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L’infiltration immunitaire comme marqueur pronostic du développement

1   ère Section : Introduction

1.2   Rôle du système immunitaire dans l’évolution des tumeurs 13

1.2.5   L’infiltration immunitaire comme marqueur pronostic du développement

De nombreuses études suggèrent que le développement de la tumeur est contrôlé par le système immunitaire de l'hôte. L’infiltration immunitaire peut être un marqueur pronostic permettant de prédire les réponses cliniques aux traitements.

Récemment, une méta-analyse a résumé plus de 120 articles publiés mettant en évidence l’importance de la localisation, la nature, la densité de l’infiltration immunitaire dans le développement tumoral [100, 131]. Ces paramètres permettent de définir le « contexte immunitaire » d’une tumeur qui est propre à chaque patient [132].

1.2.5.1 La nature de l’infiltration.

Des analyses histopathologiques de tumeurs humaines ont fourni la preuve que tous les types de cellules immunitaires peuvent être trouvées dans une tumeur, y compris les macrophages, les DC, les mastocytes, les granulocytes les MDSC, les cellules NK, les lymphocytes naïfs et mémoires, les cellules B et les cellules T effectrices comprenant les

PHASE D’ÉVASION La tumeur acquiert des mécanismes d’évasion Diminution de immunogénicité tumorale Dérégulation de la réponse immune Résistance à l’apoptose Croissance tumorale Métastases ÉVASION

Cellules tumorales Cellules mortes

Cellules dendritiques

Lymphocytes T CD4 Lymphocytes T CD8 Interleukines

Lymphocytes T apoptotique Treg MDSC VEGF TGFβ

différents sous-types de lymphocytes T : les cellules Th (Th1, Th2, Th17, Treg, les lymphocytes T auxiliaires folliculaires (Thf)) et des CTL.

Une forte infiltration lymphocytaire a été rapportée comme étant associée à un bon résultat clinique dans de nombreux types de tumeurs [73, 133], y compris mélanome, cancers du sein, de la vessie, de l'ovaire, du côlon, du rein, de la prostate et du poumon (résumé en [100]). Une densité élevée de CTL avec un profil de cellules mémoires CD45RO+ a été clairement associée à une meilleure survie des patients. La capacité des cellules T effectrices- mémoires à se rappeler d’un antigène précédemment rencontré conduit à une réponse protectrice. De plus, ces cellules sont maintenues pendant de longues périodes de temps ce qui permet d’entraîner une immunité à long terme [134].

La corrélation entre les résultats cliniques et l’analyse des sous-populations de lymphocytes T CD4+ a donné des résultats contradictoires et ont fait l’objet de nombreux débats dans la dernière décennie (Figure 5). C’est le cas des cellules Treg, dont certaines

études corrèlent leur infiltration avec une meilleure survie globale des patients, d’autres avec un effet nul et d’autres rapportent leur association à un mauvais pronostic (revue dans [100] tableau 1). Les Treg peuvent être nocifs quand ils bloquent les CTL antitumoraux ou bénéfiques quand ils diminuent l'inflammation chronique. Ces différences dans le pronostic peuvent s’expliquer par le fait que ces corrélations se basent sur l’expression de marqueurs non restreints à cette population (CD25 et FOXP3) pour l’identification des cellules immunosuppressives.

On retrouve aussi cette contradiction pour les cellules Th17. Dans les modèles murins, l'IL-17 (cytokine produite par les cellules Th17) favorise la croissance des tumeurs chez les animaux immunodéficients en maintenant l'inflammation chronique, tandis qu'elle favorise le rejet de la tumeur chez les animaux immunodéprimés compétents en augmentant la réponse antitumorale [135, 136].

Les cellules Th2, par l'activation des lymphocytes B ou par la production de la cytokine immunosuppressive (IL-10), semblent être associées aux tumeurs agressives. Cependant, ce n'est pas un phénomène général, car les cellules Th2 sont également associées dans certains cancers à un effet de protection [137]. Les lymphocytes Th1, par leur production

Les cellules NK, qui ont un rôle protecteur dans les premiers stades du développement de la tumeur, se trouvent dans un état d’anergie lorsque la tumeur se développe (effet du TGF- β). Elles n’auront donc que peu d’effets une fois le cancer est cliniquement décelable.

Le rôle des lymphocytes B est lui aussi controversé. Ils peuvent agir comme des APC et par conséquent, être important afin d’induire l’activation des lymphocytes T qui aident à contrôler l'invasion tumorale [138]. Mais par leur production d’IL-10 et d’immunoglobulines (Ig)G, ils peuvent activer les macrophages pro-tumoraux (M2) [139], convertir les CD4+ en Treg [140] et ainsi participer aux premiers stades de la cancérogenèse et à la progression métastatique.

Figure 5 : L’association de l’infiltration des cellules immunes avec le pronostic des patients dans différents types de cancers (extrait de [100]).

Résultat de l’analyse de 124 articles résumant l’impact de l’infiltration de lymphocytes T cytotoxiques mémoires (CD8+ CD45RO+), des Treg et des différentes sous population de Th (Th1, Th2, Th17) sur le pronostic des patients atteints d’un cancer (20 types de cancers étaient analysés). « Good » signifie que le type cellulaire est associé à un bon pronostic, « None » signifie qu’il n’y a pas de corrélation et « Poor » signifie que les cellules sont associées à un mauvais pronostic.

