrice de covariance dans une section bidimensionnelle, c’est étudier une sous-matrice de la matrice de covariance du système tri- dimensionnel complet. Le problème est donc mathématiquement de savoir quelle information sur le spectre d’une matrice on peut obtenir à partir du spectre d’une de ses sous-matrices.

Notons V les vecteurs propres (normalisés) de la matrice de covariance totale (tridimen- sionnelle) K, associés à des valeurs propresλ; ˜V et ˜λles vecteurs propres et valeurs propres

d’une sous-matrice ˜K. Comme les vecteurs V forment une base de l’espace des configurations, on peut décomposer les ˜V dans cette base :

˜ V= ∑

α

cαVα (4.14)

avec la normalisationαc2α=1.

On a alors pour les valeurs propres : ˜

λ= ⟨V˜∣K∣V˜⟩ = ∑

α

Cette relation peut être réécrite immédiatement comme : ∑

α

c2α(λ˜−λα) =0 (4.16)

Les coefficients c2α étant tous positifs, la seule manière de respecter cette identité est d’avoir une partie des valeurs propresλαplus grandes que ˜λ, et une autre partie des valeurs propres

plus petites. En particulier, une grande valeur propre ˜λ (donc une fréquence basse dans le

spectre des modes normaux) implique qu’il existe une valeur propre λα encore plus grande

(donc à plus basse fréquence). De plus, s’il y a peu deλαsupérieurs à ˜λ, les cαassociés doivent

être grands (en valeur absolue) pour respecter l’égalité4.16.

Dit autrement, un mode basse fréquence dans le système bidimensionnel implique qu’il existe un mode basse fréquence lui ressemblant dans le système tridimensionnel, car la projec- tion de l’un sur l’autre est élevée.

4.2.2.2 Théorie élastique dans un système projeté

Un autre aspect important à étudier est l’impact de la projection sur la loi de Debye atten- due pour le cristal à basse fréquence. Si l’on veut caractériser le pic de bosons, il faut savoir quel est le spectre de référence associé au cristal.

L’approche naïve consiste à considérer que le spectre attendu pour une matrice de cova- riance calculée dans un plan de coupe bidimensionnel vérifie la loi de Debye pour d=2 : D(ω) ∼ω pour ω→0. Mais une première observation nous fait douter de cette hypothèse :

c’est exactement cette dépendance enωde la densité d’états qui fait que le cristal est instable

en dimension deux. Comme on sait, heureusement, que le cristal est stable pour d=3, cette hypothèse ne peut donc pas être la bonne.

Pour dériver la bonne dépendance de la densité de modes aux basses fréquences, on peut utiliser une théorie élastique linéaire et isotrope. L’anisotropie du cristal entre certainement en jeu pour déterminer la densité de modes exacte, mais la loi d’échelle pour les basses fréquences doit être préservée par l’approche isotrope.

Considérons un médium élastique tridimensionnel décrit localement par une déformation u, que l’on prend scalaire (une théorie anisotrope complète exigerait de considérer un vecteur de déformation u). L’énergie de ce système peut s’écrire :

U= A

2 ∫ (∇u)

2d3x (4.17)

où A est le module élastique. Une transformée de Fourier nous amène à : U=A

2 ∑k k

2u

k∣2 (4.18)

L’équipartition de l’énergie implique alors : ⟨∣uk∣2⟩3=

kBT

Ak23 (4.19)

où l’indice 3 indique la dimension du système que l’on étudie. Cette forme implique pour une onde plane la relation de dispersion usuelle :

4.3. Résultats expérimentaux 75