• Aucun résultat trouvé

Phénotype distinct des cellules immunes exprimant CD146 dans les tumeurs 135

4   éme Section : Discussion, perspectives et conclusions

4.2   La molécule d’adhérence CD146 définit une population de lymphocytes T

4.2.3   Justification et critique du matériel biologique utilisé 133

4.2.4.1   Phénotype distinct des cellules immunes exprimant CD146 dans les tumeurs 135

Chez les patients atteints d’un cancer, l’expression de CD146 dans les PBMC est faible et comparable à l’expression de CD146 chez les donneurs normaux (Figure 15 A). Les patients atteints de maladies auto-immunes, comme la sclérose en plaques (SEP), montrent une proportion de leurs PBMC exprimant CD146 plus élevée [204, 255]. Dans leurs travaux réalisés chez des patients souffrant de SEP, Larochelle et ses collaborateurs ont observé que cette proportion varie en fonction de la gravité de la maladie; l’expression de CD146 étant plus élevée dans les lymphocytes T CD4+ chez les patients en rechute aigüe que chez les patients sous traitement. Ceci démontre une association entre l’expression de CD146 dans les lymphocytes et la phase inflammatoire de la maladie [204]. Ces observations prouvent

l’importance du microenvironnement tissulaire dans la modulation de l’expression de CD146 dans les cellules immunes.

Par ailleurs, les profils phénotypiques et génétiques des cellules que nous avons caractérisés dans les TIIC diffèrent des observations faites dans les cellules immunes de patients souffrant de maladies auto-immunes. Même si nos résultats confirment que l’expression de CD146 est majoritairement retrouvée dans les lymphocytes T CD4+, cette expression est également retrouvée dans les lymphocytes T CD8+ et dans les phagocytes (monocytes/macrophages/DC) (Figure 15 et 18). Une très récente étude rapporte la caractérisation des lymphocytes T CD8 exprimant CD146 chez les donneurs sains et chez des patients souffrant de maladies autoimmunes [270]. Les TIIC exprimant de faibles niveaux de CD146 (CD146Low) sont majoritairement des CD3- CD14+ CD11c+ (Figure 18 B et C), un type de cellules immunitaires que nous n’avons pas davantage étudié, mais qu’il serait intéressant de caractériser ultérieurement afin de déterminer les proportions de cellules immunosupressives (macrophages M2, MDSC…) qui les composent. En effet, la proportion des cellules CD3- CD14+ CD11c+ exprimant CD146 dans les tissus adjacents aux tumeurs de poumon représente plus de 50 % de cette population alors qu’elle est presque nulle dans les PBMC des mêmes donneurs.

Lorsqu’on précise nos caractérisations aux sous-populations de lymphocytes T CD4+ exprimant CD146, nos observations dans les tumeurs diffèrent de celles réalisées dans les maladies auto-immunes. Il est maintenant bien décrit que lors de la phase de différenciation des lymphocytes T CD4, l’équilibre et l'interaction des cytokines présentent dans le microenvironnement vont déterminer leur polarisation en Th ou en Treg [271, 272]. Ce microenvironnement étant différent dans les maladies auto-immunes comparativement aux tumeurs, il est donc normal de trouver des variations du phénotype des cellules exprimant CD146 et aussi des niveaux d’expression de CD146 dans les tumeurs d’un même type de tissu. Dans les maladies auto-immunes, l’expression de CD146 dans les lymphocytes T CD4+ est liée au profil phénotypique et génétique des Th17 [204, 255, 256]. Dans notre étude, nous avons confirmé par microarray l’expression de certains gènes liés aux cellules Th17 tels que IL-7 ou le RORC dans les TIL CD4+ exprimant CD146 (Tableau 7). Cependant, notre

caractérisation phénotypique de ces TIL exprimant ou non CD146, suite à une activation avec PMA/Ionomycine, montre qu’une très faible portion de ces cellules sécrète de IL-17A (Figure 19). Il serait intéressant de confirmer ces obdervations en ajoutant d’autres marqueurs caractéristiques des Th17 tels que CCR6, CCR4, IL-23R et CD161 [273, 274]. Cependant, nous pensons que le faible nombre de Th17 observé pourrait s’expliquer par les raisons suivantes :

- Les tumeurs sont fortement infiltrées par des cellules Treg qu’on retrouve aussi dans le sang de patients atteints du cancer [106, 275]. Ces cellules sont essentiellement des iTreg induites par la présence de VEGF, IL-10 et TGF-β présents dans le microenvironnement tumoral [93, 117, 276]. Compte tenu de l’importance du microenvironnement tumoral sur le conditionnement des lymphocytes T CD4 en Treg, il est donc logique de trouver des cellules exprimant la CAM CD146 parmi les cellules qui ont un profil de cellules Treg dans les tumeurs.

- Même si les cellules tumorales, les fibroblastes et les APC, présents dans le microenvironnement tumoral, sécrètent des cytokines telles que le TGF-β, IL-23, IL-6, IL-1β et IL-21, formant ainsi un milieu favorable à l’expansion et la régulation des Th17 [277, 278], leur rôle dans l’immunité antitumorale est encore mal défini et reste controversé [279]. En effet, chez l’humain, les Th17 inhibent et participent à la progression tumorale. [280]. Ceci peut être expliqué par plasticité des Th [271]. En effet, bien que les cellules Th semblent représenter des populations de CD4 phénotypiquement et fonctionnellement distinctes, ces cellules vont être conditionnées par leur milieu et peuvent en conséquence changer de phénotype et de fonction [281]. À ce propos, les Th17 sont connues pour avoir une forte capacité de plasticité [282, 283]. Dans des conditions tumorales, ces cellules ont été montrées comme pouvant se différencier en cellules ayant des propriétés apparentées aux Th1 [284].

- Les cellules Th17 et les Treg ont des rôles opposés dans le développement de maladies auto-immunes et inflammatoires. Alors que les cellules Th17 vont promouvoir l'auto- immunité, les cellules Treg vont maintenir la tolérance du soi en contrôlant l'expansion et l'activation des cellules T effectrices CD4+ autoréactives. Ces observations suggèrent que CD146 peut être exprimé par des cellules ayant un rôle clef dans la pathologie observée soit

Les tumeurs que nous étudions ont une taille supérieure à 2 cm dans le plus petit axe, ce qui signifie qu’elles ont mis en place des mécanismes immunosuppressifs dont le recrutement et l’induction de Treg. Il est intéressant de constater qu’une plus grande proportion de lymphocytes T CD4+ exprimant CD146 possède un profil phénotypique associé aux cellules Treg comparativement à ceux qui n’expriment pas CD146 (Figure 19 et 20). Les cellules CD4+ CD146+ montrent des profils de gènes liés aux cellules immunosuppressives (Tableau 6). Il serait intéressant de compléter notre étude génétique et phénotypique par l’étude du sécrétome des CD4+ CD25hi CD146+ afin d’identifier leur fonction et leur rôle dans le microenvironnement tumoral.