La variabilité des résultats obtenus dans les études de corrélation entre l’infiltration immunitaire et le pronostic de la maladie peut s’expliquer de différentes manières :

- Elle peut refléter le fait que les tumeurs ont des phénotypes différents et que les cellules sont sujettes à un microenvironnement propre à chaque patient. Les cytokines sécrétées dans ce milieu tumoral vont influencer la migration des cellules immunitaires, mais aussi jouer sur leur plasticité (voir chapitre 1.3.1 Les chimiokines).

- Elle peut être due à la qualité des méthodes de détections, des outils et au choix des marqueurs utilisés pour phénotyper les cellules immunes (voir section 1.2.6 :

Méthodes de caractérisation des cellules immunitaires infiltrantes). 1.2.5.2 La localisation de l’infiltration.

Les analyses histologiques ont montré que la distribution de l’infiltration immunitaire varie entre les types de tumeurs. On définit différentes zones d’infiltration : le noyau de la tumeur (core of the tumor, CT), les marges invasives (IM) et les structures lymphoïdes tertiaires adjacentes (TLS). Une corrélation entre la densité de cellules immunitaires dans chaque région de la tumeur (CT et IM) et de l'évolution de la maladie a été montrée dans le cancer colorectal [141]. De plus, l'analyse combinée des régions tumorales a amélioré la précision de la prédiction de la survie pour les différents groupes de patients par rapport à l'analyse d’une seule région.

Les macrophages, les mastocytes, les granulocytes et les MDSC se trouvent dans le CT et la IM. Il est établi que l'inflammation chronique et la présence de macrophages M2 favorisent la croissance tumorale [142]. Les cellules NK sont présentes dans le stroma et ne sont pas en contact avec les cellules tumorales. Les cellules B sont surtout présentes dans la IM des tumeurs en croissance et au sein des TLS [143]. Les lymphocytes T, en particulier des cellules T CD8+cytotoxiques, peuvent être situés dans la IM, mais peuvent aussi être dans CT. Peu de lymphocytes T CD8+ cytotoxiques se trouvent dans TLS qui sont similaires aux follicules secondaires dans les ganglions lymphatiques et qui contiennent surtout des lymphocytes T naïfs et des lymphocytes T mémoires , des lymphocytes B et des DC matures [143].

Les DC immatures sont distribuées dans le CT, en contact direct avec les cellules tumorales ou dans le stroma environnant. Les DC matures se concentrent dans TLS, en contact étroit avec cellules T naïves. Les TLS peuvent être des sites dans lesquels des réponses immunitaires primaires et/ou secondaires sont générées.

Le fait que les populations de cellules immunitaires fonctionnelles soient situées dans différentes zones de la tumeur, et que celles-ci varient entre les différents types de cancer suggère que ces cellules immunes peuvent avoir des rôles différents dans le contrôle de la tumeur.

1.2.5.3 La densité.

En plus de la nature de l’infiltration immunitaire et de sa localisation, la densité de l’infiltrat immunitaire va être déterminante pour l’évolution de la tumeur. La densité de l’infiltrat va être variable d'une tumeur à une autre et peut être corrélée aux résultats cliniques dans les cancers. Dans les cancers colorectaux, un forte densité de cellules lymphocytes CD3+,

CD8+, CD45RO+ GZMB+ corrèle avec un bon pronostic [131]. Cependant, il est clair que la

densité n’est pas le seul facteur à prendre en considération quant à l’influence que peuvent avoir les lymphocytes infiltrant (TIL) sur les tumeurs. Une étude a démontré qu’un infiltrat immunitaire abondant est l’indicateur d’une survie significativement prolongée chez des patients atteints d’un cancer du sein âgés de moins de 50 ans, alors qu’il n’influence pas la survie chez les 50 ans et plus. Ceci peut s’expliquer par un défaut de fonction des cellules effectrices chez les personnes plus âgées.

1.2.5.4 Immunoscore

La prévalence de l’infiltrat immunitaire des tumeurs, plus que le statut de la tumeur, pourrait être un indicateur clé de la récidive, des métastases et du résultat clinique. Il est donc important d'ajouter les marqueurs immunologiques à la classification TNM afin de renforcer le pronostic de la maladie. Le groupe de Jérôme Galon a proposé de quantifier l'infiltrat immunitaire in situ dans le cancer colorectal [131, 144] et de mettre un système de notation désigné sous le terme d’« immunoscore ». Il repose sur la numération de populations de lymphocytes largement démontrées comme des cellules ayant un rôle dans de la réponse immunitaire antitumorale (résumé dans [144]) exprimant les marqueurs CD3/CD45RO,

CD3/CD8 ou CD8/CD45RO à la fois dans le CT et dans la IM [141]. L’immunoscore fournit un score allant de 0 (I0) lorsque de faibles densités de ces types de cellules se trouvent dans les deux régions, à 4 (I4) lorsque de fortes densités se trouvent dans les deux régions [145].

La valeur pronostique de l'utilisation de ces critères immunitaires a été démontrée chez les patients atteints d’un cancer colorectal à un stade précoce (stade TNM I- II) pour prédire la survie et la rechute des patients [141]. Cinq ans après le diagnostic de leur maladie, seulement 4,8 % des patients avec des densités élevées de lymphocytes CD8+ et CD45RO+ ont eu une récidive de leur tumeur, et 86,2 % ont survécu. En revanche, la tumeur a récidivé chez 75 % des patients ayant de faibles densités de ces populations de cellules immunes et seulement 27,5 % ont survécu.

L’immunoscore peut être considéré comme un bon marqueur pronostique, car il est réalisable en routine dans les laboratoires de pathologie clinique, simple, peu coûteux, rapide, robuste, reproductible et, quantitatif [146]. L’ajout de marqueurs supplémentaires peut être d’intérêt afin d’affiner sa valeur pronostique.